Le Canada et la guerre en Asie et dans le Pacifique
Survol de la participation des Canadiens en Asie
Les Forces canadiennes prennent part à la guerre en Asie dès le début. Les combats dans le Pacifique ne sont pas seulement déclenchés par l’attaque surprise des Japonais sur Pearl Harbor, le 7 décembre 1941. Au même moment, d’autres forces japonaises attaquent les colonies britanniques situées à Hong Kong et en Malaisie, ainsi que plusieurs autres bases américaines dans le Pacifique. À Hong Kong, la petite garnison britannique compte 1 975 Canadiens.
Il s’agit de membres de deux bataillons d’infanterie – le Royal Rifles of Canada (Québec) et le Winnipeg Grenadiers – fraîchement débarqués, à peine trois semaines plus tôt, pour renforcer les défenses de la colonie basée sur l’île. Lorsque l’armée nipponne, nettement plus nombreuse, lance l’assaut, la garnison assiégée se défend sans véritable espoir de remporter la victoire. Néanmoins, les Canadiens combattent courageusement et l’un d’entre eux, le sergent-major de compagnie John Osborn du Winnipeg Grenadiers, reçoit la Croix de Victoria à titre posthume après avoir plongé sur une grenade juste avant qu’elle n’explose, sauvant ainsi la vie de plusieurs de ses camarades. Le commandant canadien, le brigadier John Lawson, tombe au combat devant son poste de commandement. Finalement, le jour de Noël 1941, les forces alliées à Hong Kong capitulent.
En tout, 290 Canadiens tombent au combat. Ceux qui capitulent ne se doutent pas que leur cauchemar ne fait que commencer. Ils sont détenus pendant presque quatre ans, au cours desquels ils subissent des traitements particulièrement brutaux similaires à ceux qui sont infligés aux prisonniers dans les camps de concentration. Condamnés aux travaux forcés sur des chantiers de construction et dans des mines où ils sont battus fréquemment et affamés, 264 autres jeunes hommes succombent à leurs mauvais traitements avant que les survivants, amaigris et malades, ne soient libérés, en 1945. La majorité de ceux qui rentrent au Canada souffrent de graves invalidités imputables à leur emprisonnement et nombre d’entre eux meurent prématurément.
L’Aviation royale du Canada (ARC) prend aussi part à la guerre en Asie dès le commencement. Au tout début des hostilités, de nombreux membres de l’ARC, alors en pleine croissance, sont affectés au sein d’escadrons de la Royal Air Force (RAF) qui servent un peu partout. Plusieurs centaines de Canadiens combattent ainsi aux côtés des forces britanniques pour tenter de freiner l’avancement rapide des forces nipponnes (Malaisie, Singapour, Java (maintenant l’Indonésie), Birmanie (maintenant le Myanmar) et Inde).
C’est pourtant un escadron canadien qui jouera un rôle déterminant dans la prochaine étape de la guerre contre les Japonais. Ces derniers confirment de plus en plus leur domination dans le Pacifique et la menace ennemie se répand rapidement jusqu’au Ceylan (maintenant le Sri Lanka), au large de la côte sud-est de l’Inde. En mars 1942, l’escadron de surveillance générale 413 de l’ARC et ses hydravions Consolidated Catalina quittent l’Écosse à destination du Ceylan. Le commandant d’aviation Leonard Birchall arrive sur place le 2 avril. Deux jours plus tard, lors de sa première sortie de patrouille, il aperçoit la flotte japonaise qui se dirige vers l’île. Son opérateur radio parvient à transmettre un message d’avertissement avant que le Catalina ne soit abattu par des chasseurs japonais. Trois de ses membres d’équipage sont tués dans l’eau par des mitrailleurs japonais. Birchall et le reste de son équipage sont capturés. Ce n’est qu’après la guerre qu’ils apprennent que leur message de détresse a permis aux forces de défense de l’île de se préparer à repousser l’attaque des Japonais. Une défense efficace, combinée à la victoire des forces navales américaines quelques semaines plus tard lors de la bataille de la mer de Corail, met ainsi définitivement un terme à la menace des Japonais dans cette région de l’Asie. Birchall et son équipage deviennent ainsi « les sauveurs du Ceylan ».
Après la guerre, Birchall est décoré pour ses exploits en tant qu’aviateur et en reconnaissance du courage et du leadership dont il a fait preuve face à l’ennemi pendant plusieurs années de captivité.
Au printemps 1942, les Japonais augmentent graduellement leur zone d’influence vers l’Amérique du Nord. En juin 1942, leurs forces débarquent sur les îles Attu et Kiska, dans les Aléoutiennes, au large de la côte de l’Alaska. Le 20 juin, un sous-marin japonais torpille le phare Estevan, situé sur la côte ouest de l’île de Vancouver, causant des dommages mineurs.
Bien que les Japonais qui se trouvent dans les Aléoutiennes soient encore à 3 000 kilomètres de Vancouver et que l’attaque sur le phare soit au plus un acte d’intimidation, la menace ne peut être ignorée. Le Canada affecte deux divisions d’armée et des forces aériennes et navales considérables à la défense de la côte ouest, et les Américains s’empressent d’envoyer des renforts en Alaska. Comme il n’y a pas encore de route qui relie cette région et le reste du continent, les Américains mettent en œuvre un programme prioritaire pour en construire une. Au cours de l’année suivante, des dizaines de milliers de soldats déboisent des milliers de kilomètres de forêt vierge pour y aménager l’autoroute de l’Alaska. Une fois les travaux terminés, la menace ennemie n’est plus aussi importante, mais la route demeure encore aujourd’hui une voie de transport essentielle pour les Canadiens et les Américains.
En 1943, les Américains lancent une campagne pour reprendre le contrôle des îles Attu et Kiska. Le Canada fournit une brigade d’infanterie, des troupes qui sont affectées au sein de la Force d’opérations spéciales composée de soldats canadiens et américains, et des forces navales et aériennes. Les Japonais combattent pour garder le contrôle d’Attu, mais lorsque les soldats canadiens et américains débarquent sur Kiska, ils constatent que l’île est déjà abandonnée depuis plusieurs jours.
En 1943-1944, le vent tourne lorsque la 14e Armée britannique remporte une série de batailles chaudement livrées dans le nord de la Birmanie et dans l’est de l’Inde. De nombreux Canadiens combattent aux côtés de l’Armée et des Forces aériennes britanniques durant ces opérations. Parmi eux se trouve le major Charles Hoey Duncan, de la Colombie-Britannique, qui joignit les rangs de l’Armée britannique au milieu des années 1930. En février 1944, en Birmanie, Hoey dirige sa compagnie d’infanterie lors d’une opération visant à prendre d’assaut une colline détenue par les Japonais. Il tombe au combat, mais on lui décerne la Croix de Victoria pour sa bravoure.
Le sous-lieutenant d’aviation H. Armstrong, qui pilote des aéronefs Hurricanes au sein de l’Escadron 185 de la RAF, abat trois bombardiers japonais et participe à la destruction d’un quatrième en à peine trois jours, en mars 1943.
En Asie, les Britanniques constatent que l’aéronef américain B-24 Liberator s’avère un bombardier à long rayon d’action particulièrement efficace. Peu de temps après, plusieurs escadrons de ces gros avions sont déployés sur place. Nombre de membres de ces unités ont suivi leur formation en Colombie-Britannique. Aujourd’hui encore, ces anciens combattants sont connus comme étant les « Bombardiers de la Birmanie » (« Burma Bombers »).
En novembre 1944, les Alliés entreprennent une campagne visant à repousser l’ennemi hors de l’Inde et de la Birmanie. Pour ce faire, ils doivent franchir une chaîne de montagnes et se rendre en plein cœur de la jungle birmane. Comme il n’y avait pas de routes dans les montagnes, le général britannique sir William Slim trouve une solution particulièrement innovatrice pour l’époque. Elle consiste à assurer le transport de toutes les troupes par voie aérienne. Pour y parvenir, il doit recourir à un grand nombre d’aéronefs de ravitaillement pouvant atterrir sur des pistes de terre, derrière les lignes, ou faire parachuter du matériel directement sur les lignes de front.
L’imposante flotte aérienne comprend notamment les escadrons de transport canadiens 435 et 436, des avions bimoteurs de type Dakota. Les deux escadrons assurent le transport des troupes, des munitions et de la nourriture jusqu’aux limites du territoire ennemi. Ils sont fréquemment la cible de tirs au sol, et deux Dakotas sont abattus par des chasseurs japonais.
Les Canadiens servent au sein d’autres groupes spéciaux en Asie, notamment la « Sea Reconnaissance Unit », un groupe d’hommes-grenouilles qui assurent l’avant-garde lorsque l’Armée britannique doit franchir des cours d’eau en Birmanie. Le capitaine de corvette B.S. Wright est à la tête de l’unité, et le capitaine d’aviation G.H. Avery mérite la première Croix militaire à être décernée à un homme-grenouille, en reconnaissance de son courage pendant la traversée du fleuve Irrawaddy.
Un autre groupe spécial se compose de 40 Canadiens d’origine japonaise et chinoise qui se sont portés volontaires pour aller combattre en Asie. Leurs compétences linguistiques profitent grandement aux Alliés. Ils travaillent comme interprètes au sein des unités du renseignement ou des équipes secrètes de la « Force 136 » qui se rendent derrière les lignes ennemies pour prendre part à des guérillas en vue de déstabiliser les lignes de ravitaillement ennemies. Plusieurs d’entre eux sont décorés pour leurs actions. Leur service influence d’ailleurs grandement le gouvernement canadien dans sa décision, plusieurs années après, d’accorder aux Canadiens d’origine japonaise et chinoise les mêmes droits qu’aux citoyens canadiens.
Après la fin de la guerre en Europe, les Alliés entreprennent de concentrer leur puissance militaire en Asie et dans le Pacifique. La première force canadienne à y faire sentir sa présence est la Marine royale du Canada lorsque le croiseur NCSM Uganda joint la flotte britannique dans le Pacifique pour prendre part aux opérations alliées dans les environs d’Okinawa au printemps de 1945. Le croiseur NCSM Prince Robert, qui avait aidé au transport des troupes canadiennes pour tenter en vain de défendre Hong Kong en 1941, retourne dans le théâtre du Pacifique où il a la satisfaction de prendre part à la libération des prisonniers de guerre à Hong Kong.
Les marins marchands canadiens ont également servi dans cette partie du monde à bord de navires immatriculés au Canada et dans les pays alliés. Nous ne saurons peut-être jamais le nombre exact de navires canadiens qui ont navigué sur le théâtre du Pacifique, transportant les hommes et les approvisionnements si essentiels à la poursuite et au succès de la guerre. Toutefois, nous connaissons leurs pertes. Les noms des marins disparus du « Jasper Park » du « Fort Longueuil », du « Lianash » et de quatorze autres navires que les Japonais ont directement attaqués sont inscrits dans le Livre du Souvenir de la marine marchande.
Au cours de cette période, un petit groupe de Canadiens servent en tant que pilotes au sein de la force aéronavale à bord de porte-avions britanniques. Le 9 août, le lieutenant Robert Hampton Gray de Nelson, en Colombie-Britannique, décolle du NSM Formidable aux commandes de son bombardier piqué Corsair pour attaquer une flotte japonaise située à proximité des îles du Japon. Il aperçoit un destroyer japonais dans la baie d’Onagawa et l’attaque en piqué. Même si son aéronef est criblé par le tir antiaérien, il maintient sa trajectoire en plongeon jusqu’à ce qu’il soit sûr d’atteindre la cible. Il largue ses bombes en plein cœur du navire, qui sombre rapidement. L’aéronef de Gray s’écrase un peu plus loin, et on lui décerna la Croix de Victoria à titre posthume.
Le Canada intensifie de plus en plus sa présence. À un certain point, plus de 10 000 Canadiens ont servi ou servent en Asie et dans le Pacifique. L’ARC déploie à elle seule plus de 3 100 soldats dans la région en 1945.
Entre-temps, les préparatifs se poursuivent en vue de la participation du Canada à l’invasion des îles japonaises, qui doit avoir lieu à l’automne 1945. Une division d’infanterie complète et plusieurs escadrons aériens – une force de plus de 24 000 hommes – s’y préparent. Toute la préparation cesse immédiatement lorsque les bombes atomiques sont larguées sur le Japon. Le 15 août 1945, les Japonais se rendent sans condition. L’état de choc que provoque l’utilisation de ce nouvel instrument de guerre se combine à la joie de voir le retour de la paix et de savoir qu’il n’y aura plus de victimes canadiennes dans ce qui s’avéra l’une des guerres les plus terribles de l’histoire.
Le 2 septembre 1945, les documents officiels de capitulation sont signés à bord du navire de guerre américain USS Missouri dans le port de Tokyo. Le colonel Lawrence M. Cosgrave signe au nom du Canada les documents qui mettent officiellement un terme à la Seconde Guerre mondiale.
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