Kareth Huber : Vétérans arc-en-ciel du Canada
À 17 ans, Kareth Huber sentait qu’elle était exactement là où elle était censée être en tant que soldate des Forces armées canadiennes. Sa fierté s’est toutefois transformée en honte en 1976 lorsqu’elle a été victime de la purge LGBTQ au Canada.
Kareth Huber au Forum des vétéranes à Montréal en mars 2024.
Enrôlement
1974
Affectations
- BFC Borden
Lorsqu’elle a entamé sa carrière comme spécialiste des systèmes de sécurité des Forces armées canadiennes à l’âge de 17 ans, Kareth Huber dit qu’elle sentait qu’elle était exactement là où elle était censée être dans sa vie.
En grandissant, elle avait entendu des histoires sur le service de ses oncles et de son grand-père alors que sa famille déménageait de base en base, puisque son père était mécanicien d’avions militaires.
« J’étais fière d’être une militaire. Cela avait toujours été mon destin de l’être », dit-elle.
Mais la fierté qu’elle ressentait s’est transformée en honte en 1976, après avoir enduré des fouilles, des interrogatoires et des agressions sexuelles de la part de ses camarades soldats. Son commandant de base lui a dit qu’elle « n’était pas assez bonne pour mourir pour son pays ».
Elle a été escortée avec ses affaires aux portes de la base militaire de la BFC Borden.
Elle est devenue une autre victime de la Purge LGBT au Canada.
« Je me sentais complètement et totalement seule. »
Pendant les heures et les heures d’interrogatoires de l’Unité des enquêtes spéciales, on lui a demandé d’écrire les noms de ses amis gais et lesbiennes. Mais elle n’a trahi personne.
« Ils voulaient que j’admette que j’étais lesbienne. Mais j’ai refusé », dit-elle.
« Je savais très bien qu’il valait mieux me taire et simplement nier. J’ai été menacée. Ils ont menacé de le dire à ma famille, d’appeler mes parents. »
Elle affirme que les violences qu’elle a subies dans l’armée ont eu des répercussions immédiates et durables sur sa santé mentale.
« On m’a dit de ne jamais essayer de retourner dans une base militaire. Ils m’ont complètement dépouillée de mon identité. »
L’un des pires aspects de cette affaire très publique, selon elle, est la gêne que cela a provoquée entre elle et ses camarades soldats.
Après de longs interrogatoires, elle a été ramenée à sa caserne devant tout le monde. Les enquêteurs ont viré sa chambre à l’envers et lu ses lettres personnelles devant ses trois colocataires.
« Ils se sont arrangés pour que tout le monde sache que je n’étais pas quelqu’un à qui on pouvait parler. Je n’étais pas quelqu’un à fréquenter. Je n’étais pas quelqu’un à compter parmi ses amis », dit-elle.
« Tout le monde avait peur. Personne ne me parlait.
Je n’étais plus acceptée nulle part. »
Elle dit que les années qui ont suivi ont été très difficiles. Elle a évité les questions sur les raisons pour lesquelles elle avait abandonné une carrière qu’elle aimait tant et qu’elle avait trop honte pour dire la vérité.
Sa confiance en elle a été ébranlée et elle est passée d’un emploi à l’autre, en proie à des dépendances. Elle a même tenté de se suicider.
Elle a été admise à l’hôpital où elle devait commencer une thérapie de conversion. Pour éviter cela, elle dit qu’elle a demandé son congé et a passé de nombreuses années à se sentir en colère et à agir de manière rebelle.
Ce n’est qu’en 2017, lors des excuses du gouvernement fédéral à la Chambre des communes pour le traitement injuste historique infligé aux membres 2ELGBTQI+ des Forces armées canadiennes, de la GRC et de la fonction publique fédérale, qu’elle s’est ouverte à sa thérapeute pour la première fois de sa vie, racontant ce qui lui était arrivé.
« La semaine où les excuses ont eu lieu, je me suis effondrée. Quelque chose s’est brisé en moi, dit-elle.
Je suis allée voir ma thérapeute et je lui ai tout raconté. Elle est restée là, bouche bée, et elle m’a finalement dit : "tu ne m’as jamais parlé de cela." Elle n’en avait aucune idée. »
Même si elle est toujours atteinte d’un état de stress post-traumatique près de cinq décennies plus tard, le bonheur et la lumière sont réintégrés dans sa vie.
Elle a réussi à surmonter ses dépendances, et l’isolement social qu’elle ressentait s’est transformé en un réseau d’amitié solide et durable avec d’autres survivants de la purge, dont beaucoup n’avaient jamais parlé de leurs expériences avant de la rencontrer.
« Je suis enfin devenue la personne que je devais être. J’ai trouvé un nouveau sens à ma vie », dit-elle.
En tant que chef du Bureau des conférenciers et du groupe éducatif de Vétérans arc-en-ciel du Canada, elle a rassemblé des survivants de tout le pays.
« Ils n’avaient jamais rencontré d’autres premiers survivants auparavant, et ils sont simplement époustouflés par tout cela. Ils ont trouvé une camaraderie. Ils ont retrouvé leur famille. Ils ont trouvé des personnes qui les comprennent, dit-elle.
Nous avons dû garder le silence pendant si longtemps. Beaucoup d’entre nous ont souffert en silence pendant de très nombreuses années. »
L’année dernière, elle s’est sentie « honorée et nerveuse » d’être choisie pour déposer une couronne au Monument commémoratif de guerre du Canada au nom des vétérans 2ELGBTQI+ du Canada.
« Je rends hommage à tous les vétérans et toutes les vétéranes, mais tout particulièrement aux vétérans 2ELGBTQI+ qui n’ont jamais pu dire leur vérité dans l’armée.
Nous étions des militaires prêts à nous battre pour notre peuple, comme tous les autres. »
Le nouvel insigne héraldique de Vétérans arc-en-ciel du Canada, que ses collègues de Vétérans arc-en-ciel ont défendu et pour lequel le roi Charles III a récemment autorisé l’utilisation de la couronne, représente l’inclusion des vétérans 2ELGBTQI+ du Canada à la place officielle qui leur revient dans l’histoire militaire.
« Cela signifie que nous sommes véritablement des vétérans et des vétéranes, dit-elle.
Nous avons finalement été légitimés, et c’est un sentiment merveilleux. »
Avec courage, intégrité et loyauté, Kareth Huber laisse sa marque. Elle est l’une de nos membres des Forces armées canadiennes. Découvrez d’autres histoires.
Le bien-être des vétérans et vétéranes du Canada est au cœur de tout ce que nous faisons. Dans le cadre de cette mission, nous reconnaissons, honorons et commémorons le service de tous les vétérans et toutes les vétéranes du Canada. Apprenez-en davantage sur les services et les avantages que nous offrons.
Si vous êtes un vétéran ou une vétérane, ou encore un membre de la famille ou l’aidant d’un vétéran, vous pouvez obtenir le soutien d’un professionnel de la santé mentale à tout moment et sans frais. Composez le 1-800-268-7708.
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