DE MARRAINE À ÉPOUSE ?
Avant qu'la guerre se déclare, pendant la crise, moi, j'gardais
un p'tit garçon, du Docteur, justement, là. J'allais l'prom'ner sur la terrasse.
J'allais l'prom'ner sur la terrasse. Et puis, y avait toujours un
monsieur, là, y avait l'air à s'ennuyer, pis, des fois, avec le p'tit,
ben y jouait, pis y jasait, pis... Quand la guerre s'est déclarée, lui,
y s'est en allé. Y est parti avec la première draft du 22ième. Puis, y avait
pas d'famille, pis y m'avait d'mandé, y dit : « Viendrais-tu ? On part à soir... »
Pis y dit : « J'aim'rais ça avoir quelqu'un... »
M'a y aller... J'suis descendue, pis y chantait « J'attendrai... »,
les soldats chantaient ça. Pis, là, rendu en Angleterre, ben y m'avait écrit,
pis j'ai répondu, pis j'ai récrit... Cinq ans d'temps,
comme ça, qu'on s'est écrits... Donner des nouvelles
du Québec, pis lui, y m'en donnait pas beaucoup de par là
parc'qu'y avait pas l'droit. Eux autres, y ont fait la campagne d'Italie
la libération d'Italie. Pis quand y est r'venu, moi j'tais à
Montréal, j'tais encore dans l'armée, pis quand y m'a d'mandé
de v'nir le rencontrer, pis j'suis v'nue l'rencontrer, y dit :
« J'cré ben qu'ça va faire, là... On va s'marier. » Whoa minute, là !
Moi, j'avais changé. J'avais pas pensé à ça pantoute.
Pis... j'avais mon mari, qu'j'avais recontré parc'que lui, y travaillait à Montréal,
à la même place que moi, pis sa famille était à Québec, mais la mienne aussi,
pis moi, ben, j'savais pas, des fois, on avait des congés ensemble,
pis on l'savait pas... Moi j'savais pas. Pis une fois, toujours, j'descend...
lui était à Québec, moi j'descend à Québec, puis... Là, quand j'rembarque
dans l'train, y était assis. Y dit : « Viens t'asseoir avec moi,
j'suis tout seul... » Y dit : « On va jaser... »
On a commencé à jaser comme ça, puis, rendus à Montréal
on a débarqué à la gare Windsor, pis on a marché à pied sur
Sainte-Catherine jusqu'à Pie-IX, tout en jasant, en parlant d'sa famille,
en parlant d'la mienne. On parlait de nous autres, quoi.
On s'connaissait pas. Pis rendus à Pie-IX,
ben là, on était fatigués. Fallait rentrer au camp avant
dix heures parc'que c'tait le lights-out à dix heures. Fait que, y a dit :
« On va prendre un taxi... » Mais lui, y avait juste un vingt dollars pour payer.
Fait qu'j'ai dit : « Laisse faire, j'vais payer, pis... » Ça coûtait cinq piasses.
Fait que j'avais payé, pis l'lend'main, y avait exigé de m'rencontrer
pour me remettre mon cinq piasses. Fait que, moi je... fallait que j'aille
chez une de mes tantes. J'avais deux tantes à Montréal. Fait qu'j'dis :
« J'm'en vais chez ma tante. Veux-tu v'nir ? » Y dit : « Oui, j'vais y aller... »
On a été voir ma tante [rires], pis c'est d'même qu'ça commencé.