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Rencontre virtuelle sur l’avenir de la commémoration au Canada

La première séance de discussion virtuelle a eu lieu lors de la Semaine des vétérans 2020. Écoutez les docteurs en histoire Tim Cook, Mélanie Morin-Pelletier Andrew Burtch, historiens au Musée canadien de la guerre, discuter de la manière dont les efforts militaires de notre pays ont été commémorés au fil du temps, et ce à quoi pourraient ressembler la commémoration et le Souvenir dans l’avenir.

Transcription

Shannon Hartigan [0:01]

Bonjour et bienvenue à cette première discussion virtuelle d’historiens sur l’avenir de la commémoration au Canada. Mon nom est Shannon Hartigan; j’agirai à titre de modératrice. Je suis gestionnaire à la Direction générale de la commémoration d’Anciens Combattants Canada, ici à Charlottetown, à l’Île-du-Prince-Édouard, qui se trouve sur le territoire ancestral et non cédé de la Première Nation Mi’kmaq Abegweit. J’ai maintenant le plaisir d’inviter l’honorable ministre des Anciens Combattants et ministre associé de la Défense nationale, Lawrence MacAulay, à prononcer son allocution. Monsieur le ministre MacAulay, bienvenue.

L’honorable Lawrence MacAulay [0:35]

Merci beaucoup Shannon. Dr Cook, Dre Morin-Pelletier, Dr Burtch, chers amis, bonjour. Je tiens à vous remercier d’être ici et de participer à cette discussion importante. Depuis plus de cent cinquante ans, des Canadiens ont revêtu l’uniforme pour servir notre pays. Des tranchées de Belgique aux montagnes d’Afghanistan, en passant par nos maisons de soins de longue durée aujourd’hui même, ils se sont démarqués par leur excellence. Cela représente un héritage de service et de sacrifice dont nous devrions tous nous souvenir, et il est de notre responsabilité de nous assurer que nous leur accordons le respect qu’ils méritent. Nous avons récemment souligné des jalons importants. En 2017, 65 ans s’étaient écoulés depuis la fin de la guerre de Corée, et nous avons souligné le 70e anniversaire du début de ce conflit en 2020. Et, bien entendu, nous célébrons cette année le 75e anniversaire de la libération des Pays-Bas et de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, il est maintenant également temps de nous tourner vers l’avenir. Nous mettons tout en œuvre pour nous souvenir de nos vétérans qui ont servi depuis la guerre de Corée, et pour continuer de trouver des moyens de transmettre leurs récits. C’est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd’hui. Pour écouter et apprendre, et pour discuter des différentes façons dont nous pouvons continuer à mobiliser les gens pour que notre fière histoire militaire et la mémoire de ceux et celles qui ont servi ne s’effacent pas avec le temps. Je tiens donc à vous remercier à nouveau pour votre participation à cette conversation très importante. Le flambeau du Souvenir est entre vos mains, et il est de notre devoir de veiller à ce qu’il continue à être tenu bien haut. Nous nous souviendrons d’eux. Merci.

Shannon Hartigan [2:45]

Merci monsieur le ministre de vos mots d’accueil. On sait que la Semaine des vétérans est une période très occupée pour vous et nous vous sommes reconnaissants d’avoir donné de votre temps aujourd’hui.

Et plusieurs d’entre nous partout au pays ont pris et prendront du temps pour se souvenir tout au long de cette semaine, en préparation pour le jour du Souvenir. Il va sans dire que nos activités pour souligner le 75e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale sont quelque peu différentes de ce que nous avions imaginé à cette époque l’année dernière. Nous sommes donc réunis aujourd’hui face à nos écrans, pour réfléchir à la Seconde Guerre mondiale, et à la façon dont nous nous en sommes souvenus au fil des ans. Et tout comme nous avons dû recourir à d’autres stratégies cette année pour honorer ceux et celles qui ont servi, nous avons l’occasion de nous questionner sur comment la commémoration pourrait et devrait se présenter à l’avenir.

Donc cette discussion c’est la première d’une série de tables rondes qu’Anciens Combattants Canada animera, et dont le thème principal est l’avenir de la commémoration au Canada.

Dans le cadre de cette discussion aujourd’hui, trois historiens du Musée canadien de la guerre à Ottawa se joignent à nous : Andrew Burtch, Ph. D., historien de l’après-guerre spécialisé dans la Guerre froide et les conflits modernes; Mélanie Morin-Pelletier, Ph. D., historienne de la guerre et de ses répercussions sur la société; et Tim Cook, Ph. D., directeur de recherche intérimaire.

Nos trois panélistes ont rédigé des livres et des articles, ont organisé des expositions explorant un large éventail de sujets liés à l’histoire militaire canadienne, y compris la commémoration et le Souvenir.

Nous avons préparé une liste de questions pour notre panel d’historiens et nous avons également reçu des questions des personnes qui assistent à cet événement virtuel et qui les ont soumises lors de leur inscription. Nous n’avons pas pu inclure toutes les questions reçues, mais nous les conserverons et tenterons de les utiliser lors de discussions futures. Pour commencer, je vais demander à notre groupe d’experts de parler de la commémoration et du Souvenir. En quoi consistent ces gestes, et quelle est leur signification? Dr Burtch, Andrew, peut-être pourriez-vous commencer?

Dr Andrew Burtch [5:01]

Merci Shannon, et merci aussi à tous ceux qui se joignent à nous de partout au pays. Je pense qu’il est important de se rappeler que la commémoration et le Souvenir sont deux activités reliées. Mais en même temps, ce sont deux choses différentes qui visent parfois des objectifs communs. Les activités de commémoration portent donc, bien évidemment, sur les personnes, les lieux et les événements historiques que les gens essaient collectivement de reconnaître, afin de déterminer ce qui importe et de définir les valeurs et les leçons qui peuvent être tirées de l’histoire, ce qu’ils veulent que les générations actuelles et futures comprennent, imitent ou évitent, tout en essayant de garder ce lien avec le passé. Ainsi, nous pouvons commémorer et célébrer, comme cela a été mentionné précédemment, certains événements que nous pouvons très bien définir comme étant des victoires, par exemple, la bataille de l’Atlantique, le 75e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale et ses différentes étapes, qu’il s’agisse du jour J ou du débarquement en Sicile, jusqu’à la guerre de Corée et la bataille de Kapyong. Ce sont des thèmes de commémoration, notamment parce qu’ils sont choisis pour que nous réfléchissions aux efforts collectifs ayant mené à la victoire. Et les gens ont recours à la commémoration pour différentes raisons : au sein des régiments, c’est pour préserver la tradition et le souvenir des victoires, et faire connaître certaines réalisations au grand public, afin que les gens puissent reconnaître les efforts collectifs du Canada lors des différentes guerres. Mais quand on parle de commémoration, on ne parle pas seulement de célébration. Le gouvernement canadien, par le biais de ses programmes commémoratifs, tout comme le public et les collectivités, se penche sur les événements que nous ne souhaitons pas voir se répéter. Nous commémorons donc l’injustice, nous commémorons des choses telles que l’internement des étrangers ennemis pendant la Première Guerre mondiale, le déplacement et l’évacuation forcée des Canadiens d’origine japonaise de la côte Ouest pendant la Seconde Guerre mondiale, les horreurs du système de pensionnats indiens et les traumatismes infligés aux peuples autochtones du Canada. Et, plus récemment, des événements tels que la purge des vétérans et fonctionnaires LGBTQ du gouvernement pendant la Guerre froide et par la suite, en raison de leur sexualité. La commémoration, que celle-ci porte sur des victoires ou des événements passés, est donc un choix sur ce qu’il faut retenir et pourquoi. Et ces choix changent au fil du temps; ils offrent une perspective plus large lorsque vient le moment de déterminer les efforts dont on doit se souvenir, ou de se rappeler de certaines personnes ou de certains groupes dont le service n’a possiblement pas été reconnu de façon adéquate. Lorsque l’on pense aux vétérans, on a souvent en tête les membres de la marine marchande pendant la bataille de l’Atlantique. Il s’agit donc essentiellement d’un effort collectif conscient de ce qui compte pour les Canadiens. Le Souvenir a aussi pour caractéristique, vous savez, de choisir ce qui compte et ce dont il faut se souvenir. Il a contribué à façonner le Canada d’aujourd’hui, et il émerge, comme nous le reconnaissons aujourd’hui, du traumatisme de la Première Guerre mondiale. Il s’agit donc, à un certain égard, d’un événement commémoratif. Nous reconnaissons que certaines personnes ont perdu la vie pendant un siècle et plus, mais ce n’est pas abstrait, plusieurs personnes de notre pays ont perdu un être cher à la guerre, au cours du siècle dernier. Il s’agit d’un geste de deuil public. Nous reconnaissons que le monde dans lequel nous vivons est en partie attribuable à ceux et celles qui n’ont pas survécu, qui sont tombés sur des champs de bataille, proches et lointains. Donc, les personnes dont nous nous souvenons changent aussi avec le temps, et nous comprenons mieux le coût associé aux activités visant à assurer la sécurité du Canada. Je vous en dirai un peu plus à ce sujet plus tard.

Shannon Hartigan [8:18]

Merci à vous et à Dre Morin-Pelletier, Mélanie, avez-vous de quoi à ajouter?

Dre Mélanie Morin-Pelletier [8:25]

Oui, mon collègue a donné une excellente réponse, j’ajouterais peut-être un point qu’il a apporté sur l’importance de se rappeler que les actes de commémoration ne sont pas neutres. Lors de l’exposition « Vimy au-delà de la bataille » on a procédé à un exercice qui s’est avéré très intéressant en examinant des centaines d’actes de commémoration qui ont eu lieu au cours des cent dernières années, d’un bout à l’autre du pays. Ce qu’on a constaté, c’est que pendant, ou juste après l’événement, si on prend par exemple la Première ou la Seconde Guerre mondiale, c’est vraiment beaucoup les familles, les communautés, les vétérans qui vont rendre hommage, qui vont se souvenir du sacrifice des soldats qui sont morts, des hommes et des femmes qui sont morts pendant la guerre. Il faut se rappeler aussi que pendant la Première et la Seconde Guerres mondiales, les corps ne sont pas rapatriés. Donc les familles doivent trouver d’autres façons de faire leur deuil. Il y a donc toutes sortes de monuments qui sont mis en place, d’objets commémoratifs qui sont créés, des cérémonies et autres. Donc ça, ça va être vraiment très important pendant et tout de suite après les événements. Mais à partir du moment où on s’éloigne des événements, on voit de plus en plus que la signification des actes de commémoration change. Donc par exemple, dans le Québec des années 1960, où on est en plein mouvement nationaliste ou même avec le mouvement indépendantiste qui va se développer, on va miser beaucoup sur les crises de la conscription, parce que ça reflète le mouvement politique, idéologique de l’époque. Donc c’est de ça dont on va se souvenir dans les manuels scolaires, dans les journaux. Donc tout ça pour dire que les actes de commémoration ne sont pas neutres, et donc c’est important d’avoir ces discussions-là et de réfléchir à ce dont on commémore et pourquoi.

Shannon Hartigan [10:39]

Merci beaucoup.

Certains enseignants et élèves se joignent à nous de la Colombie-Britannique, et ils nous ont demandé d’expliquer pourquoi le coquelicot symbolise le Souvenir et pourquoi le jour du Souvenir est observé le 11 novembre à 11 h. Dr Cook, Tim, voulez-vous répondre à cette question?

Dr Tim Cook [11:03]

Merveilleux! Je trouve merveilleux que les jeunes participent à cette discussion. C’est le genre de dialogue que nous espérons avoir afin d’échanger des idées et d’entendre ce que vous avez à dire aussi, et c’est une excellente question. Le coquelicot, bien sûr, remonte à la Grande Guerre, la Première Guerre mondiale, qui s’est déroulée de 1914 à 1918, et à laquelle le Canada a contribué de façon exceptionnelle. Au total, 620 000 Canadiens ont servi pendant cette guerre, et notre pays comptait environ huit millions d’habitants à l’époque. On peut donc dire qu’environ un homme adulte sur trois a servi. La guerre elle-même change à jamais le Canada, nous nous démarquons sur la scène mondiale, nous y sommes reconnus par nos alliés et nos ennemis. Il y a des symboles comme le Corps d’armée canadien, les formations de combat primaires, Sir Arthur Currie, notre commandant né au Canada, mais bien sûr, on déplore également de terribles pertes. Quelque 66 000 Canadiens seront tués pendant cette guerre, et celle-ci a inspiré un poème de langue anglaise qui fut peut-être le plus célèbre du XXe siècle, « In Flanders Fields » (« Au champ d’honneur »), de John McCrae. Je sais que beaucoup de jeunes gens parmi vous le mémorisent, je l’ai mémorisé moi aussi, tout comme l’ont fait plusieurs générations avant moi. Et bien sûr, dans ce poème, John McCrae, qui est bien évidemment mort pendant la guerre, évoque le coquelicot. Le coquelicot est devenu un symbole du Souvenir pour les Canadiens et pour de nombreuses personnes au sein du Commonwealth britannique. Il a été porté pour la première fois par les Canadiens en 1921, puis en 1922 et par la suite. C’est un signe visible de notre désir de réfléchir à ce service et à ce sacrifice. Pendant des décennies, il a été fabriqué par des vétérans canadiens blessés; on parle de milliers et de millions de coquelicots faits par les mains de vétérans, pour s’entraider, pour appuyer les grandes causes de la Légion royale canadienne au fil des ans. C’est donc une façon pour nous de dire « Nous nous souviendrons d’eux ». C’est une façon pour nous de porter un symbole de reconnaissance dans les jours qui précèdent le jour du Souvenir et ce jour même. Les origines du jour du Souvenir remontent elles aussi à la Grande Guerre; celui-ci a initialement été nommé jour de l’Armistice en 1919, puis a changé de nom en 1931 pour devenir le jour du Souvenir. À mon avis, tous ces symboles nous aident à réfléchir au service de ceux qui nous ont précédés et à leur sacrifice, et à reconnaître ceux qui ont tant donné pour notre pays.

Shannon Hartigan [13:26]

Merci. Et cette année, nous concentrons une partie de notre attention sur la Seconde Guerre mondiale, puisqu’on souligne le 75e anniversaire de cette guerre, qui a été une période charnière dans l’histoire du monde, certes, mais aussi dans l’histoire de la société canadienne. Elle a engendré de nombreux changements pour notre pays. À votre avis, dans quelle mesure le Canada, dans son ensemble, a-t-il réussi à commémorer, officiellement ou officieusement, ce chapitre important de notre histoire? Tim, qu’en pensez-vous?

Dr Tim Cook [13:59]

Nous aurions pu faire mieux. Le Canada a contribué de façon exceptionnelle à la Seconde Guerre mondiale : 1,1 million de Canadiens en uniforme, dont 50 000 femmes, trois millions de Canadiens engagés sur le front intérieur dans la production de munitions ou de nourriture, pour nourrir la Grande-Bretagne, pour défendre l’Amérique du Nord, comme Andrew l’a mentionné dans la discussion d’ouverture. Mentionnons également une participation de six ans à la bataille de l’Atlantique pour maintenir la Grande-Bretagne dans la guerre, la participation à plusieurs combats dans le monde entier en Extrême-Orient, dans le Pacifique, en Sicile, 100 000 Canadiens qui ont pris part à la campagne d’Italie, des Canadiens engagés dans des guerres aériennes partout dans le monde, les débarquements du jour J, les combats en Normandie, le dégagement de l’estuaire de l’Escaut, la défaite des Allemands en Rhénanie, la libération des Néerlandais, et je pourrais en nommer encore plus. Les contributions de notre pays sont tout simplement exceptionnelles, et pourtant, il est intéressant de noter que c’est la Grande Guerre, les traumatismes et les pertes de cette guerre qui semblent dominer notre mémoire. Et ces 66 000 morts de la Grande Guerre dont nous nous souvenons semblent éclipser les 45 000 personnes tombées lors de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit d’un nombre non négligeable, bien sûr, tragique même, et pourtant, en 1945, le Canada est sorti de cette guerre comme un pays relativement riche, particulièrement dans le contexte d’un continent européen en ruines, lorsque l’on assistait aux mouvements de décolonisation et à l’effondrement d’empires. Nous sommes entrés dans une période de prospérité, en partie parce que le gouvernement de l’époque traitait bien les vétérans; en en envoyant 50 000 à l’université, en leur créant des emplois, et en leur donnant accès à de nouvelles formations. Les vétérans n’ont pas tous bénéficié de ces mesures, cela est particulièrement vrai pour les vétérans autochtones, mais en grande partie, nous étions tournés vers le XXe siècle. Ce pays prospère, que les vétérans ont aidé à construire et dont nous avons eu la chance d’hériter. Toutefois, tout au long de ce processus, nous ne nous sommes pas penchés sur le passé et nous n’avons pas fait un très bon travail, je dirais, pour ériger des monuments commémoratifs, raconter ces récits dans des manuels d’histoire et des films, ou encore dans la poésie et les émissions de télévision. Et il nous a fallu beaucoup de temps pour nous rendre compte, en tant que pays, des contributions incroyables de nos compatriotes de 1939 à 1945 et, en fait, du rôle clé des vétérans au sein de notre société.

Shannon Hartigan [16:23]

Andrew, voulez-vous ajouter quelque chose?

Dr Andrew Burtch [16:27]

Je ne veux pas trop aborder la façon dont nous nous sommes acquittés de notre devoir de commémoration au Canada après la Seconde Guerre mondiale; Tim l’a fait de façon très éloquente. À mon avis, l’aspect réellement intéressant de l’histoire est qu’elle continue de se construire. Donc, dans les années qui ont suivi 1945, nous voyons où la ligne s’est arrêtée pendant la Seconde Guerre mondiale; vous voyez les lignes de fracture qui ont émergé pendant la Guerre froide, au moment où la coopération entre les Alliés après la guerre s’est effondrée, que les empires européens à l’étranger, en Asie et en Afrique, se sont effondrés et que les mouvements d’autodétermination nationale se sont implantés, ce qui a donné lieu à différents conflits. Une grande partie de ces événements crée, a créé, une nouvelle génération de vétérans, dont certains ont servi pendant la Seconde Guerre mondiale et ont continué à servir en Corée, l’un des conflits que nous avons évidemment mentionnés. Ces conflits éclatent fondamentalement selon les mêmes lignes que celles qui ont été établies à la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’implication des Nations Unies, les missions de maintien de la paix dans le monde, dont beaucoup sont liées aux répercussions de la Seconde Guerre mondiale ou des conflits inachevés découlant de celle-ci. Et il en va de même depuis la fin de la Guerre froide. Plusieurs conflits étaient restés en suspens pendant la Guerre froide, ce qui a donné lieu à de nombreux conflits auxquels participent aujourd’hui les générations contemporaines de vétérans. Lorsque l’on en parle, les différents chapitres de l’histoire semblent être isolés les uns des autres, mais en réalité, ils sont liés de longue date. Il est tentant de toujours regarder le présent, et toutes les crises que nous traversons, mais il est également important, comme Tim l’a mentionné, de regarder en arrière et de prendre un moment pour réfléchir et se demander « D’accord, comment pouvons-nous reconnaître le service de ces gens lors de la Seconde Guerre mondiale et celui des générations passées? ». Nous ne pouvons pas perdre cela de vue.

Shannon Hartigan [18:13]

Merci. Et il est important que nous ne le perdions pas de vue. Il est certain que les vétérans de la Première Guerre mondiale ne sont plus parmi nous, et que ceux qui ont participé à la Seconde Guerre mondiale et à la guerre de Corée sont de moins en moins nombreux. Comment pouvons-nous continuer à honorer ce passé, en regardant vers l’avenir, sans avoir cette mémoire vivante pour nous en inspirer? Andrew, que pensez-vous de ce défi?

Dr Andrew Burtch [18:44]

Eh bien, je veux dire, je trouve réconfortant de constater que, près de dix ans après le décès du dernier vétéran canadien de la Première Guerre mondiale, les efforts publics de commémoration de la Première Guerre mondiale se sont renforcés. Je pense que l’on peut dire, à certains égards, que la Première Guerre mondiale passe un peu dans le territoire commémoratif des événements nationaux, puisqu’elle n’est plus présente dans la mémoire active. Et en même temps, je ne pourrais pas vous dire le nombre de personnes qui sont venues au Musée de la guerre et qui se sont manifestées lors d’une visite, ou ont fait part de certains aspects de l’histoire de leur famille et ont mentionné que leur arrière-grand-père avait servi pendant la guerre, comment cela les avait changés, eux et leur famille. Ou encore des gens qui cherchaient un coup de pouce pour retracer l’histoire de leur famille. Donc, je pense qu’il y a manifestement, même pour les générations passées, cette étincelle du Souvenir qui est toujours présente. En ce qui concerne la guerre de Corée, si on la compare aux Première et Seconde Guerres mondiales, est un conflit beaucoup moins important pour le Canada. Tandis que 1,1 million de personnes ont servi pendant la guerre et après l’Armistice, environ 30 000 personnes ou un peu plus ont servi en Corée, ce qui correspond à l’ampleur de la mission du Canada en Yougoslavie dans les années 1990 et 2000, avec évidemment des pertes de vies humaines beaucoup plus importantes en raison de son statut de guerre active. Les vétérans de la guerre de Corée ont eux-mêmes fait beaucoup d’efforts pour pousser à une plus grande commémoration, tout comme la cohorte des vétérans de la Seconde Guerre mondiale dans les années 1980 et 1990, et je pense que, dans l’ensemble, cet objectif a été atteint grâce à leurs efforts. Je pense donc qu’on ne peut plus désigner la guerre de Corée comme étant « la guerre oubliée ». Cependant, il nous revient de s’assurer que cela reste ainsi. Les vétérans de la guerre de Corée sont en train de nous quitter, ceux de la Seconde Guerre mondiale sont de moins en moins nombreux, et ce flambeau a été repris par les descendants des vétérans, par des partenariats communautaires et, dans une certaine mesure, par des institutions. Je pense qu’il est très intéressant de voir des exemples de cela. Au cours de la fin de semaine, vous avez mentionné qu’un groupe d’élèves de la Colombie-Britannique se joignait à cette discussion. J’ai assisté à un événement virtuel avec des élèves de l’école Charles-Best, à Coquitlam. Ils avaient pris contact avec des vétérans de la guerre de Corée et avaient réalisé des entrevues avec eux afin de recueillir des témoignages qui serviraient à la rédaction de récits ou de poèmes à la première personne ou de profils biographiques de ces vétérans, décrivant ce qu’ils ont vécu en Corée. Ce projet, appelé « Intégrité intergénérationnelle » a pour but de passer activement le flambeau, malgré l’isolement engendré par la COVID, afin de tenter d’établir des ponts entre le passé et le présent. Il fait appel à la curiosité et à la générosité, et est mené avec cœur. Je pense donc que cette génération de vétérans a laissé de nombreuses ressources, des témoignages, des histoires orales; ces artéfacts sont conservés au Musée de la guerre, auprès de Historica Canada et d’Anciens Combattants Canada. Il reste beaucoup de travail à faire pour préserver cette histoire et la transmettre, mais je suis encouragé par le fait que les gens veulent connaître cette histoire et croient en cette mission. C’est mon cas, sans aucun doute, et c’est avec grand plaisir que je poursuivrai cette mission.

Shannon Hartigan [21:41]

Merci. Et vous Tim, qu’aimeriez-vous ajouter?

Dr Tim Cook [21:47]

Qu’est-ce que la dette? Quelle est la dette que nous avons envers nos vétérans? Je pense que plusieurs personnes au Canada estiment que nous devons soigner les blessures physiques des vétérans blessés qui reviennent, de ceux qui ont survécu, et que nous devons prendre soin d’eux. Je pense aussi que nous avons maintenant une bien meilleure compréhension des blessures invisibles et des troubles de stress post-traumatique et des blessures liées au stress. Mais il y a un autre élément lié à cette dette. Et c’est la dette du Souvenir. C’est la dette de réflexion sur ce que ces Canadiens ont fait, et je pense, comme Andrew l’a dit à juste titre, que nous entrons dans une période où nous perdons nos vétérans, notamment ceux qui ont servi pendant la guerre de Corée. Parmi les 1,1 million de vétérans qui ont servi pendant la Seconde Guerre mondiale, comme je l’ai déjà mentionné, 45 000 sont tombés au combat. Mais le temps a passé, et moins de 30 000 sont encore en vie aujourd’hui. Et ils sont tous âgés de plus de 95 et 97 ans. Au Musée de la guerre, où nous travaillons tous les trois, où nous avons le grand honneur de travailler, nous avons eu la chance de parler à des vétérans. En ce qui me concerne, cela fait 20 ans que j’y travaille, et c’est toujours le moment fort de ma journée. La génération de la Seconde Guerre mondiale qui disparaît, maintenant la guerre de Corée, les vétérans de la Guerre froide, que l’on compte par centaines de milliers, les vétérans qui ont participé aux missions de maintien et de rétablissement de la paix, et maintenant ceux des opérations en Afghanistan. Il nous incombe vraiment, comme l’a dit Andrew, de transmettre ces histoires, de nous assurer que nous les enseignons à la prochaine génération, et c’est quelque chose d’absolument crucial, à la fois pour immortaliser ces histoires avant qu’elles ne soient perdues, mais aussi pour trouver des moyens de les faire connaître à ceux qui vont transmettre notre histoire.

Shannon Hartigan [23:40]

Merci Tim, et je voudrais répondre à une question provenant d’une personne qui se joint à nous de Welland, en Ontario. Elle demande des idées de gestes concrets que nous pourrions poser pour empêcher que la Seconde Guerre mondiale ne disparaisse de l’esprit de nos jeunes générations. Je sais que vous en avez un peu parlé, Tim, mais aimeriez-vous ajouter quelque chose sur ce que nous pourrions faire pour préserver ce souvenir?

Dr Tim Cook [24:06]

Oui, et je veux laisser la chance à Mélanie de s’exprimer également, mais je veux souligner les initiatives formidables mises en œuvre par nos enseignants. On me demande souvent, à l’approche du jour du Souvenir, comment enseigner cet aspect de l’histoire aux jeunes. Je vois d’excellentes initiatives dans nos écoles; je vois que les enseignants sont conscients de l’importance du jour du Souvenir et des différentes façons de créer des liens avec le passé. L’un des programmes vraiment passionnants dont j’ai entendu parler consiste à examiner les noms des soldats et du personnel militaire tombés au combat sur les cénotaphes locaux. Et de découvrir qui étaient ces personnes. Ils provenaient de votre communauté, et, bien entendu, dans chaque ville, chaque village, partout au pays, un monument est érigé pour commémorer les morts des Première et Seconde Guerres mondiales, de la guerre de Corée et de l’ère moderne, et on le constate de plus en plus concernant les conflits plus récents. Il est possible d’avoir accès aux dossiers des vétérans aux Archives nationales, aujourd’hui Bibliothèque et Archives Canada, et cela constitue pour moi un moyen puissant de créer des liens. J’ai moi-même eu la chance de me rendre à l’étranger à plusieurs reprises pour visiter les cimetières là-bas, pour voir l’endroit où ont été enterrés de jeunes gens qui n’ont jamais eu d’avenir, qui ont servi et qui ont perdu la vie. Andrew a mentionné un programme d’histoire orale que nous avons au Musée canadien de la guerre. Plusieurs autres musées et services d’archives ont mis en place ce type d’initiative, donc je pense que ce sont là des idées concrètes. Je sais aussi que Mélanie travaille sur un important projet au Musée de la guerre et je crois qu’elle aimerait probablement en parler.

Shannon Hartigan [25:42]

Bien sûr, à vous Mélanie, on sait qu’un de vos rôles au Musée canadien de la guerre est d’explorer l’impact de la guerre sur la société. Comment devrions-nous aborder les aspects de commémoration avec les jeunes? Et en fait, un de nos spectateurs de Saint John, au Nouveau-Brunswick, se préoccupe justement de cette question, la question de passer le flambeau du Souvenir aux générations futures, qu’en pensez-vous?

Dre Mélanie Morin-Pelletier [26:15]

En effet, c’est très important pour nous au Musée de la guerre, puis on y réfléchit depuis des années. Je pense que c’est vraiment important, si on a l’occasion de faire vivre des expériences concrètes, de faire le pont entre le passé et le vécu des jeunes, des adolescents, ça fait une très grande différence. Idéalement, on les apporterait tous faire la tournée des champs de bataille, visiter les monuments outre-mer, voir les cimetières, c’est tellement formateur comme expérience. Mais malheureusement, en attendant, il y a quand même des choses très intéressantes qu’on peut faire dans la situation actuelle. Comme maman d’un enfant moi-même d’âge scolaire, j’ai eu l’occasion de participer à plusieurs reprises au cours des années aux cérémonies qui sont faites dans les écoles. C’est vraiment incroyable le travail des enseignants, surtout en temps de pandémie, il faut leur lever notre chapeau certainement. Mais donc, ce que j’ai trouvé qui était très puissant, c’est quand on a l’occasion d’impliquer, par exemple, des parents, des grands-parents des élèves qui servent, qui ont servi outre-mer. Quand les élèves ont l’occasion de parler avec eux, d’écouter leur expérience, c’est très, très enrichissant. Donc ça c’est quelque chose qui peut se passer même de façon virtuelle en temps de pandémie. Ce qui est intéressant aussi, les enfants dont les parents servent peuvent aussi en parler avec leurs collègues de classe, parce que ça rapproche beaucoup. Ça rend les événements moins lointains. On s’aperçoit comme enfant que ça affecte des familles comme la nôtre. Donc ça c’est très intéressant et ça se fait en salle de classe, même de façon virtuelle à la maison. J’aimerais aussi mentionner que, au Musée de la guerre, depuis plusieurs années déjà, on offre des boîtes de découverte, associées au projet de la ligne de ravitaillement. Les enseignants peuvent aller sur notre site Web et avoir plus d’information. Donc les boîtes découverte, il y en a de la Première Guerre mondiale et de la Seconde Guerre mondiale, depuis tout récemment, et les enseignants qui travaillent en classe ou bien à la maison, peuvent commander ces boîtes-là. Il y a des histoires personnelles, il y a aussi des objets d’époque, que les élèves peuvent manipuler. C’est vraiment intéressant parce que ça rend la guerre concrète, ils lisent des histoires de jeunes hommes et jeunes femmes, même d’enfants qui ont vécu la guerre, d’un bout à l’autre du pays et aussi ils voient l’impact que la guerre peut avoir sur les familles. Donc ça c’est quelque chose que je suggère aux enseignants, si ça les intéresse d’aller voir au www.museedelaguerre.ca . Et on a aussi, tout récemment, à la fin octobre, mis en ligne un tout nouveau module du jour du Souvenir et encore là, les enseignants, même les parents qui enseignent à la maison présentement, on vous donne l’occasion d’examiner une quarantaine d’artéfacts avec vos enfants, de lire des histoires personnelles. Je pense que c’est vraiment intéressant, mais aussi très important à ce moment ici, en temps de pandémie, parce que les enfants sont bombardés d’information, pas toujours correcte. Mais donc ici, on vous donne l’occasion de discuter des histoires, des objets, on vous donne l’occasion de donner des outils aux enfants pour développer leur esprit critique. Je pense que c’est plus important que jamais. Une autre chose particulièrement intéressante, je termine là-dessus, on offre, dans ce module du jour du Souvenir, des scénarios qui permettent de créer votre propre cérémonie du Souvenir, soit à la maison, ou en salle de classe, donc c’est particulièrement intéressant, on a tout le scénario. J’espère que ça va être un outil qui va permettre aux enseignants de leur aider à créer, leur donner du matériel et leur aider à faire des cérémonies et des expériences enrichissantes avec leurs élèves en ce moment où c’est différent des autres années c’est certain.

Shannon Hartigan [31:36]

Merci Mélanie. C’est intéressant, Mélanie a parlé d’outils et de ressources créatives pour aider les gens à se renseigner sur la guerre. Quant à vous Andrew, vous avez créé une carte numérique des Canadiens qui sont tombés au combat pendant la guerre de Corée. Pouvez-vous nous en parler et nous dire ce qui vous a motivé à réaliser ce projet?

Dr Andrew Burtch [31:59]

Oui, bien sûr. L’une de mes tâches au Musée de la guerre est, bien entendu, de me pencher sur l’histoire du Canada après 1945, et j’ai réalisé plusieurs expositions et projets concernant la guerre de Corée. Nous savons que l’un des Livres du Souvenir qui se trouve dans la Salle du Souvenir du Parlement canadien porte sur la guerre de Corée. Celui-ci renferme 516 noms. Nous savons, grâce aux récits et aux journaux de guerre qui ont été rédigés, qu’une importante proportion, plus de la moitié, soit 312, ont été tués au combat, sont morts de leurs blessures ou ont été portés disparus ou présumés morts à la suite de raids et de patrouilles pendant la guerre. Les autres, environ 204, sont morts d’autres causes qui ne sont pas aussi bien documentées. Ce projet a donc commencé, pour moi, comme un moyen de tenter de donner vie à ces chiffres, de mener des recherches et de mieux comprendre ce qui est arrivé à chacune de ces 516 personnes qui se sont portées volontaires pour participer au conflit en Corée au sein des Forces canadiennes, que ce soit dans la marine, l’armée de l’air et l’armée de terre. Afin de déterminer comment ces personnes sont décédées, j’ai consulté les dossiers de service avec l’aide du personnel de Bibliothèque et Archives Canada. J’ai pu établir des types de fiches biographiques pour chacune de ces personnes afin d’avoir une meilleure idée de son lieu de naissance, de l’endroit où elle avait effectué son service, de son niveau d’éducation, de l’emploi qu’elle occupait avant son enrôlement, de la cause de son décès et des circonstances qui l’ont entouré. Nous découvrons donc qu’il y a eu des morts accidentelles et des suicides, malheureusement, des personnes qui ont été malades pendant la guerre et par la suite. Et donc, en examinant les dossiers, j’ai aussi trouvé des coordonnées dans de nombreux cas ainsi que des mentions de lieux de sépulture et des lieux où ces personnes sont mortes, dans des hôpitaux de campagne, dans des positions avancées, de retour chez elles dans des hôpitaux civils. Alors j’ai pensé qu’il serait intéressant d’essayer d’établir un lien, parce que beaucoup de gens à l’époque ne savaient pas où se trouvait la Corée ou avaient du mal à s’identifier aux collines numérotées comme la colline 187, la colline 355 et même Kapyong; ces endroits sont un peu difficiles à visualiser. J’ai donc souhaité créer une carte montrant où chacun de ces hommes est né, où il s’est enrôlé, quelle était son adresse au moment où il s’est enrôlé, pour avoir une idée du genre d’endroit où il vivait lorsqu’il a fait ce choix, et aussi où il est tombé, afin de tenter de communiquer visuellement le coût de la guerre de Corée, d’une manière qui, espérons-le, permettra de créer des liens avec ces gens, afin de mieux comprendre les choix qu’ils ont faits et le coût que représente la mort des Canadiens qui ont servi en Corée et qui ne sont pas revenus. Voilà donc le projet. La carte est accessible en ligne, elle est mise à la disposition du public. Si vous effectuez une recherche à l’aide des mots clés « Canada’s Korea War Dead » (Canadiens décédés lors de la guerre de Corée), vous pourrez la trouver. Nous prévoyons améliorer ce projet, il est actuellement en mode bêta, mais l’objectif est de permettre aux gens de visualiser cette perte et aussi de constater que des gens de tout le Canada et même du monde entier, peu importe où ils sont nés, ont constitué cette force qui a combattu en Corée pour rétablir la stabilité lors de cette guerre.

Shannon Hartigan [35:23]

Merci, Andrew. Il est tellement important et difficile de rendre les disparus « réels » à nouveau aujourd’hui, de se souvenir d’eux et de rendre ces chiffres abstraits plus concrets au moyen d’une telle carte. Et Tim, vous avez écrit sur Vimy, et sur le fait que les Canadiens voyageant à l’étranger visitent souvent les monuments commémoratifs ou les cimetières où sont enterrés les Canadiens; pouvez-vous nous en parler ainsi que de l’importance que cela revêt?

Dr Tim Cook [35:59]

Pour poursuivre sur ce qu’Andrew a dit, je pense que pour plusieurs Canadiens, il n’est pas facile de se rendre en Corée du Sud. La dernière fois que j’ai parlé à Andrew, plus de 50 000 personnes avaient consulté sa carte, donc il y a un grand désir au sein de la population de connaître notre histoire, de comprendre où les Canadiens ont servi dans le monde, et Andrew a vraiment réalisé un projet clé. Pour moi, en tant qu’historien des Première et Seconde Guerres mondiales, je souhaitais me rendre sur place pour visiter les champs de bataille d’Europe, et en Italie. Il n’est pas aussi facile de se rendre en Italie, mais, vous savez, l’Europe occidentale est un lieu où les Canadiens ressentent une vive émotion. Nous pensons aux 620 000 Canadiens qui ont servi pendant la Première Guerre mondiale, et aux 1,1 million de personnes qui ont combattu pendant la Seconde Guerre mondiale. Beaucoup d’entre eux ont servi sur le front occidental, les différents fronts occidentaux, et ce sont véritablement des lieux historiques. Ils sont très évocateurs pour nous en tant que Canadiens, puisque des millions et des millions de Canadiens dans tout le pays ont un lien généalogique ou familial avec quelqu’un qui a servi pendant les deux guerres mondiales. Pour moi, Vimy a toujours été un endroit très puissant. Je l’ai visité pour la première fois à l’âge de 17 ans, mes parents m’y ont emmené. L’histoire ne m’intéressait pas beaucoup à cette époque, mais à Vimy, j’ai été physiquement ému de me tenir devant ce puissant monument commémoratif, inauguré pour la première fois en 1936 et conçu par Walter Allward; les personnages qui s’y trouvent, l’Esprit du Canada qui pleure ses fils tombés au combat, les noms gravés de 11 285 Canadiens sans sépulture connue, et cela uniquement en France, le fait de passer vos mains sur ces noms. Ce fut pour moi l’une des façons les plus puissantes de prendre conscience de ce service et de ce sacrifice. Et bien sûr, il y a les villes silencieuses, les cimetières de l’autre côté du front occidental. Là aussi, vous vous promenez, vous contemplez, vous réfléchissez à ce qui a motivé ces jeunes hommes et parfois ces jeunes femmes à servir, à ce qu’aurait pu être l’avenir pour eux et pour leur famille s’ils avaient pu rentrer chez eux. C’est très émouvant pour les Canadiens. Je dirais, pour retourner à Vimy, et aussi à Beaumont-Hamel, où Terre-Neuve a joué un rôle si important, à la bataille de la Somme, que ce sont des sanctuaires silencieux, ce sont des ambassadeurs canadiens en pierre et en marbre. Ce sont des lieux de deuil, de fierté, de tristesse, d’histoire; on ne se sent jamais aussi Canadien que lorsque l’on se trouve à Vimy. Ce n’est pas le type d’endroit où l’on doit penser à une histoire glorieuse, bien que la bravoure et le courage qui ont été démontrés lors de la bataille de la crête de Vimy pourraient faire pleurer quiconque. Vimy représente un symbole de l’effort de guerre canadien. Mais c’est également un rappel, non seulement pour les Canadiens, mais également pour les Européens, de ce que les Canadiens ont accompli par le passé. Le fait qu’ils se soient rendus là-bas et aient combattu pour la liberté et les idées libérales qui les motivaient, nous ne devons pas oublier cela, et Vimy joue un rôle clé à cet égard. Pour revenir à ma réponse précédente sur la Seconde Guerre mondiale, pendant des décennies et des décennies, nous n’avons jamais construit de monuments commémoratifs. À Juno Beach, ou à Dieppe ou sur d’autres champs de bataille. Et il s’agit d’une occasion que nous avons ratée. Depuis 2003, il y a le Centre Juno Beach et pourtant je me pose la question : si nous parlons aujourd’hui de l’histoire et de l’avenir de la commémoration, que ferons-nous pour commémorer le service des Canadiens qui ont pris part aux conflits de la Guerre froide, aux opérations de maintien de la paix, aux opérations en Afghanistan? Ce sont là certaines des questions auxquelles nous n’avons pas le temps de répondre aujourd’hui, mais cela vaut peut-être la peine de débattre et de réfléchir, chacun d’entre nous, au devoir et à la dette de mémoire que nous avons en tant que pays, que nous devrions assumer en tant que Canadiens envers ceux qui ont servi, ceux qui sont tombés et ceux qui sont rentrés chez eux.

Shannon Hartigan [40:13]

Oui, et en fait Tim, je pense que nous nous devons de prendre quelques minutes pour commencer à parler de cela. Comment allons-nous, comment devons-nous nous souvenir des centaines de milliers de membres des Forces armées canadiennes, ou honorer ou reconnaître les membres des Forces armées canadiennes qui ont servi pour protéger la paix et la liberté ici au Canada, que ce soit dans le cadre des efforts multilatéraux de maintien de la paix, des efforts humanitaires, des guerres dans le golfe Persique et en Afghanistan? Nous devons concentrer nos activités commémoratives sur ces efforts. Je vais donc commencer par vous Andrew. Selon vous, quelle serait la meilleure façon d’honorer les sacrifices et les réalisations de ces hommes et femmes de service de l’ère moderne? Et en fait, un enseignant de Surrey, en Colombie-Britannique, nous a posé des questions sur les soldats du maintien de la paix et nous a demandé comment nous pourrions comprendre leur expérience quotidienne et honorer ce qu’ils ont fait. Je vous laisse y répondre, Andrew!

Dr Andrew Burtch [41:23]

Eh bien, je pense que notre point de départ devrait être le suivant : lorsque nous parlons de reconnaître le service de ces vétérans contemporains, il faut d’abord s’assurer que ceux qui ont servi dans ces conflits, qu’il s’agisse de missions de maintien de la paix pendant la Guerre froide, en Afghanistan ou à l’heure actuelle, de gens ayant servi au Canada et à l’étranger, sont soutenus, de sorte que lorsqu’ils quittent le service militaire et retirent leur uniforme, ils puissent continuer de vivre une longue vie comme les générations précédentes l’ont fait, et leur donner la chance de transmettre leurs réalisations aux membres de leur famille. Une grande partie de tout cela a été faite pour les générations précédentes. Toutefois, cet élément clé de soutien et de compassion doit être mis à l’avant-plan, surtout puisque nous savons que le plein effet et les répercussions de ce dont ces gens ont été témoins au cours de ces missions de maintien de la paix, notamment en ex-Yougoslavie dans les années 1990, ne s’est manifesté dans certains cas qu’une décennie plus tard. Il y a donc une longue période active, une longue période au cours de laquelle les gens arrivent à composer avec les effets du service. Ils peuvent alors être encore en uniforme ou avoir quitté les Forces armées. Il est donc très important de bien les soutenir pendant cette transition. Quand on parle du Souvenir, c’est sans contredit une partie de la dette que nous avons envers eux. Je pense qu’il faut également reconnaître que, lorsqu’il s’agit du service de maintien de la paix, du service pendant la Guerre froide, en Afghanistan, du service actuel, les vétérans eux-mêmes ont eu un rôle très important à jouer dans l’élaboration d’un meilleur programme de commémoration et de reconnaissance. Ils sont souvent à l’origine d’initiatives visant à informer le public de ce que leur service a signifié pour le pays. Nous l’avons constaté lors de la nouvelle inauguration du Monument commémoratif de guerre à Ottawa, celle-ci étant le fruit d’un effort conjoint entre les vétérans de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée dans les années 1980. Et à la fin de la mission en Afghanistan en 2014, le Monument commémoratif de guerre a de nouveau été inauguré pour reconnaître le service du Canada en Afghanistan. C’est donc à la fin de cette mission, et non pas presque trente ans plus tard, comme ce fut le cas pour la guerre de Corée, que cette reconnaissance a eu lieu. Il y a donc eu des progrès, mais nous devons avant tout reconnaître que la mémoire de ces missions est entretenue d’abord et avant tout par les frères et sœurs d’armes qui se réunissent, discutent, se souviennent et communiquent entre eux, qu’ils soient toujours en uniforme ou non. Et c’est à partir de là que leur contribution entre dans la sphère publique et intègre les livres d’histoire. Au cours de mon séjour au Musée de la guerre, j’ai eu le privilège d’être invité à certains événements où des moments importants de l’histoire des régiments, de l’histoire des missions canadiennes de maintien de la paix ou d’autres missions ont été reconnus par ces vétérans. En 2008, j’ai assisté à une réunion du Régiment aéroporté du Canada. Plusieurs personnes qui étaient présentes avaient servi lors de missions cruciales et en 1974, à Chypre, lorsqu’une intervention turque a eu lieu dans l’île. La réponse à certains troubles a donné lieu à une zone de guerre active, là où il y avait auparavant une mission de maintien de la paix relativement pacifique, ce qui a entraîné de nombreux changements dans le rythme quotidien des opérations. Un grand courage a été démontré pour sécuriser les sites et s’assurer que les pertes de vie sont réduites au minimum et pour garantir le respect du mandat des Nations Unies. Mais c’est une histoire qui était connue avant tout au sein de ce régiment et de l’armée. Ce n’est que maintenant que nous commençons à la reconnaître un peu plus, à l’approche de l’anniversaire de cet événement qui aura lieu dans quelques années. En 2016, j’ai également assisté à une réunion des membres du Royal Canadian Regiment. Ceux-ci se souvenaient de la mission de l’opération Medusa, à Petawawa. Plusieurs personnes qui portaient encore l’uniforme et certains anciens membres des Forces armées s’étaient réunis pour réfléchir à ce qu’ils avaient vécu dix ans plus tôt lors de la bataille de Panjwaii. Ils se sont remémoré des histoires qui se racontent dans la salle de mess et, bien qu’il ne serait pas convenable de publier certaines d’entre elles, d’autres finiront par faire partie de notre histoire nationale. Il faut cependant être disposé à écouter. Donc, lorsque nous parlons de l’avenir de la commémoration, il faudrait notamment consulter les vétérans eux-mêmes et prendre contact avec eux, aller là où ils se trouvent et se souviennent, peut-être en privé. Cela a déjà été fait, non seulement dans les salles du personnel et les salles de mess, mais de plus en plus dans la sphère publique par le biais de groupes Facebook, au moyen de plateformes où les gens peuvent se réunir et partager des photos et échanger des récits. Il est important pour nous d’écouter, d’essayer de tirer certaines leçons et d’établir des ponts entre ces communautés isolées de vétérans, possiblement en ligne, et les diverses associations de vétérans qui défendent leurs causes. Nous devons établir ces ponts pour créer une carte du Souvenir, ce que cela signifie pour le service contemporain dans la période de l’après-guerre, en particulier dans la période de l’après-guerre froide. Je pense que la plupart des Canadiens seraient stupéfaits d’apprendre que près de 1 000 membres d’équipage canadiens sont morts dans des accidents et dans le cadre de divers problèmes au cours de la Guerre froide. Nous pouvons constater lors d’événements plus récents tels que l’écrasement du Stalker 22, le cyclone en Méditerranée qui a frappé les opérations de l’OTAN où nous avons perdu six membres des Forces armées canadiennes, l’effusion de deuil qui a suivi sur les réseaux sociaux. Puisque les restes humains ont été localisés, rapatriés et ramenés à Trenton par avion, ce lien est certainement présent. Je pense que le choix d’attribuer la Mère de la Croix d’argent cette année à Debbie Sullivan, dont le fils, le lieutenant Chris Saunders, a perdu la vie dans l’incendie du NCSM Chicoutimi en 2004, nous rappelle le coût du service, même en temps dit de paix. Il y a une réflexion plus vaste, je crois, qui est en cours. Nous avons donc une responsabilité d’apprentissage. Nous devons soutenir les vétérans et apprendre d’eux, mais nous devons aussi déterminer la meilleure façon pour que le plus grand nombre possible de personnes apprennent d’eux. C’est en partie notre responsabilité au Musée de la guerre, c’est aussi celle des collectivités, mais dans certains cas, cela ne prendra pas la forme d’un monument commémoratif, ou d’une statue. Cela pourrait demander un changement d’orientation et des efforts de collaboration plus importants à l’aide de nouveaux moyens tels que les plateformes offertes par les médias sociaux. Il est vraiment impossible de savoir ce que l’avenir nous réserve en ce qui concerne les efforts de commémoration, de savoir quelle statue sera construite par qui, car ce ne sont pas toujours les gouvernements qui les érigent, ce sont souvent des associations privées qui deviennent des lieux de mémoire, qui deviennent des lieux de signification. Mais il est très évident qu’une pluralité de Canadiens partout au pays, pas seulement ceux qui portent l’uniforme ou qui l’ont récemment quitté, ou encore des Canadiens ordinaires, souhaitent en savoir plus sur leur passé militaire, l’honorer et parfois le remettre en question. C’est ainsi que l’histoire se déroule, et c’est notre travail en tant que professionnels de l’histoire publique de veiller à ce que l’on continue de l’explorer.

Shannon Hartigan [48:27]

Merci, Andrew. J’ajouterais qu’Anciens Combattants Canada a également un rôle à jouer pour ce qui est de recueillir ces histoires et de les faire connaître aux Canadiens. Je pense que nous allons travailler ensemble pour nous assurer que cela se produise dans les années à venir. Je regarde l’heure, il nous reste encore une dizaine de minutes et nous avons quelques questions de nos téléspectateurs au Canada. Un éducateur de la Saskatchewan nous a demandé, a fait remarquer que les enseignants ont dû s’adapter à la COVID-19 en s’appuyant de plus en plus sur l’apprentissage en ligne et à distance. Je vais poser cette question à Mélanie. Comment pourrait-on faire évoluer les cérémonies traditionnelles du Souvenir afin de répondre aux réalités d’aujourd’hui et la croissance des activités virtuelles.

Dre Mélanie Morin-Pelletier [49:22]

Merci, c’est une très bonne question. Cette année, il y a plusieurs cérémonies qui auront lieu en ligne, donc ça, c’est définitivement un avantage pour les enseignants, les parents ou tout le monde qui veulent suivre les cérémonies, donc au Musée de la guerre, par exemple, il y aura une cérémonie le 11 novembre en ligne. Pour les enseignants, j’ai mentionné un peu dans mes réponses ultérieures des offres qui ont été, certaines développées dans les dernières années, et aussi comme j’ai mentionné, une offre du jour du Souvenir qui est toute nouvelle, qui a été mise en ligne à la fin octobre, donc c’est un module du Souvenir, et ce module-là permet aux enseignants, on va y trouver des scénarios pour établir des cérémonies du jour du Souvenir, donc je pense, à ce moment-là c’est intéressant soit avec la bulle-classe à l’école, même à la maison avec les enfants et même les enseignants qui enseignent en ligne peuvent établir ces cérémonies-là avec leurs élèves. Deuxième offre très importante du Musée de la guerre, je crois j’ai mentionné un petit peu tantôt aussi, la ligne de ravitaillement, donc j’invite les enseignants de n’importe où à travers le Canada, que vous enseigniez en classe ou à la maison, allez sur notre site Web pour trouver un formulaire. Vous pouvez donc réserver nos boîtes de la Première Guerre mondiale ou de la Seconde Guerre mondiale en ligne, et ce matériel-là va vous être envoyé, tout ça c’est gratuit. Il y a plusieurs, quelques dizaines de boîtes qui sont disponibles elles vous seront acheminées gratuitement, donc je vous invite à aller voir sur notre site Web, www.museedelaguerre.ca, www.warmuseum.ca . Donc j’espère que ça va aider aux enseignants cette année parce que j’avoue, c’est une situation beaucoup plus difficile que d’habitude, mais je pense que c’est vraiment important, en temps de crise nationale, de discuter de d’autres crises nationales et comment on a passé à travers avec les jeunes, c’est un moment important et il faut continuer quand même à se rappeler du jour du Souvenir, des autres moments difficiles qu’on a passés comme pays.

Shannon Hartigan [52:23]

Je profite de cette occasion pour mentionner les ressources d’apprentissage proposées par Anciens Combattants Canada sur veterans.gc.ca. On y retrouve un « Coin de l’apprentissage à la maison » ainsi qu’une série de vidéos et d’outils pour renseigner les gens à ce sujet ou simplement les aider à créer une activité commémorative. Je passe maintenant à une autre question. Un téléspectateur a remarqué que les femmes autochtones ont servi pendant de nombreuses années au sein de l’armée, mais qu’elles sont peu reconnues ou que nous disposons de peu de renseignements historiques à leur sujet. Comment pouvons-nous aider les jeunes et le grand public à en apprendre davantage sur les différents groupes de Canadiens qui ont contribué aux efforts militaires du Canada au fil des ans, en particulier les groupes sous-représentés comme les femmes et les peuples autochtones? Andrew, vous pourriez commencer.

Dr Andrew Burtch [53:17]

Bien sûr. Mélanie a fait mention des boîtes de découverte proposées sur le site du Musée de la guerre dans le cadre du projet de la ligne de ravitaillement. De nombreuses ressources en ligne liées à ces boîtes de découverte renferment une foule de renseignements sur certaines personnes issues de différentes communautés de partout au pays qui ont servi, qu’il s’agisse de Canadiens noirs, de Canadiens asiatiques, de femmes en uniforme. L’une des femmes qui figurent dans la boîte de découverte du projet de la ligne de ravitaillement de la Seconde Guerre mondiale est l’aviatrice en chef Margaret LaBillois, issue d’une communauté Mi’kmaq. Elle s’était d’abord engagée pour devenir médecin et a fini par être spécialiste de la reconnaissance photographique pendant la guerre. Après la guerre, elle est devenue une leader au sein de la communauté des vétérans, de la communauté des vétérans des Premières Nations, et de sa communauté d’origine. Ces ressources sont disponibles, il faut un peu de temps pour les examiner, car une grande partie de l’histoire du Canada est marquée par une relation tendue, dans certains cas, avec le service des Canadiens autochtones et la reconnaissance de leurs efforts, tant pendant leur service qu’après celui-ci. La journée d’hier était la Journée nationale des vétérans autochtones. Pour cette occasion, nous avons organisé un webinaire et avons parlé à un vétéran qui a retracé toute l’histoire des relations du Canada avec les peuples autochtones, et du service des peuples autochtones pendant les Première et Seconde Guerres mondiales. Il y a beaucoup d’histoires de service étonnantes qui ressortent de ces guerres. Tommy Prince, lors de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée est souvent cité en exemple. Toutefois, ces exemples d’héroïsme se sont déroulés dans un contexte où le service de ces gens n’était pas toujours la bienvenue, où il n’y avait pas toujours une acceptation de la diversité au Canada, et où des politiques actives décourageaient le service des Canadiens autochtones et des personnes de couleur au sein des Forces armées. Ces politiques ont été annulées plus tard en temps de guerre et il a fallu un certain temps pour que les restrictions informelles soient levées. On doit également souligner les efforts soutenus qui ont été déployés pour assurer une reconnaissance et une indemnisation adéquates de leur service. Ce travail a été réalisé par des générations d’Autochtones du Canada afin d’obtenir les mêmes avantages que les autres Canadiens qui ont servi pendant la guerre, malgré les complexités de la Loi sur les Indiens, et de s’assurer qu’ils bénéficient des mêmes droits. Je veux dire que plus de 10 000 Autochtones canadiens ont servi dans les Forces armées canadiennes au fil des ans. Les chiffres exacts sont difficiles à estimer, mais on constate un intérêt très marqué, dans le cadre de la politique de défense, à améliorer la diversité au sein des Forces armées afin que celles-ci reflètent la société canadienne et toutes les forces qui la composent. Ces gens qui ont servi et qui se sont distingués étaient des précurseurs. D’autres auraient pu servir et ont possiblement été découragés. Nous avons perdu ce potentiel et il est donc important qu’au fur et à mesure que nous avançons, nous prêtions attention à tous ceux et celles qui souhaitent servir et que nous nous souvenions de ceux et de celles qui l’ont fait, comme nous en avons discuté précédemment.

Shannon Hartigan [57:03]

Merci. Mélanie, veux-tu ajouter quelque chose? Oui.

Dre Mélanie Morin-Pelletier [57:08]

Oui, certainement, j’ajouterais, en ce qui me concerne, l’histoire des femmes militaires aussi, mon collègue en a parlé, mais j’aimerais mentionner, il ne faut pas oublier que les femmes font partie des campagnes militaires canadiennes depuis les années 1800. Donc, on parle par exemple de la campagne du Nord-Ouest en 1885, la guerre d’Afrique du Sud, il y a des milliers d’infirmières militaires qui servent pendant les deux guerres mondiales, plus de 50 000 Canadiennes servent pendant la Seconde Guerre mondiale et ça se poursuit par la suite. Je comprends la personne qui nous demande pourquoi on connaît très peu leur histoire, c’est une des raisons qui m’a mené vers ce domaine d’études moi aussi. J’ose espérer que, au cours des trente et plus dernières années, on commence à combler ce vide historiographique. Faut comprendre que ça reflète l’histoire des femmes en général aussi. Ça reflète le courant historiographique, l’histoire sociomilitaire. Donc, ce qu’on voit dans les dernières années comme historienne de guerre et société, un de mes objectifs premiers c’est de redonner une voix à ces gens-là qui, traditionnellement, n’en ont pas eu dans l’histoire militaire ou l’histoire sociale. Je crois que c’est un objectif très important aussi pour mes autres collègues au Musée de la guerre et pour bon nombre d’historiens de nos jours. J’ai vraiment confiance qu’on s’en va vers une histoire canadienne qui va être de plus en plus inclusive.

Shannon Hartigan [59:17]

Merci beaucoup. Et bien malheureusement, nous avons atteint la fin de notre heure ensemble, notre première table ronde sur le passé et l’avenir de la commémoration au Canada. J’aimerais remercier très, très sincèrement Mélanie, Andrew et Tim de s’être joints à nous aujourd’hui pour partager vos perspectives très importantes, intéressantes et votre expertise, en fait.

Et j’espère que nos spectateurs se joindront à nouveau à nous lors de nos prochaines discussions. Nous y aborderons différents thèmes importants liés au Souvenir dans notre pays. Nous vous informerons de la date de notre prochaine discussion. Merci beaucoup.

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