La peur
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Sujets – en ordre d’intervention
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Transcription de la vidéo
La peur. On a toujours peur. On a toujours peur, mais on vient qu’on s’habitue.
On en a eu de la peur tous les jours, je pense, qu’on avait peur.
J'ai eu peur, à plusieurs fois, entre reprise, mais c'tait pas des peurs comme des inquiétudes, plus que d'autre chose.
Je crois pas qu’on pourrait appliquer le mot peur parce que t’es tellement pris, t’es tellement pris par le, le mouvement, puis tout ce qui se passe, t’as pas le temps de dire « j’ai peur ».
On avait toujours peur, peur de se faire tirer dessus, peur que ça nous tombe sur la tête, peur de ces mines-là, peur de ces pièges-là, puis peur de rencontrer des collaborateurs qui auraient pu avertir les Allemands où nous étions et qu’est-ce que nous faisions.
Nous autres, la guerre, c’est comme on dit, même si on est bien armés puis tout, mais quand il y a des francs tireurs de cachés dans les village, là, ça, ça, c’est ce qui est la terreur des troupes. Parce que cinq, six francs tireurs dans une entrée d’un village quelconque ou d’un, d’une route, ils peuvent vous tenir à terre, c’est, c’est, c’est… le plus grand danger, ce sont les francs tireurs. Puis les Allemands, c’était leur spécialité.
C'qu'on avait l'plus peur, on avait peur des SS troups qui parachutaient en arrière de nos lignes. Vous dire qu'avoir peur, là… on avait peur. Les gens qui vont à la guerre, qui ont pas peur, j'en connais pas. Nous, on en riait, vous savez, mais on s'disait toujours… On avait peur de sortir d'une hutte pour aller dans une autr' hutte, pis quand y avait des [inaudible], pis, évidemment, les alliés passaient au-d'ssus d'nous pour aller attaquer, pis les autres passaient aussi… Mais, les avions nous faisaient très, très peur et puis on avait peur même… les déplacements dans l'hôpital, dans nos huttes, où nous étions, on aimait pas ça non plus. On s'déplaçait pas facilement. Pis toujours à la noirceur, hein ? On a pas d'lumière… On vit dans l'black-out tout l'temps. Ça, c'est pas facile.
On savait jamais quand le dernier moment arriverait et ensuite, on voyait des copains, des collègues qui tombaient ou qui étaient blessés, qu’il fallait transporter à, à l’hôpital en arrière des forces puis ensuite, il y en a qui mourraient là.
Interviewer - Comment on faisait pour s’habituer à ce genre d’événement ?
On s’habitue pas. On ne s’habitue pas. On l’endure, et on se dit : « espérons que ce sera pas mon tour », c’est tout.
La peur de mourir existait, j’avais une femme, j’avais un enfant. La peur de revenir handicapé existait. Heureusement je n’ai pas été blessé.
Du 18 de juillet jusqu'au 8 d'août, quand même-t-y j'te dirais comment peur que j'avais, j'pourrais pas te l'expliquer… C'est inexplicable. Pis après qu'j'm'ai fait blesser, j'ai r'tourné, là, y avait que'que chose qui m'disait que j'me f'rais jamais tuer. J'ai jamais pensé de m'faire tuer après ça… Jamais. J'avais peur de rien…
J’ai jamais eu peur, vraiment de mourir. J’avais une phobie, comme soldat; j’avais peur d’être fait prisonnier. J’aurais, jamais… j’serais mort j’pense…
Tout soldat qui avait fait le champ de bataille, il avait pas peur. Si la bataille était ben dure, forte, ben dure, plus que la bataille était dure, moins peur qu’il avait. Il avait moins peur quand la bataille, parce qu’il avait pas le temps d’avoir peur. Mais si, si la bataille venait moins dure, là, là tu pensais, là tu savais pas quoi c’est qui allait arriver.
Quand la bombe a tombé… ça se fait assez vite. C'est pas la pire peur qu'il y a, ça. Il y a pas, tu sais… ce qu'il est arrivé, puis c'est fini. But c'est la peur d'avoir peur…
Un moment donné, il y en a un qui craque à côté de toi. Les nerfs, les nerfs n’y sont plus. Ça prend des bons nerfs. Moi j’ai vu un de nos commandants de compagnie, un nommé François de Salle Robert, un vrai bœuf, un moment donné il a craqué, il n’était plus capable. Tu sais… tu vois… c'est des gars de même, pas blessés ni rien, juste les nerfs sont finis, plus capables.
J'me rappelle un matin, moi, y avait un officier d'Edmundston et puis, son runner, c'était un gars d'Edmundston aussi, un gros homme, à peu près la grosseur à lui, là, et puis c't'homme-là, y braillait comme un enfant pour pas aller dans l'attaque, pis tu pouvais pas r'fuser, hein ? Ça fait qu'j'ai dit : « J'irai, moi… J'irai runner, à sa place… » Mais, y avait pas besoin d'faire ça, l'officier connaissait l'gars, pis c'tait un bon gars, pis tout' ça, mais y était épeuré à mort. Fait qu'c'est moi qui a été runner pour lui c'te journée-là…
Comme ceux qui embarquent dans les avions, pis ils savent, « à soir, ouff, j’ai une grosse chance de pas revenir… », pis il le fait pareil ! Ça, ça prend du guts ! Il a pas été se cacher, là. Il le sait. Pis il y va pareil… ça c’est épeurant.
Comme moi là, que, rendu en Hollande, des fois j’aurais aimé ça d’être blessé, aujourd’hui j’y pense pas, je suis chanceux d’être encore comme que je suis, marcher, et pis… Mais j’aurais aimé ça être blessé pour sortir de l’enfer où on était. Pis les nerfs étaient au bout.
Quelqu’un qui a pas peur, là… il ment… il est pas sain d’esprit. Non mais parce que, dans la vie, la peur, quand il y a des explosions tout le tour, tsé, ça tombe, pis, des fois t’as des réactions, on dirait que le cœur arrête de te battre. Mais, on pense jamais que ça va nous toucher. Mais… tsé… ah, c’est pas facile, pas facile.
Le huit mai, la guerre était finie, on étaient inquiets. Puis même, après le huit mai, on était inquiets en Allemagne parce qu’on se demandait pendant une bonne semaine, un bon dix jours en Allemagne, on se demandait comment les Allemands sur les fermes, sur les routes allaient prendre ça. Est-ce qu’ils allaient être sympathiques ou est-ce qu’ils allaient nous tirer dans le dos ou est-ce qu’ils allaient mettre des pièges pour quand on… ou des mines sur la route. Alors, au bout d’une dizaine de jours, on s’est aperçus que non, ils avaient accepté la, leur défaite, leur capitulation totale.
Les derniers mois, quand on sait que les Allemands reculent, reculent. Là, la peur c’est de pas se rendre au bout. Les derniers mois, c’est comme un stress pire que quand on est arrivé, parce que là, on a des amis qu’on a perdus, on a des amis qui ont remplacé, puis moi, comme, depuis le temps que je suis là, j’en ai vu partir, puis j’en ai… Puis là je me dis quand est-ce, je va tu me rendre au bout ?
Celui qui a pas eu peur là, qu’il vienne me le dire. J’en connais pas, j’en connais pas. Même les plus fendants, les plus, ceux qui disaient qu’ils étaient les plus braves. Tout le monde a eu peur. Personne veut mourir, tsé, t’es pas intéressé à mourir, même, à part que si t’es ben, ben malade, pis que… non, non, tu veux vivre.
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