Diane Pitre, aviatrice (formée) (à la retraite)
Diane Pitre raconte qu'elle était incapable de dévoiler à sa famille la véritable raison de son départ de l'armée en 1980, trois ans seulement après s'être enrôlée.
A servi de
1977
Technicienne en cellules d’aéronefs
Technicienne en approvisionnement
Elle avait été congédiée après une éprouvante enquête de trois ans sur son orientation sexuelle aux termes de laquelle son capitaine avait déchiré ses documents de promotion avant de les lancer à la poubelle, en lui disant qu’elle faisait « honte à l’uniforme ». Pendant des décennies, Diane n’a révélé à personne cette humiliante expérience.
« Je n’en parlais à personne, parce qu’on m’avait dit que j’étais une honte, que j’étais une menace à la sécurité nationale. Pendant des années, j’ai donc tout gardé ça pour moi », explique-t-elle.
« J’avais peur de perdre ma famille comme j’avais perdu ma carrière, si je m’ouvrais à eux. »
Trente-huit ans plus tard, en 2018, Diane a invité sa famille à assister à une projection de « The Fruit Machine », un documentaire sur les survivants de la purge des membres 2ELGBTQI+ de l’armée et de la fonction publique canadiennes, entre les années 1950 et 1990. Dans le documentaire, elle décrit les interrogatoires accablants qu’elle a subis, et la nuit où elle a été droguée et agressée sexuellement par un collègue soldat qui lui a dit qu’elle devait « savoir ce que c’était d’être avec un homme ».
Après la projection, elle est montée sur scène pour répondre aux questions de l’auditoire.
« Je me rappelle qu’ils me fixaient, incrédules, en me disant : « Pourquoi ne pas nous l’avoir dit? »
Diane Pitre, qui avait toujours admiré ses oncles pour leur service militaire, s’est enrôlée dans les forces en novembre 1977 après ses études secondaires à Campbellton, au Nouveau-Brunswick. Elle a terminé son instruction de base à la Base des Forces canadiennes (BFC) St-Jean et a été affectée à la BFC Chatham, au Nouveau-Brunswick, en février 1978, pour une instruction de technicienne en cellules d’aéronefs. Le 1er avril 1978, elle a été affectée à la BFC Borden, en Ontario, pour terminer son instruction et est retournée à la BFC Chatham en août 1978. Elle a reçu une nouvelle instruction de technicienne en approvisionnement à la fin de 1978 après avoir perdu sa cote de sécurité parce qu’elle était « soupçonnée d’être homosexuelle ».
On lui a dit qu’elle constituait une menace pour son pays à cause de son orientation sexuelle.
« À 19 ans, c’était une situation très difficile à gérer.
Je me rappelle avoir été profondément blessée parce que je voulais tellement porter cet uniforme. Je le porterais encore aujourd’hui... »
Pendant qu’elle faisait l’objet d’une enquête, Diane s’est fait dire que si elle voulait rester dans l’armée, elle devrait « se tenir tranquille ».
Elle s’est alors isolée, prenant ses repas dans sa chambre pour éviter les autres soldats dans la salle à manger.
« Je suis devenue introvertie. On me traitait d’antisociale parce que j’allais au travail, au magasin, à ma caserne, et c’était tout », raconte-t-elle. « Je ne voulais me lier à personne parce que je voulais garder ma carrière. »
Pendant ses trois années de service, elle a passé autant de temps à être interrogée et à voir des psychiatres qu’à travailler.
Ses rapports de travail étaient toujours élogieux, ses supérieurs jugeant son rendement « excellent ».
Malgré cela, le 24 septembre 1980, elle a été expulsée des Forces armées en vertu de l’Ordonnance administrative des Forces canadiennes 19-20, « Homosexualité – Enquête sur la déviation sexuelle (Examen médical et mesures à prendre) ».
« J’avais honte. Enfant, je voulais servir mon pays : mes oncles étaient des vétérans, et c’était ce que je voulais faire moi aussi.»
« C’était comme un rêve avorté. On s’engage dans une voie et on est soudainement rejeté dans une autre direction. »
Cette situation a conduit Diane vers une carrière de 30 ans à Postes Canada, mais aussi à une vie de militante.
Lorsqu’elle a commencé à raconter son histoire, son sentiment d’isolement s’est transformé en camaraderie et solidarité avec d’autres vétérans 2ELGBTQI+. « Même 44 ans plus tard, c’est difficile d’entendre les expériences des autres », confie-t-elle.
« Ça ne disparaît jamais. J’ai suivi une thérapie, et je le fais encore.Les gens me contactent pour obtenir de l’aide et me raconter leur histoire. Et puis ça revient, je revis ma propre histoire. »
Diane a passé les quatre décennies suivant son expulsion de l’armée à faire pression sur le gouvernement afin qu’il présente des excuses pour son congédiement injustifié et celui d’autres vétérans 2ELGBTQI+.
Le 28 novembre 2017, le premier ministre Trudeau a présenté ces excuses.
Diane est maintenant fondatrice et coprésidente de Vétérans Arc-en-ciel du Canada. En mars 2023, elle a reçu la Mention élogieuse du ministre des Anciens Combattants pour son travail d’éducation et de défense des droits des vétérans 2ELGBTQI+ au Canada.
« Ce que ça signifie pour moi, c’est que je fais partie des vétérans et vétéranes », dit-elle.
Sa plus récente réalisation (et dont elle tire beaucoup de fierté) est la création d’un insigne héraldique pour Vétérans Arc-en-ciel. En novembre 2023, elle a reçu un appel l’informant que Sa Majesté le roi Charles avait approuvé l’utilisation de la couronne sur le nouvel insigne de Vétérans Arc-en-ciel du Canada, qui devenait le premier organisme 2ELGBTQI+ à avoir le privilège d’utiliser la couronne royale, et l’un des premiers au Canada à utiliser la nouvelle couronne royale canadienne.
Il était important pour Diane que les survivants et survivantes de la purge LGBT, dont beaucoup ne se considéraient pas comme des vétérans, aient un écusson militaire.
« C’était surréaliste. C’était comme si le roi d’Angleterre m’avait dit que je pouvais utiliser sa couronne. Pendant très longtemps, nous avons eu l’impression que nous n’étions pas des vétérans. »
Les choses vont maintenant dans la bonne direction et les torts sont lentement corrigés, a-t-elle déclaré.
« Ils voulaient me changer, mais on ne peut pas changer qui on est. La seule façon que j’ai trouvée pour faire la paix avec ça, c’est de me dire que rien n’arrive par hasard, et que j’étais donc destinée à aider d’autres vétérans. »
Avec courage, intégrité et loyauté, Diane Pitre laisse sa marque. Elle est l’une de nos membres des Forces armées canadiennes. Découvrez d’autres histoires.
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