Khamael Johnston
(Jeune déléguée du 75e anniversaire du jour J)
Khamael Johnston s’est rendue en France à titre de jeune déléguée au sein de la délégation officielle du gouvernement du Canada à l’étranger. Alors qu’elle était en Normandie (France), elle a participé à des cérémonies en l’honneur des innombrables Canadiens et membres des forces alliées qui se sont sacrifiés pour la paix et la liberté.
Quand je suis arrivée en Normandie, je me souviens du sentiment que j’ai eu la première fois que j’ai mis le pied à Juno Beach. Debout dans le sable chaud, des goélands tournoyant dans le ciel, j’étais engloutie dans l’étrange conflit entre la scène idyllique devant mes yeux et la lourde conscience de tout le sang qui avait coulé sous mes pieds il y a 75 ans. Enfant, j’ai eu connaissance des cicatrices émotionnelles qui ont marqué mon propre grand-oncle, qui a été chirurgien de campagne lors de la bataille de Normandie. J’ai toujours su qu’être née après la guerre — et ne pas avoir eu à consentir ces énormes sacrifices pour la paix — était un privilège. Je n’ai toutefois jamais aimé la distance que je ressentais entre moi et les événements de la Seconde Guerre mondiale, qui ont si grandement façonné le monde dans lequel je suis née.
Je me suis demandée si, devant le même appel, j’aurais répondu avec la même abnégation.
Cependant, avoir l’honneur d’aller en France signifiait que cette distance allait rapidement se réduire. Ce fut le cas, le premier matin, lorsque nous avons visité le cimetière de guerre canadien de Bény-sur-Mer, où j’ai pris conscience de l’ampleur des sacrifices humains durant la guerre en lisant sur de nombreuses pierres tombales l’inscription « 19 ans ». Je trouvais difficile de comprendre qu’une des périodes les plus sombres de l’humanité ait demandé la bravoure et le sacrifice de jeunes Canadiens ordinaires un peu moins âgés que moi. Je me suis demandé si, devant le même appel, j’aurais répondu avec la même abnégation. Je me suis maintes fois posé cette question dans les jours qui ont suivi en préparant le projet de recherche que je présenterais plus tard à un autre cimetière canadien en l’honneur de Gerard Doré, qu’on croit être le plus jeune Canadien à avoir perdu la vie au service pendant la bataille de Normandie. Lire les lettres écrites par les membres de la famille Doré durant sa veillée mortuaire m’a fait réaliser que les chiffres que j’avais mémorisés pour mes cours d’histoire étaient inutiles, car je n’arrivais pas à multiplier l’angoisse qui émanait de chaque mot de chaque page par mille, cent mille ou même plusieurs millions.
J’en suis venue à la réalisation que le Souvenir n’est pas un sentiment passif que l’on éprouve pendant une cérémonie, une journée, mais plutôt une promesse active.
Pendant les cérémonies, c’était souvent à nous les jeunes de réciter la Promesse du Souvenir. Voir l’émotion dans les yeux des vétérans lorsqu’ils levaient la main pour faire un salut et entendre la force dans leur voix lorsqu’ils racontaient leur histoire m’a fait réfléchir à l’importance des mots que je répétais, souhaitant porter le flambeau du Souvenir. Le danger du cadeau de la paix que les vétérans et leurs compagnons d’armes tombés au combat nous ont donné est que nous oublierons l’ampleur de leur sacrifice et que, avec le temps et la distance, la priorité « Plus jamais la guerre », établie par ceux qui ont été témoins des atrocités de la guerre, disparaîtra. J’en suis venue à la réalisation que le Souvenir n’est pas un sentiment passif que l’on éprouve pendant une cérémonie, une journée, mais plutôt une promesse active de continuer à travailler dans l’espoir que la paix ne marchera plus main dans la main avec le sacrifice de jeunes combattants, comme ce fut le cas durant le jour J.
Khamael Johnston est le Visage de la liberté de cette semaine, un exemple d’une nouvelle génération de Canadiens qui continuent de commémorer et d’honorer les sacrifices des vétérans, anciens et actuels, du Canada. Les actes de ces vétérans nous permettent de mener la vie que nous avons aujourd’hui – dans un pays fort et libre.
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