Capitaine (à la retraite) Andrew Webb
Le capitaine (à la retraite) Andrew Webb possède un tout petit souvenir, vieux de 30 ans, de la chose la plus horrible dont il ait jamais été témoin.
Balkans Tempête de verglas Afghanistan
S'est enrôlée
1987
Affectations
- CMR Saint-Jean
- BFC Valcartier
Expérience opérationnelle
- 1993, 1996 (Bosnie)
- 1997 (inondations de la rivière Rouge)
- 1998 (tempête de verglas)
Le capitaine (à la retraite) Andrew Webb possède un tout petit souvenir, vieux de 30 ans, de la chose la plus horrible dont il ait jamais été témoin – et de son plus grand accomplissement militaire – la découverte d’un hôpital pour enfants abandonné à Fojnica, en Bosnie, où il a contribué à sauver plus de 200 enfants pendant les conflits en Yougoslavie. Le capitaine Webb a servi au sein de la Force de Protection des Nations Unies (FORPRONU) en Bosnie lorsque « le pays entier a sombré dans l’anarchie. Nous tentions de maintenir la paix dans une région où la paix est inexistante. »
Le 18 juillet 1993 fut une journée particulièrement torride dans cette région méditerranéenne, le mercure atteignant les 40 °C. Le capitaine (à la retraite) Andrew Webb était alors un lieutenant âgé de 23 ans, et lui et ses camarades du Royal 22e travaillaient au service de sécurité au camp de Visoko, environ 30 minutes au nord de Sarajevo. Lui et le peloton 7 ont été appelés pour escorter deux infirmières croates qui avaient marché pendant trois jours pour se rendre aux lignes de l’ONU, afin qu’elles puissent retourner à l’hôpital pour enfants qu’elles avaient été forcées d’abandonner.
Les Canadiens ont bien compris l’urgence de la situation – un grand nombre d’enfants étaient en danger. Un agent de liaison britannique et un traducteur se sont joints à leur patrouille.
Sarajevo était encore assiégée et des dizaines de milliers de mines avaient été dissimulées d’un bout à l’autre du pays. La route menant à Fojnica était bloquée par l’armée bosniaque, qui avait chassé les forces croates de la région par de violents combats. Une partie de la ville de Fojnica avait été incendiée et l’hôpital Drin – qui traitait principalement des enfants souffrant de déficiences physiques et intellectuelles – avait été abandonné lorsque les combats étaient devenus trop menaçants pour le personnel et les patients.
Les troupes des Nations Unies et les convois d’aide humanitaire tentaient depuis des jours d’atteindre deux hôpitaux abandonnés. Aux postes de contrôle de l’armée bosniaque situés sur la route principale en provenance de Kiseljak, on leur refusait l’accès.
M. Webb et ses troupes ont alors emprunté un autre chemin qui se trouvait hors de portée radio.
« Nous ne pouvions compter que sur nous-mêmes. »
Le trajet a été pénible : ils ont notamment dû surmonter divers obstacles tels que les mines antichars et les combattants locaux, et ont perdu la trace de leurs véhicules blindés. Après avoir trouvé un autre hôpital abandonné qui avait été pris en charge par les troupes croates à Bakovici, ils sont arrivés à Fojnica en fin d’après‑midi le dimanche 18 juillet.
Cette ancienne ville thermale, reconnue pour ses sources d’eau curatives centenaires, ressemblait à une ville fantôme
« Des portes de maison étaient restées ouvertes, des chiens se promenaient en toute liberté et il y avait encore des chèvres et des chevaux dans les champs, se rappelle M. Webb. On voyait que les gens étaient partis rapidement, comme en témoignaient les vêtements sur les cordes à linge. »
Dès qu’ils se sont approchés de l’hôpital Drin abandonné, M. Webb a entendu les cris des enfants, puis a vu leurs petits bras qui pendaient par les barreaux des fenêtres. Lorsqu’ils avaient été forcés de fuir, les membres du personnel avaient enfermé les patients dans leur chambre et dans les salles communes pour les garder en sécurité.
« L’hôpital pour enfants, qui était situé en zone de guerre dans un pays communiste, avait été abandonné pendant trois jours au cours desquels la température atteignait les 40 à 45 °C, et notre tâche consistait à ouvrir les salles et à assurer la sécurité des infirmières pendant qu’elles faisaient leurs rondes, explique M. Webb. Disons que nous avons eu une idée de ce que pouvait sentir l’enfer. »
Les enfants étaient très ébranlés.
« Certains enfants tremblaient, accroupis dans un coin; leurs pieds étaient bleus; des bébés souillés et en état de déshydratation avancé gisaient dans leur berceau, et d’autres enfants étaient tapis sous leur lit et criaient. Ils étaient tous affamés et en état de panique. »
Lorsque les infirmières ont commencé à s’occuper des bébés dans leur berceau, des coups de feu ont été entendus à l’extérieur. Ils étaient hors de portée radio et limités en troupes et en ressources. Ils ont donc pris la difficile décision de verrouiller les portes et de prendre le chemin du retour pour obtenir une aide supplémentaire.
Le lendemain, des membres du peloton de pionniers d’assaut des groupements tactiques canadiens ainsi que du personnel médical sont arrivés pour sécuriser le site. Ils se sont occupés des cas les plus urgents et ont commencé à nettoyer l’endroit. Un important convoi des Nations Unies et de la Croix‑Rouge transportant des médecins, de la nourriture et des fournitures médicales est arrivé quelques jours plus tard. Les troupes canadiennes et le personnel médical du CANBAT 2 sont demeurés sur place jusqu’à la fin de leur mission, en novembre 1993.
« L’abandon et la vulnérabilité de ces enfants malades semblent être la plus grande injustice de la guerre. »
« Ce sont certainement les victimes les plus innocentes de la guerre, car ils ne comprennent pas ce qui se passe et n’ont rien à voir avec ces conflits. C’est tout simplement… dément. »
Andrew Webb s’est enrôlé dans les Forces à 17 ans et, après avoir obtenu son diplôme du Collège militaire royal de St‑Jean, il a servi au sein du 2e Bataillon du Royal 22e Régiment, dont le quartier général est situé à la Citadelle de la ville de Québec. Il provient d’une longue lignée de militaires : son arrière‑grand‑père a combattu dans l’infanterie pendant la Première Guerre mondiale, son grand‑père a pris part au débarquement du jour J avec le North Shore Regiment, son père compte parmi les premiers gardiens de la paix qui ont servi à Chypre et son frère aîné a servi dans des missions de l’ONU à Chypre et en Somalie.
M. Webb enseigne maintenant le leadership à l’École nationale d’administration publique à Québec.
Le petit ourson en peluche que M. Webb avait trouvé à l’hôpital Drin a été offert au Centre Juno Beach, en Normandie (France), et il fera partie de la nouvelle exposition permanente Visages du Canada d’aujourd’hui, qui ouvrira ses portes à l’occasion du 80e anniversaire du jour J, le 6 juin 2024.
M. Webb éprouve des sentiments contradictoires lorsqu’il repense à ce petit ourson qu’il a trouvé à l’hôpital Drin.
« C’est le genre d’endroit que l’on voit dans nos pires cauchemars, mais nous avons sauvé plusieurs dizaines d’enfants, ce qui est plutôt bien, tout compte fait. »
Voici les membres de la patrouille de Fojnica qui ont trouvé l’hôpital Drin :
- Sdt Sylvain Verreault
- Sdt Kenney McCutcheon
- Sdt Steeve Roberge
- Cpl Claude Belisle
- Sdt Camil Gagnon
- Sdt Steeve Leblond
- Sgt Andre Latreille
- Sdt Pierrot Hamel
- Sdt Stephen Charest
- Sdt Pascal Ouellet
- Cpl Luc Morissette
- Sdt Mario Leblanc
- Lt Andrew Webb
Avec courage, intégrité et loyauté, Andrew Webb a laissé sa marque. Il est l’un de nos vétérans canadiens. Voyez Andrew Webb raconter son histoire et découvrez d’autres histoires.
- Date de modification :