LE LAPIN PRIS AU PIÈGE (partie 2)
J'ai passé une couple de jours en prison d'Amsterdam, avant qu'ils nous
envoient dans un camp à (inaudible) Luft, qui était le camp tout près de
Francfort, qui, où on nous questionnait, où on essayait de nous
sortir les vers du nez, où on essayait de savoir d'où
on venait puis tout ça, puis qu'est-ce qui... C'était… Il n'y avait
pas de brutalité. Simplement, on était dans une petite chambre de 4 par 8
avec un lit pas de matelas. Et puis là, c'est là que... Qu'est-ce qui
va m'arriver? Qu'est-ce qu'ils vont faire avec moi? Tu sais.
À un moment donné, on vous appelle, on va devant le commandant, qui
d'une façon très autoritaire, nous demande d'où on vient
qu'est-ce qu'on a fait. Rank, name and number, point. Alors on retourne
encore au bout d'une journée. Ils nous passent une soupe
par le trou, un trou dans le bas de la porte, comme
dans les prisons. On est contents de prendre de la soupe, mais la soupe
est salée. Alors là, vous avez soif!.On vous rappelle. Là, je me
rappelle encore, le type qui m'a reçu à ce moment-là, ce n'était pas le
même bureau, un autre bureau. Il était en redingote, avec le collet
puis toute l'affaire. Seigneur! Quelle cérémonie! Tu sais.
I'm from the Red Cross. Moi, je n'ai pas cru un mot, puis j'avais raison.
It was just… C'était juste pour essayer de nous faire parler.
J'ai passé deux jours là, trois jours, je pense. La troisième journée
le commandant m'appelle, c'est-à-dire qu'on vient me chercher pour passer
devant le commandant encore. Là, ça, ça a été...
gIl dit : You're from 425 squadron, from Dishforth.»
Je ne dis pas un mot. Il savait tout. Il savait tout. Il avait eu les
renseignements possibles. Puis là, bien on nous embarque pour aller dans un camp
camp de concentration pour vrai, un Stalag Luft, pour vrai, tu sais.
Mais il y a un élément qui était très démoralisant, c'est qu'à
partir d'Amsterdam pour Dulag Luft, c'est un bon trajet,
puis on était en train... Alors on était à peu près 6-8 prisonniers avec des gardes
puis à chaque fois que le train arrêtait, ils nous sortaient sur le quai et là
ils disaient aux gens : Luft gangsters. Là, une chance qu'ils étaient là
parce qu'il y en a qui nous auraient fait un mauvais sort, mais non.
On n'a jamais été brutalisés ou... Mais ce qu'il y a de pire,
c'est de ne pas savoir ce qui va arriver.
Tu sais, on ne sait pas du tout, du tout qu'est-ce qui va
nous arriver. Tu sais, tu es là entre... Puis à part ça, tout te
passe à travers l'esprit, là, ce qu'on t'a dit sur l'Allemagne
les nazis puis tout ce que tu veux, tu te dis :
Bien là, veux, veux pas, je suis dedans.
Là, bien on arrive dans le camp de prisonniers. Moi, je suis allé
à Stalag Luft 3, qui est le camp où ils creusaient des tunnels.
Mais je n'ai jamais participé à ça, parce qu'il y avait une
certaine méfiance sur les francophones qui arrivaient dans les
camps de concentration. Méfiance pas parce qu'on était francophones
mais les Allemands plantaient de leurs espions dans les camps pour savoir
ce qui se passait et tout ça, et parmi ça, il y avait supposément
des prisonniers français qui travaillaient en Allemagne. Et alors
je me rappelle, les premiers 15 jours que j'ai passés à Stalag Luft 3,
c'était très froid. Pas grand monde me parlait puis j'avais beau dire :
Écoutez, 19825, je viens de 425, je viens de l'aviation, on s'est fait descendre
en revenant d'Essen. Les gens me croyaient plus ou moins, jusqu'au moment
où une dizaine de jours après est arrivée une autre batch de prisonniers.
Ah! Bonjour! Comment ça va? On se connaissait.
On venait peut-être pas de la même escadrille, mais du même groupe.
Alors là, ça s'est clarifié. Oui, c'est vrai, il est correct.
Mais j'en ai passé 27 mois. Vingt-sept mois dans les
camps de prisonniers. Quatre camps de prisonniers différents.