De qui nous souvenons-nous?
Lorsque les artilleurs commencèrent à descendre la rue Main en rangée, par trois, la circulation s'arrêta et les gens sur le trottoir les regardèrent défiler. Certains étaient silencieux. Quelques-uns pleuraient. D'autres les acclamaient un peu ou appelaient par leurs noms les soldats qu'ils connaissaient - un officier qui, pendant des années, avait consacré ses loisirs à la fanfare de la milice, un costaud génial d'un quartier défavorisé de la ville, un fils de cultivateur du village de Taylor, un homme au casier judiciaire ou un adolescent qui avait laissé derrière lui la plus jolie fille de l'endroit.3
En temps de guerre, de façon spontanée des Canadiens se sont portés volontaires, afin de servir le pays. Ils venaient de fermes, de petits villages et de grandes villes situés un peu partout au pays. Des hommes et des femmes se sont enrôlés motivés par différentes raisons que ce soit le patriotisme, les croyances idéologiques, la tradition familiale, la quête d'aventure ou tout simplement pour obtenir un emploi. Ils ont épaulé l'effort de guerre du Canada, car ils étaient prêts à se battre, à soigner les blessés, à préparer le matériel de guerre et à fournir le soutien économique et moral nécessaire.
La guerre a toujours été synonyme de mort, de destruction et d'éloignement des êtres chers. Mais au cours de cette première montée de fièvre patriotique, ces aspects de la guerre étaient relégués au second plan. Pour les hommes et les femmes qui se sont rassemblés pour appuyer la cause de leur patrie, les dangers de la guerre semblaient être distants et irréels. Lorsque le premier contingent de Canadiens quitta, à l'automne de 1914, les eaux calmes du fleuve Saint-Laurent pour s'engager dans les eaux tumultueuses de l'Atlantique, certaines des réalités de la guerre sont alors devenues plus concrètes. Voici ce que l'infirmière Constance Bruce écrivait à ce sujet.
Ceux et celles qui s'étaient portés volontaires, ne s'étaient pas arrêtés pour analyser les conséquences de leur geste tellement l'effervescence était grande, le sort alléchant et la cause glorieuse. Cependant, maintenant que la confusion était passée, et qu'il ne restait qu'à remplir ses engagements, les choses prenaient une tournure beaucoup plus sombre...4
Comment pouvaient-ils savoir que quatre longues années de mort et de destruction les attendaient?
À nouveau, en 1939, lorsque les appels de mobilisation furent lancés au début de la Seconde Guerre mondiale, les Canadiens se sont enrôlés en très grand nombre. Il y avait des anciens combattants des guerres précédentes, des adolescents encore à l'école secondaire et des milliers de chômeurs. Les recrues venaient de plusieurs régions et elles avaient des antécédents très différents les unes des autres. Aubrey Cosens, 18 ans, poseur de rails de chemin de fer à Porquis Junction (Ontario), s'est vu refusé par l'Aviation royale du Canada mais il réussit à s'enrôler dans le régiment des Argyll and Sutherland Highlanders. Lorsqu'il fut diplômé de l'Université de la Colombie-Britannique, Robert Gray s'est enrôlé dans la marine. John Foote, ministre presbytérien de 35 ans, s'est joint aux effectifs du service de l'aumônerie militaire. Ils étaient tous des Canadiens typiques et ils se sont tous distingués en obtenant la Croix de Victoria.
Alors même qu'ils affrontaient les rigueurs de la guerre, certains hommes ont pris le temps de s'interroger sur les forces responsables de l'hostilité qui existait entre les divers pays en guerre et sur les possibilités de reprendre une vie normale. Dans une tranchée sur la ligne de front, Donald Pearce écrivit ce qui suit :
« Quand tout ceci prendra-t-il fin? La bêtise et la tension, la mort de jeunes hommes, la destruction de foyers et de villes, la famine, l'épuisement, la maladie, les enfants orphelins et errants, les geôles remplies de prisonniers aux yeux effarés et grelottant de froid, les longues files de civils marchant péniblement dans la boue et le pilonnage incessant sur les lignes de combat. »5
Ceux et celles qui avaient connu les atrocités du combat croyaient que leurs efforts à faire du monde un endroit plus sûr avaient porté ses fruits. Et pourtant à peine quelques années après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Canadiens ont été appelés à nouveau pour défendre la cause de la paix et de la liberté. De 1950 à 1955, des Canadiens et des Canadiennes ont servi sous la bannière des Nations Unies en Corée. Ils étaient tout autant de nouvelles recrues que d'anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale. En compagnie des membres de diverses unités militaires, des marins et des aviateurs canadiens ont apporté une contribution vitale, et ont vécu de privations pendant des mois, dans l'espoir de sauvegarder la paix mondiale.
Depuis la fin des hostilités en Corée, plus de 60 ans passés, les militaires canadiens ont assumé un rôle différent quoi qu'essentiel à l'échelle mondiale. Les opérations contemporaines de maintien de la paix constituent un prolongement naturel de l'engagement de longue date du Canada à l'égard des principes de paix et de liberté.
Il existe beaucoup d'éléments dont nous devons nous souvenir au sujet de tous ces combats menés dans des régions éloignées. Il y a tout d'abord les gens, c'est-à-dire les hommes et les femmes qui ont servi là où l'on avait besoin d'eux. Ils ont affronté avec bravoure des situations difficiles. Par leur geste, ils ont fait rejaillir l'honneur sur eux-mêmes, sur les êtres qui leur sont chers de même que sur leur patrie. C'était des Canadiens ordinaires qui ont fait des sacrifices extraordinaires.
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