La peur durant la guerre
On en a eu de la peur tous les jours, je pense, qu’on avait peur.
Peur justement de… de tomber… de marcher sur un piège, peur de marcher
sur des mines parce que les Boches avaient très bien miné les endroits.
Puis aussi, on avait miné nous aussi. On avait mis des mines et puis
des fois, c’était pas si bien indiqué ou on se souvenait pas
où elles étaient, ou elles avaient été déplacées par les bombardements.
Alors, on avait toujours peur, peur de se faire tirer dessus, peur que ça nous tombe
sur la tête, peur de ces mines-là, peur de ces pièges-là, puis peur de rencontrer
des collaborateurs qui auraient pu avertir les Allemands où nous étions
et qu’est-ce que nous faisions. Maintenant, Dieu merci, les Français ont très bien colla…
ils ont collaboré avec nous, comme il y en avait qui avaient collaboré
avec les Allemands avant. Et c’est de ceux-là qu’on avait peur.
La peur de mourir
On savait jamais quand le dernier moment arriverait et ensuite,
on voyait des copains, des collègues qui tombaient ou qui étaient
blessés, qu’il fallait transporter à, à l’hôpital en arrière des forces puis
ensuite, il y en a qui mourraient là.
Interviewer - Comment on faisait pour s’habituer à ce genre d’événement ?
On s’habitue pas. On ne s’habitue pas. On l’endure, et on se dit :
« espérons que ce sera pas mon tour », c’est tout. Puis dans mon cas,
ça a bien marché parce que j’ai fait toute la campagne, puis à part de
l’accident d’automobile, j’ai rien eu. J’ai pas eu une égratignure, rien,
absolument rien. Donc, j’ai été très chanceux et très heureux, mais
toujours inquiet, presque toujours inquiet jusqu’à ce qu’on sache que
le huit mai, la guerre était finie, on étaient inquiets.
Puis même, après le huit mai, on était inquiets en Allemagne
parce qu’on se demandait pendant une bonne semaine, un bon dix
jours en Allemagne, on se demandait comment les Allemands sur les fermes,
sur les routes allaient prendre ça. Est-ce qu’ils allaient être sympathiques
ou est-ce qu’ils allaient nous tirer dans le dos ou est-ce qu’ils allaient
mettre des pièges pour quand on… ou des mines sur la route.
Alors, au bout d’une dizaine de jours, on s’est aperçus que non,
ils avaient accepté la, leur défaite, leur capitulation totale. Il y a eu quelques
escarmouches après le huit de mai, mais moi j’ai pas été impliqué là-dedans,
mais j’ai entendu dire que… mes compagnons voisins qui avaient été
pris dans des escarmouches avec des franc tireurs allemands. Parce que
les Allemands, il y avait aussi beaucoup de soldats Allemands qui
étaient démobilisés, hein… puis qu’ils s’en retournaient pêle-mêle sur
les routes. On était, on n’avait plus le temps de les, d’en faire des
prisonniers de guerre. D’abord, où aller les mettre? Parce que quand
vous avez des prisonniers de guerre, il faut toujours trouver un endroit
où les cacher, les placer, les nourrir, les vêtir, puis ensuite il faut des
gardes pour ça. Alors ça, ça prend du personnel. Alors la guerre a fini,
je pense pas qu’on n’a ramassé aucun prisonnier de guerre. Mais il y
avait des Allemands, on les reconnaissait par leur costume, qui se
sauvaient, qui s’en retournaient chez eux. Puis il y en a quelques uns,
je pense bien, qui ont pris le plaisir de tirer sur nos troupes. Moi ça
m’est pas arrivé, mais j’ai entendu dire que c’était arrivé.
Des bombes volantes (V-1 et V-2) sur Londres
J’étais à Londres une ou deux fins de semaines où il y a eu des bombardements.
C’était épeurant parce qu’ils faisaient, ces instruments-là faisaient un maudit vacarme,
un maudit vacarme. Ils étaient dans l’air, on savait pas où ils étaient et
puis quand on les entendait, on savait qu’ils étaient assez près de nous.
Alors, oui, j’étais dans ce coin-là. C’était, c’était pas drôle.
Maintenant, j’ai pas vu les V-2, parce que j’ai traversé le, la Manche,
puis les V-2 sont arrivés après. J’ai vu, par exemple, les emplacements
où, d’où on envoyait ces V-1-là et ces V-2, j’ai vu ça dans le nord de la
France et en Belgique. Mais c’était, ça a pas été démoli, mais ça avait
été arrangé afin que ça ne puisse plus servir, par nos troupes
canadiennes. Mais, à deux, je pense à deux reprises, j’étais là,
à Londres, quand ils tombaient pas loin de chez nous.
Réaction quand une bombe arrivait
On se cachait aussitôt qu’on trouvait une place, près d’un mur, ou quelque chose,
ou s’étendre par terre, même. S’étendre par terre, espérant qu’elle ne tombe pas près,
mais qu’elle tombe beaucoup plus loin. C’était pas drôle. C’était pas drôle et
c’était effrayant. Ça épeurait les, ça épeurait les, les Britanniques qui
avaient quand même enduré les bombardements de Londres en 1940
mais ces bombes-là faisait un vacarme énorme et c’était, en partie
c’était l’idée des Boches, c’était d’épeurer la population puis de la rendre très
nerveuse et c’était, ça s’est fait.