Imilda (Frappier) Cayo
Le récit qui suit provient d'Imilda (Frappier) Cayo, de Saskatoon (Saskatchewan), par l'entremise d'Elaine Stoesz, qui est conseillère de secteur à Saskatoon.
« Je m'appelle Imilda Frappier. Le 31 décembre 1941, j'ai épousé l'aviateur-chef Lloyd Cayo. Nous nous sommes mariés au presbytère de l'église catholique de Debden, près de la ferme de mes parents. Le mariage a eu lieu trois heures plus tard que prévu parce que le train de Regina est arrivé en retard.
J'ai eu la chance de pouvoir retourner à Regina jusqu'à la fin de son cours puis à Mossbank, où il a suivi son cours de bombardement et de tir. C'est là que Lloyd a eu ses « ailes d'observateur ». Arrêt suivant : Rivers; le séjour a été très long, car Lloyd a été longtemps à l'hôpital et en convalescence. Il était interdit de vol et enseignait la navigation.
Il a ensuite été affecté à Toronto. Je n'y suis allée qu'en octobre et l'affectation semblait alors permanente. Le trajet, en train, était long et solitaire; je n'ai pas pris de couchette, car je n'avais pas beaucoup d'argent. Pour empirer les choses, l'odeur de la nourriture me donnait la nausée. Je n'ai pas avalé d'aliments solides de tout le voyage. C'était probablement de la nervosité. J'avais toujours vécu sur une ferme; j'étais allée quelques fois à Prince-Albert, mais, pour le reste, mes déplacements se limitaient à ceux que j'avais faits depuis notre mariage. Mon train est arrivé à 7 heures. Heureusement, Lloyd était là pour m'accueillir. Nous avons mangé, après quoi il a laissé tomber la nouvelle, qui a eu l'effet d'une bombe! Il partait à 9 heures pour Mountain View, où il serait responsable de 67 stagiaires.
Lloyd avait fait en sorte que son ami, Vern Angles, me conduise à notre chambre. Vern était un jeune homme très grand et très timide que la tâche n'enchantait manifestement pas. Pour moi, Toronto, en particulier ses tramways, était terrifiante. Vern a pris ma valise et j'ai suivi ses longues jambes en courant. Si jamais il sortait de mon champ de vision, j'étais perdue. Il m'a amenée à la porte de notre appartement et est parti en vitesse!! J'étais seule dans cette ville immense!
Lloyd devait revenir tard ce soir-là. Il me fallait trouver quelque chose à manger, car il aurait été trop coûteux de prendre tous nos repas à l'extérieur. J'ai réussi à trouver le strict nécessaire, mais j'avais très peur de ne pas retrouver mon chemin.
Le dimanche, nous avons marché beaucoup. J'essayais de m'y retrouver, car mon sens de l'orientation a toujours été terrible. J'ai bel et bien repéré le bureau de placement et j'étais déterminée à obtenir un emploi; si le plan était que je finisse d'abord mon cours de secrétaire, j'estimais qu'il était plus important d'être occupée à quelque chose.
Le lundi matin, j'étais de nouveau seule! J'ai essayé de quitter l'appartement, je suis allée au coin, je suis revenue en courant et j'ai pleuré. C'est arrivé plusieurs fois ce jour-là.
Pour empirer les choses, notre chambre avait été le petit salon avant d'une maison très « chic ». La cheminée, qui n'avait pas servi depuis longtemps, était massive et ornée de miroirs jusqu'au plafond. Chaque fois que je levais les yeux et que je voyais mon visage désolé, je me remettais à pleurer comme une Madeleine.
Mardi : assez, c'est assez! J'ai réussi à trouver le bureau de placement, où j'ai appris que Hunts Ltd avait un poste à offrir, mais j'ai été trop naïve pour demander en quoi le travail consistait. On m'a dit de traverser la rue, de prendre le tramway et d'aller jusqu'à l'avenue Walker. Il était hors de question de prendre le tramway! Si je le faisais, je ne retrouverais jamais mon chemin! J'ai donc marché, dans la mauvaise direction, et me suis retrouvée au bord de l'eau. J'ai demandé mon chemin à un policier, qui m'a dit « de traverser la rue et de prendre le tramway ». Je me suis remise à marcher. Des milles et des heures plus tard, j'ai trouvé l'avenue Walker et j'ai eu le poste; on m'a demandé de revenir le lendemain. Je ne savais toujours pas en quoi le travail consistait. Le lendemain matin, je suis partie à pied et j'ai découvert que je travaillerais dans une usine de bonbons. J'ai rencontré deux soeurs de Parry Sound qui étaient presque aussi perdues que moi.
Il fallait prendre une décision! Après le travail, j'ai pris le tramway, me suis assise tout en surveillant les noms des rues et me suis retrouvée au bord de l'eau! J'ai fait le chemin à pied en sens inverse tout en surveillant soigneusement les noms des rues et j'ai découvert que la rue Gloucester s'arrêtait à la rue Yonge. L'autre extrémité s'appelait St. Mary.
Avec le temps, j'ai terminé ma formation en prenant des cours du soir et j'ai obtenu un poste à la banque Dominion. À ce moment-là, je pouvais aller partout en tramway. Au printemps de 1945, je suis retournée à notre ferme, à Debden, attendre que Lloyd soit libéré; j'attendais aussi notre premier enfant, une fille, qui est née en octobre.
Nous avons tous les deux eu la chance d'avoir une assez bonne santé et nous vivons dans un appartement confortable à Saskatoon. Nous avons trois enfants, six petits-enfants et un arrière-petit-enfant. Nous espérons célébrer cette année notre 57e anniversaire. »
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