Camaraderie
Transcription
Présentatrice : Lorsqu'on est loin de chez soi et de sa famille pendant une longue période, qu'on est la cible constante des bombardements et que l'on côtoie la mort tous les jours, un ami est parfois tout ce qui nous reste...
Raymond Tremblay : On était comme une petite gang. Une petite gang c'était nous autres là. On se connaissait tous. On savait ce que l'autre était capable de faire. On
savait ce que l'autre était pas capable de faire pis c'est de même que ça marchait.
(Photo de soldats qui partagent un repas et une bière autour d’une table)
Gérard Dauray : Et puis on était des bons camarades pis on essayait de s'aider entre nous autres pis... avoir du plaisir, du sourire pis ces affaires-là. Mais... il y en
avaient que... m'a dire, comme ce gars... qui avaient le moral pas mal bas. Mais on essayait d'y remonter le moral.
(Photo de 3 soldats qui sourient en se tenant par les épaules)
Jean-Émile Paillé : On avait un gars, un petit bonhomme de Terre-Neuve. Et pis il avait... il était réellement comique. Ce gars-là, s'il avait été dans la télévision, il aurait gagné sa vie. Il riait là. Quand on était sur stand to là... tout le monde était réveillé, c'était ennuyant. Fallait pas faire de bruit, ni parler, rien... mais lui, il pouvait pas s'empêcher. Il faisait des farces. Pis des bonnes farces, t'sais pas des farces sales, rien... Mais il faisait rire. Il avait le tour de tourner tout en riant, alors un gars comme ça, ça valait une mine d'or.
Arthur Lortie : On avait le droit à une bière par jour en Corée, qui nous était donnée, une bière par jour. C'était de la bière japonaise.
(Photo de trois soldats debout devant une montagne. Deux soldats tiennent une bouteille de bière et celui du centre pointe un appareil photo)
Raymond Tremblay : Le truck qui amenait les rations là, t'sais ? Il rentre pis... où c'qu'ils avaient fait un feu, pis y'était pris là-dedans, t'sais là... dans l'feu ? Les gars criaient « Sauvez la bière, laissez faire le truck ! Sauvez la bière, laissez faire le truck ! » (rire) Au diable le truck, sauve la bière !
Arthur Lortie : Ce qu'on faisait, nous... on s'achetait quelques bouteilles de bière. Les gars qui en prenaient pas, on leur donnait une piastre. On avait de l'argent... ce qu'ils appellent de l'argent militaire, de l'argent script. On donnait une piastre pour une grosse bouteille de bière. Pis quand on en avait deux, trois… qu'on commençait à être trop pif… là on disait « À soir, je ferai pas la garde. Fais ma garde pis je vais te remplacer. Le prochain coup ce sera à ton tour. » On avait un petit jeu qui se faisait entre nous autres comme ça pour se donner une nuit de sommeil de temps en temps avec un peu de loisir dans un des dugouts.
Raymond Tremblay : Ou on jouait aux cartes. Ah! Sainte-Anne, on jouait aux cartes ! Là c'était vrai. On jouait aux cartes. Y'a rien que ça qu'on pouvait faire pour se désennuyer entre nous autres.
Noel Knockwood : Le jour de Noël, on cessait toute activité. On écoutait des airs de Noël à la radio sans fil et sur nos systèmes. On pouvait entendre de la musique de Noël sur la ligne de front, de sorte qu'on aurait dit que tout était calme. Je me souviens d'un moment en particulier, où la lune était éclatante…
Charles Trudeau : J'me rappelle qu'à minuit le jour de Noël, il faisait aussi clair qu'ici... parce que y'avaient envoyé des avions avec des flares. T'sais des flares avec des parachutes là ? Pis ça, ça brûle à peu près 10 minutes. Y'ont envoyé ça en série au-dessus des positions. Après ça, y'avaient commencé à tirer des bombes phosphores de différentes couleurs, bleues, rouges, jaunes...
Noel Knockwood : Le fait que ce soit Noël, on se sentait bien. Au moins, on ne se battait pas. Au moins, on avait la paix ce jour-là.
Jean-Paul Savary : On allait en congé au Japon. Ils appelaient ça R and R : Rest and Recuperation.
Raymond Tremblay : Là au Japon, mon homme, on courait les femmes, hospice, pis on prenait un coup, pis on avait du fun, O.K. là ? On avait de l'argent d'abord, on n'avait pas dépensé. C'est de même que ça marchait !
On a joué au hockey contre les Australiens. Je pense qu'on les a battu 100 à 0, ils savaient pas patiner !
Ronald Guertin : Les Canadiens en jouant prenaient un gars par le bras là, pis ils jouaient avec là t'sais ? Quand c'était le temps de changer les buts, on allait chercher le gardien de l'autre équipe, pis on l'amenait... On a eu du fun!
Charles Trudeau : Le meilleur ami que t'as dans l'armée, c'est le gars qui est à côté de toi. Parce que lui peut te sauver... Pis quand même ça serait le gars que t'haïrais le plus, sur une ligne de feu ou sur un front tu le respectes. Parce que lui il peut te sauver la vie.
Gerald Edward Gowing : À ce moment précis, ils sont tes meilleurs amis. La famille, les autres… ça compte pas. Ils sont tes meilleurs amis. Ils sont là pour toi et toi pour eux.
Luther Ferguson : Notre devoir principal, tel que nous le comprenions, était envers nos compagnons d'armes. J'y crois encore aujourd'hui. Les hommes à tes côtés sont tes frères.
Roland Boutot : C'était une famille. Si un avait une affaire... « Aye quecé qu't'as ? J'peux t'aider ? » J'vous dis que la camaraderie y'en avait. Ça, y'avait pas de problème avec ça. Pis même si il y en a un qui partait, ça nous faisait d'la peine. Ça nous faisait beaucoup de peine.
Jack Mackay : Quand on perd des amis sur la ligne de front et qu'on les enterre à l'étranger, ça fait de la peine.
Gerald Edward Gowing : Voir quelqu'un se faire tuer, c'est pas facile. Quand on entend quelqu'un hurler, on sait qu'ils ont mal.
Jean-Émile Paillé : Quand il s'est fait tirer, c'était juste un poinçon...
Gerald Edward Gowing : C'est difficile de perdre un camarade, un bon camarade.
Luther Ferguson : À ce jour, j'ai plus de sentiments pour mes camarades que pour ma propre famille. Ces types-là sont davantage mes frères que mes frères biologiques. Je ne sais pas si vous pouvez comprendre, mais c'est comme ça.
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