LE RAID SUR DIEPPE
Quand ça a été décidé, la date, là, ben là, on pouvait p'us sortir parc'qu'on pouvait
pas donner d'nouvelles, on pouvait pas sortir, on pouvait pas avoir de contacts avec...
Et puis, on va pas rien dire. Mais là, on sait pas à quelle heure, on sait pas
quand les blessés vont renter. Mais là, on en avait beaucoup, là, vous savez, on avait
beaucoup d'blessés. On était bien entraînés, on était déjà en Angleterre
depuis longtemps. On fonctionnait ensemble, on était habitués d'être ensemble.
On savait comment ça s'passait. On savait... Là, on a su, évidemment,
recevoir les malades. C'est les médecins qui ont opéré tout l'temps,
mais ça a été très, très bien. Ça été... Après Dieppe, ça a bien été. Ça, comme j'vous dis, c'était
au mois d'août '42, pis on est restés là jusqu'à temps... On est restés là, voyez-vous,
de '42 jusqu'en '43 à peu près un an avant d'partir pour l'Italie. Mais là, on évacuait...
Vous savez, les malades qui étaient trop malades, on les évacuait vers le Canada,
y r'venaient au Canada, on les rapatriait. Pis les malades qui étaient biens,
retournaient à leur unité. J'ai trouvé très pénible après Dieppe parc'que, d'abord,
on a perdu beaucoup de... beaucoup d'morts. Pis les blessés, ils étaient tellement...
y en avait beaucoup de tellement jeunes. J'ai des photos ici de... les photographes
de l'armée... sont v'nus prendre des photos, pis on en a vues dans les journaux.
Mais, ces jeunes-là, s'attendaient pas à ça.
J'pense que c'était pas facile, Dieppe, ils étaient tellement – c'est l'cas d'le dire – un mur.
Ils ont trouvé ça dur, les jeunes. Mais, vous savez, y sont courageux,
nos jeunes. Ils étaient courageux. Y en beaucoup qui sont restés,
pis qui sont v'nus en Italie avec nous, pis d'autres sont partis pour... sont restés...
pis le débarquement après. Mais les gens étaient bien courageux. Vous savez,
y avait pas d'affaires « J'suis allé à Dieppe, vous m'prendrez pas dans d'autr' chose... »
y avait pas ce langage-là. Les gens étaient là pour servir, ils avaient fait leur ouvrage.
Évidemment, c'tait décevant, Dieppe. J'devrais pas dire ça, peut-être,
mais ça été décevant, Dieppe. Décevant... Les gens étaient... sont r'venus...
Y avaient pas atteint vraiment... De tout' côtés, c'tait pas l'invasion,
non plus. C'était un raid. J'pense qu'ils étaient au courant
et les gens ont accepté, comme tous les bons soldats.
Y ont accepté leur... pas une défaite non plus.
Y en ont retiré quelque chose de bien, j'crois bien.
C'qui les a plus bouleversé, c'est toujours de voir un copain mourir près d'vous.
D'autres, y avaient pas pu débarquer, vous savez, ça a été dur.
Même, y en a qui s'sont noyés, pis y a eu toute sorte... Ça été...
Moi, là, Dieppe - je relisais l'autr' jour parc'que j'voulais m'renseigner,
j'pense que j'en avais oublié une grande partie – ça été très
stressant pour tout l'monde, hein, ça été dur pour les soldats aussi.
Puis, j'me souviens pas, mais y a eu beaucoup, beaucoup d'morts à Dieppe, hein ?
Ils ont perdu beaucoup d'leurs compagnons, pis d'leurs frères d'armes et puis...
Ça, psychologiquement... mais dans c'temps-là, j'peux pas dire que...
je sais même pas si on avait des psychologues durant la guerre
mais les gars se r'prenaient en main, puis r'tournaient, puis...
Leur mental était très bon. Le moral des troupes...
Le moral des Canadiens était très bon.
NOUS AVONS AIDÉ À GARDER LE MORAL DE NOS SOLDATS
On sent qu'on aide quelqu'un, on fait du bien.
Savez-vous, on avait beaucoup de fractures, pis de choses comme ça.
Là, vraiment, on remplit notr' rôle. Là, vraiment, on sait qu'on est pas là pour rien.
On sait qu'on est là, pis à part de d'ça, moi, d'avoir des p'tits jeunes hommes,
des p'tits jeunes de chez nous, vous savez, on peut leur dire un mot, on peut
écrire des lettres à leurs parents, on peut faire un tas d'choses pour eux,
on est très près... on est très près d'nos blessés. C'est très bien. J'sais pas si
eux relatent ça, mais y en a bien que j'ai rencontrés après, qui nous disaient :
« Bien, moi, j'étais là, pis c'est vous qui étiez là, vous avez eu soin d'moi... »
Vous savez, y s'souviennent beaucoup, beaucoup. J'pense que pour les soldats, d'avoir
des infirmières là, pour eux, c'est une grosse chose. Ah ! oui... Ah ! oui...
Des infirmières de chez eux aussi. C'est ça qui est important...