Ellen Blanche (Landry) Bennett
Ce récit est soumis par Mike Landry de l'administration centrale à Charlottetown. Sa tante travaillait comme téléphoniste à Halifax durant la guerre et elle a une histoire intéressante à raconter.
« En 1942, je m'enrôlais dans le Service féminin de l'Armée canadienne (CWAC); j'avais 19 ans. Après avoir suivi une formation de base à Kitchner, en Ontario, je fus envoyée à Halifax (N.-É.), attachée au district No. 6. Mon poste de téléphoniste était intéressant et j'aimais mon travail.
L'un des souvenirs les plus frappants que je garde de mon service en temps de guerre c'est l'extinction des lumières, qui avait lieu pratiquement toutes les nuits. Le jour de la Victoire en Europe, alors que nous étions à Halifax, constitue une autre expérience dont je garde un souvenir bien clair dans ses terribles détails.
Le monde entier se souviendra longtemps du jour où prit fin la guerre en Europe. Toutefois, pour les gens de Halifax, la période n'était pas des plus roses. La ville était très surpeuplée, compte tenu de la présence de militaires provenant de nombreux pays. Nos militaires canadiens s'attendaient à une grande fête pour célébrer ce jour et ils furent pris par surprise lorsque leurs cantines (établissements où l'on servait des boissons ou «wets») furent fermées. Déterminés à fêter en prenant quelques bières, ils décidèrent en masse de se rendre à la brasserie. Ils parvinrent à se faire servir, en utilisant vraisemblablement des moyens douteux, puis ils arpentèrent la rue Barrington, où ils endommagèrent les vitrines des magasins et se livrèrent au pillage.
J'étais présente sur la rue Barrington et je fus témoin de ces hordes d'individus descendant la rue, fracassant les vitrines des magasins et se livrant au pillage. Je vis un jeune marin s'introduire dans un magasin d'approvisionnement naval et en ressortir habillé en amiral, depuis le gallon doré jusqu'aux bottes noires bien cirées. Les événements se déroulèrent toute la journée, jusqu'à ce que l'amiral Murray ordonne à tous ses hommes de réintégrer leur navire ou leur caserne. La paix était enfin de retour, lorsque les forces du prévôt de l'armée arrivèrent en renfort de Camp Borden, en Ontario. À ce stade, tous les militaires étaient confinés aux casernes. On nous interdit de sortir durant plusieurs jours, nos quartiers furent fouillés à la recherche de marchandises volées et de boissons alcoolisées, et nous fûmes escortés lorsque nous allions au travail et lorsque nous en revenions.
Il fallut un certain temps avant que tout le verre et les autres débris qui jonchaient la rue à la suite de l'émeute ne soient nettoyés. La situation revenait tout juste à la normale en ville, lorsqu'en juillet, le Bedford Basin Magazine explosa et une fois de plus, les fenêtres furent fracassées. À l'époque, j'étais stationnée à la caserne Cathedral et nous ne fûmes pas autorisés à réintégrer nos casernes tant que les dégâts causés aux immeubles n'auraient pas été vérifiés; aussi, nous dormîmes plusieurs heures à la belle étoile, sur le terrain de parade. Une partie de la ville fut évacuée durant plusieurs jours, la nourriture était rare et les salles à manger étaient extrêmement occupées, car il fallait également nourrir la population civile. Il fallut trois jours avant que la sirène de « fin d'alerte » ne sonne et nous fûmes autorisés à réintégrer nos quartiers.
Ces jours constituent incontestablement la période la plus mémorable de mon service en temps de guerre. »
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