Camaraderie
Des héros se racontent
Transcription
Lorsqu’on est loin de chez soi et de sa famille pendant une
longue période, qu’on est la cible constante des bombardements
et que l’on côtoie la mort tous les jours, un ami est parfois
tout ce qui nous reste…
On était comme une petite gang. Une petite gang c’était nous
autres là. On se connaissait tous. On savait ce que l’autre
était capable de faire. On savait ce que l’autre était pas
capable de faire pis c’est de même que ça marchait.
Et puis on était des bons camarades pis on essayait de s’aider
entre nous autres pis... avoir du plaisir, du sourire pis ces
affaires-là. Mais... il y en avaient que... m’a dire, comme
ce gars... qui avaient le moral pas mal bas.
Mais on essayait d’y remonter le moral.
On avait un gars, un petit bonhomme de Terre-Neuve. Et pis il
avait... il était réellement comique. Ce gars-là, s’il avait
été dans la télévision, il aurait gagné sa vie. Il riait là.
Quand on était sur stand to là... tout le monde était
réveillé, c’était ennuyant. Fallait pas faire de bruit,
ni parler, rien... mais lui, il pouvait pas s’empêcher.
Il faisait des farces. Pis des bonnes farces, t’sais pas des
farces sales, rien... Mais il faisait rire. Il avait le tour
de tourner tout en riant, alors un gars comme ça, ça valait
une mine d’or.
On avait le droit à une bière par jour en Corée, qui nous
était donnée, une bière par jour. C’était de la bière japonaise.
Le truck qui amenait les rations là, t’sais ? Il rentre
pis... où c’qu’ils avaient fait un feu, pis y’était pris
là-dedans, t’sais là... dans l’feu ? Les gars criaient «
Sauvez la bière, laissez faire le truck !
Sauvez la bière, laissez faire le truck ! » (rire)
Au diable le truck, sauve la bière !
Ce qu’on faisait, nous... on s’achetait quelques bouteilles de
bière. Les gars qui en prenaient pas, on leur donnait une
piastre. On avait de l’argent... ce qu’ils appellent de
l’argent militaire, de l’argent script. On donnait une
piastre pour une grosse bouteille de bière. Pis quand on en
avait deux, trois… qu’on commençait à être trop pif… là on
disait « À soir, je ferai pas la garde. Fais ma garde pis je
vais te remplacer. Le prochain coup ce sera à ton tour. » On
avait un petit jeu qui se faisait entre nous autres comme ça
pour se donner une nuit de sommeil de temps en temps avec un
peu de loisir dans un des dugouts.
Ou on jouait aux cartes. Ah! Sainte-Anne, on jouait aux cartes !
Là c’était vrai. On jouait aux cartes. Y’a rien que ça
qu’on pouvait faire pour se désennuyer entre nous autres.
Le jour de Noël, on cessait toute activité. On écoutait des
airs de Noël à la radio sans fil et sur nos systèmes.
On pouvait entendre de la musique de Noël sur la ligne de front,
de sorte qu’on aurait dit que tout était calme.
Je me souviens d’un moment en particulier,
où la lune était éclatante…
J’me rappelle qu’à minuit le jour de Noël, il faisait aussi
clair qu’ici... parce que y’avaient envoyé des avions avec des
flares. T’sais des flares avec des parachutes là ? Pis ça,
ça brûle à peu près 10 minutes. Y’ont envoyé ça en série
au-dessus des positions. Après ça, y’avaient commencé à tirer
des bombes phosphores de différentes couleurs,
bleues, rouges, jaunes...
Le fait que ce soit Noël, on se sentait bien. Au moins, on ne
se battait pas. Au moins, on avait la paix ce jour-là.
On allait en congé au Japon. Ils appelaient ça R and R :
Rest and Recuperation.
Là au Japon, mon homme, on courait les femmes, hospice, pis on
prenait un coup, pis on avait du fun, O.K. là ?
On avait de l’argent d’abord, on n’avait pas dépensé.
C’est de même que ça marchait !
On a joué au hockey contre les Australiens. Je pense qu’on
les a battu 100 à 0, ils savaient pas patiner !
Les Canadiens en jouant du hockey prenaient un gars par le bras
là, pis ils jouaient avec là t’sais ? Quand c’était le temps de
changer les buts, on allait chercher le gardien de l’autre
équipe, pis on l’amenait... On a eu du fun!
Le meilleur ami que t’as dans l’armée, c’est le gars qui est à
côté de toi. Parce que lui peut te sauver...
Pis quand même ça serait le gars que t’haïrais le plus,
sur une ligne de feu ou sur un front tu le respectes.
Parce que lui il peut te sauver la vie.
À ce moment précis, ils sont tes meilleurs amis. La famille,
les autres… ça compte pas. Ils sont tes meilleurs amis.
Ils sont là pour toi et toi pour eux.
Notre devoir principal, tel que nous le comprenions, était
envers nos compagnons d’armes. J’y crois encore aujourd’hui.
Les hommes à tes côtés sont tes frères.
C’était une famille. Si un avait une affaire... « Aye quecé
qu’t’as ? J’peux t’aider ? » J’vous dis que la camaraderie
y’en avait. Ça, y’avait pas de problème avec ça. Pis même
si il y en a un qui partait, ça nous faisait d’la peine.
Ça nous faisait beaucoup de peine.
Quand on perd des amis sur la ligne de front et qu’on les
enterre à l’étranger, ça fait de la peine.
Voir quelqu’un se faire tuer, c’est pas facile. Quand on
entend quelqu’un hurler, on sait qu’ils ont mal.
Quand il s’est fait tirer, c’était juste un poinçon...(sanglots)
C’est difficile de perdre un camarade, un bon camarade.
À ce jour, j’ai plus de sentiments pour mes camarades que pour
ma propre famille. Ces types-là sont davantage mes frères que
mes frères biologiques. Je ne sais pas si vous pouvez
comprendre, mais c’est comme ça.
Description
Catégories
- Médium :
- Vidéo
- Propriétaire :
- Anciens Combattants Canada
- Durée :
- 6:10
- Personne interviewée :
- Coree Coree
- Guerre ou mission :
- Guerre de Corée
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- Date de modification :