Jamais sans son chien
Après la mort de papa, on avait deux chiens. On avait un chow-chow,
c’était le chien de maman, et papa avait un Boston Bull. Alors, le chow-chow
n’avait qu’une famille, les maîtres c’était nous, il aurait été, elle aurait
été très malheureuse ailleurs. Tandis que le Boston Bull… on l’a gardé.
Personne ne voulait le Boston Bull, alors moi je voulais le prendre.
J’arrive à Lévis, je prends mon train, le… J’ai acheté un billet, il était dans le wagon
de la poste, en avant, et chaque fois que le train s’arrêtait, je courais,
j’allais le sortir, lui faire sa petite marche, lui donner de l’eau ou à manger,
et puis on arrive finalement à Moncton. Arrêt vingt minutes, twenty minutes stop!
Je descend avec le chien, cette fois-là et vite, je me, je vais au restaurant de la gare
et je demande aux jeunes filles qui sont là est-ce que vous pouvez lui
donner quelque chose de la viande ou quelques chose à manger, des légumes.
Ah oui, puis qu’est-ce qu’il est cute, puis il était vraiment cute. Puis on l’appelait Chumy
puis il était vraiment chumy, chumy, chumy. J’entends tout d’un coup,
train departure number twenty, Lévis. Oh!
Qu’est-ce que c’est que ça? J’avais mes bagages dans le train, mon (inaudible)
je prends le chien, je cours comme une folle et une grande poignée
de main me tire derrière, un bonhomme, là : « where are you going? »
Je dis : « I’m going to take that train! » « You can’t, it’s leaving ».
« I’m in the navy, you can’t do that to me, you said twenty minutes. »
« You come with me. » So we went to the office
and they’ve sent a wire, ils ont envoyé un télégramme à Halifax que
mes bagages soient pris, qu’on garde mes bagages et tout ça, et je suis arrivée
à Halifax. Alors le… je suis obligée de prendre le prochain train et le prochain
train c’était que de la troupe, que des militaires. Alors, il dit vous allez rentrer,
faites semblant de rien, asseyez-vous. Mais moi j’ai dit, j’ai pas d’argent,
j’ai plus d’argent pour payer, pour le chien, pour le mettre dans les bagages,
j’ai plus d’argent. Alors, il dit, ne vous inquiétez pas.
Alors je cache mon chien dans le coin, comme ça, mais lui
il était là, (grognements). Il faisait des bruits. Alors, tout à coup,
il y a quelqu’un qui dit : « mais il y a un chien ici! » Alors, ça a brisé la glace,
comme ça. Les gens ont été très gentils et je suis rentrée dans mon dortoir
où nous étions cent et j’ai attaché la laisse de mon chien au bas de mon lit, en fer et
j’ai mis, la fille qui couchait en dessous de moi, j’ai mis une note sur son oreiller :
« don’t be afraid », ne soit pas, n’ais pas peur, c’est mon chien, il est très gentil.
Mais il y a une fille qui s’est levée à quatre heures, elle l’a,
lui est sorti dans l’allée, elle l’a pas vue,
elle avait son verre avec sa brosse à dents, elle est partie les pieds dedans,
elle est tombée, le chien s’est mis à aboyer, tout le monde était assis,
qu’est-ce qui se passe, qu’est-ce qui se passe? Et je crois que deux, trois jours après…
J’allais au bureau avec… Et je suis appelée par le commandant.
Elle me dit : « Duchener, I hear you have a dog ». I said yes!
C’est mon chien, c’est le chien de mon père et personne peut s’en
occuper comme moi. J’avais pris ça comme une, comme une mission.
Pensez-vous, elle dit, nous sommes deux mille femmes, si chacune
avait son chien? J’ai dit oui, mais ça c’est pas pareil, ça.
Mon père il vient de mourir, il y a personne. Et il a fallu que,
malheureusement que je le donne à quelqu’un d’autre, mais ça a été un gros chagrin.
C’était un gros chagrin, parce que c’était, ça avait le lien
avec le père, avec l’été, avec les vacances et tout ça.