La tradition se propage
Il est difficile de dégager les raisons de la réponse autochtone. Plusieurs se sont portés volontaires pour les mêmes raisons que les autres Canadiens l'ont fait, c'est-à-dire, parce que leurs amis et leurs parents s'étaient enrôlés, par patriotisme, afin de connaître l'aventure ou simplement pour gagner une solde garantie.
Certains se sont portés volontaires pour des raisons propres à leur bande ou à leur réserve. L'un des membres de la bande mohawk de la baie de Quinte attribue le fort taux d'enrôlement sur sa réserve à ses liens avec la Grande-Bretagne : « Nous sommes venus avec les Loyalistes des États-Unis. Nos traités ont été conclus avec la Couronne, donc si la Couronne lance un appel, nous répondons. »18
Un historien autochtone prétend que la Grande Guerre offrait l'occasion d'assumer un rôle plus actif aux Autochtones qui vivaient dans les réserves.19 Selon lui, le rôle des hommes était devenu moins important dans les réserves, et beaucoup d'Autochtones avaient de la difficulté à s'adapter à ce changement. Il ajoute que pour certains d'entre eux, c'était la chance d'échapper à l'ennui.
La tradition influença également la réponse. Les Autochtones canadiens avaient déjà combattu du côté de la Grande-Bretagne. On n'a qu'à penser au chef mohawk Joseph Brant au cours du 18e siècle. Brant était encore adolescent lorsqu'il combattit avec les Britanniques au cours de la guerre de Sept Ans. De plus, en 1775, Brant et 1 500 autres membres de la Confédération iroquoise des Six-Nations combattirent aux côtés du Royal Regiment de Grande-Bretagne pendant la révolution américaine.20
La collaboration des Autochtones aux activités militaires des Britanniques se poursuivit au fil des ans. Le plus jeune fils de Joseph Brant, John, suivit les traces de son père. Il fut capitaine des Northern Confederate Indians, et se battit contre les Américains au cours de la Guerre de 1812.
Plusieurs Mohawks du Québec firent le voyage vers le sud pour se joindre aux Iroquois de l'Ontario au cours de cette guerre. Les Américains firent davantage sentir leur présence au cours de la deuxième année de la guerre pendant la bataille qui se déroula à Beaver Dams, lorsque 180 Mohawks de Kahnawake, de Kanesatake et d'Akwesasne, ainsi que 200 membres des Six-Nations de Grand River, barrèrent la route à une expédition militaire américaine qui se rendait à Fort George. Au cours de la bataille qui dura deux heures, 15 Autochtones furent tués et 25 furent blessés.21
En tout, la Grande-Bretagne décerna 96 médailles pour services généraux à des Autochtones du Canada pour leur aide militaire entre 1793 et 1814.22
Les Autochtones canadiens aidèrent aussi les troupes britanniques outre-mer. En 1884, au cours de la bataille de Khartoum au Soudan, les Britanniques lancèrent un appel aux volontaires canadiens pour aider à guider les soldats britanniques dans la remontée du Nil. Les soldats devaient porter secours aux hommes isolés qui étaient en poste à cet endroit. Le détachement du général Lord Garnet Wolseley comprenait près de 400 bateliers canadiens, les Voyageurs du Nil, dont 56 Mohawks23 principalement de la bande de Kahnawake au Québec, et 30 Ojibwas du Manitoba et du nord de l'Ontario.24 Le chef Louis Jackson de Kahnawake donna des conseils concernant la conception des baleiniers qui furent utilisés pour le voyage et devint chef d'équipe. Il écrivit un livre au sujet des expériences que vécurent les Autochtones de Kahnawake qui participèrent à cette expédition. Deux Autochtones perdirent la vie au cours de la périlleuse expédition de 19 000 kilomètres qui dura six mois. L'expédition fut cependant vaine. Les troupes britanniques furent tuées deux jours avant que les sauveteurs arrivent.
De nombreuses recrues autochtones de la Première Guerre mondiale suivirent les traces de leurs ancêtres. Ce fut le cas de Cameron Brant, l'arrière-arrière-petit-fils de Joseph Brant. Il commanda un peloton du 4e Bataillon d'infanterie canadien. Le lieutenant de 28 ans perdit la vie en 1915, près de Ypres, en Belgique, alors qu'il dirigeait une contre-attaque dans les tranchées ennemies.
Il se peut que Cameron Brant et de nombreux autres Autochtones qui participèrent à la Première Guerre mondiale eussent été tentés de s'enrôler parce qu'ils étaient fiers des réalisations antérieures de leurs familles. Mais ces hommes ne se rendaient probablement pas compte qu'ils deviendraient à leur tour une source d'inspiration pour les générations futures.
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