Norma (Morrissey) Girard
M. Paul Girard, du bureau régional du Pacifique, nous a fait parvenir l'histoire de sa mère qui a revêtu l'uniforme de l'ARC au cours de la Seconde Guerre mondiale, maintenant ainsi une tradition de service en temps de guerre. Le père de Mme Girard a combattu à Vimy et a été blessé au cours de la même période. Il a passé plusieurs mois de convalescence à Sainte-Anne et a ensuite pu reprendre une vie active. Toutefois, sa mort prématurée a été la conséquence indirecte des graves blessures qu'il a subies. Mme Girard a beaucoup hésité avant de coucher ses souvenirs sur papier et nous la remercions de bien avoir voulu se prêter à l'exercice. Elle a maintenant hâte de clore ce chapitre important de sa vie et elle espère renouer des liens, d'une certaine façon, avec des personnes qu'elle a perdues de vue depuis longtemps, des personnes qui, peut-être, liront son histoire et se souviendront d'elle.
«Il a été difficile d'écrire après tant d'années.
Après mon examen médical, on m'a dit de me présenter au dépôt des effectifs de Rockcliffe. Il y a tant de souvenirs qui refont surface au fur et à mesure que j'écris. Je me souviens en particulier d'un vaccin qu'on appelait le TETAB. Encore aujourd'hui, je n'ai pas la moindre idée de l'utilité de ce vaccin. Des rumeurs couraient à l'effet qu'il servait à prévenir les maladies tropicales (?). Dans la file d'attente, ce sont les hommes qui souffraient le plus, non pas de l'injection, mais de la crainte de la recevoir. Par conséquent, ils s'évanouissaient et ce sont des femmes qui les sortaient de la file... Et on dit que les hommes sont du sexe fort!
Par la suite, on m'a affectée au Collège Havergale de Toronto, où j'ai suivi un cours d'administration. J'ai ensuite été mutée à l'école de bombardement et de tir de Mountain View. Je ne savais pas où se trouvait Mountain View mais on m'a vite appris que c'était près de Belleville, en Ontario. Je me rapprochais ainsi de Montréal, ma ville natale.
J'ai ensuite été affectée au dépôt des effectifs de remplacement de Lachine. Le Premier de l'an, on nous a demandé de nous présenter car nous attendions plusieurs prisonniers de guerre et aviateurs qui avaient subi des brûlures au visage et aux mains. Notre travail consistait à émettre des bulletins de déplacement au domicile de ces hommes. Je me souviens de l'un d'entre eux en particulier. Il avait célébré tout au long du trajet de retour et disait vouloir se rendre à «Flin Flon», au Manitoba. J'ai d'abord pensé qu'il voulait blaguer. Je n'avais jamais entendu parler de Flin Flon, encore moins de la façon plutôt «joyeuse» dont il prononçait les mots. Après quelques mots échangés avec le sergent responsable, et à l'aide d'un horaire des trains, le problème a été résolu et l'homme a obtenu son bulletin de déplacement. Depuis ce temps, chaque fois que j'entends le nom de Flin Flon, je pense à cet aviateur et j'espère qu'il s'est rendu chez lui sain et sauf.
Pour mon affectation suivante, on m'a envoyée au détachement de police de Montréal. Là-bas, la majorité des hommes étaient des policiers dans la vie civile. L'une de leurs tâches était de mettre la main au collet des déserteurs et des soldats en absence sans permission. Je me souviens d'une anecdote: je devais dactylographier un rapport préparé par un des hommes et dans lequel une altercation entre deux marins était décrite de façon plutôt colorée. Après avoir pris connaissance du rapport, le capitaine de la gendarmerie militaire a décidé que le document était trop explicite pour que je le dactylographie (quelle galanterie). Je sais qu'une situation semblable ne se reproduirait plus de nos jours, mais je dois admettre qu'à l'époque, j'ai apprécié la délicatesse du capitaine.
Les cellules de détention provisoire se trouvaient au sous-sol et servaient surtout à recevoir les membres du personnel militaire qui avaient un peu trop fêté, en particulier les prisonniers de guerre de retour au pays. On mettait ces derniers en cellule surtout pour assurer leur propre protection, car ils recevaient d'importantes sommes d'argent en compensation du salaire qu'ils n'avaient pas touché pendant leur séjour dans les camps de prisonniers. Bon nombre des « dames » que ces hommes rencontraient au cours de leurs petites fêtes ne demandaient pas mieux que de les débarrasser de tout cet argent. Le capitaine de la gendarmerie militaire a contribué à modifier les règlements de façon à ce que les hommes ne reçoivent qu'une portion de leur argent et que le reste leur soit envoyé à la maison.
Ce ne sont là que quelques-uns de mes souvenirs. Il y a eu des moments tristes et des moments heureux. Une vie entière s'est écoulée depuis et je n'avais jamais ressassé ces souvenirs avant de les coucher sur papier.»
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