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Roméo Dallaire

« On ne peut pas gagner la guerre. On peut seulement obtenir des trêves. »

Saint-Roch-des-Aulnaies (Québec)

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Le lieutenant-général Roméo Dallaire vêtu d’une chemise bleue, d’un pantalon marine et d’une cravate porte un sac d’aliments pour poulets alors que trois poulets roux le suivent.

S'est enrôlé

1963

Affectations

  • Diplômé du Collège militaire royal, 1969
  • Commandant, 5e Régiment d'Artillerie Légère du Canada
  • Commandant, 5e Groupe-brigade mécanisé du Canada
  • Commandant, Collège militaire royal de Saint-Jean (1990-1993)
  • Commandant adjoint, Commandement de la Force terrestre et commandant, 1re Division du Canada, 1995

Expérience opérationnelle

  • Commandant de la Force, la Mission d’observation des Nations Unies Ouganda-Rwanda (MONUOR) et la Mission des Nations Unies pour l'assistance au Rwanda (MINUAR) – 1993-94

M. Dallaire a écrit quatre livres primés :

2003
J’ai serré la main du diable : la faillite de l’humanité au Rwanda
(qui a reçu le Prix littéraire du Gouverneur général dans la catégorie « études et essais » en 2004 et qui a servi de base à un long métrage sorti en 2007)

2011
Ils se battent comme des soldats, ils meurent comme des enfants : Pour en finir avec le recours aux enfants soldats

2016
Premières lueurs : mon combat contre le trouble de stress post-traumatique

2024
La paix : le parcours d’un guerrier

Marie-Claude Michaud est l’auteure de livre :
Être leader sans armure : Le pouvoir de la vulnérabilité dans la gestion.

Une journée avec M. Dallaire

Des champs de maïs entoure une ferme rurale restaurée au Québec, nichée entre les chaînes de montagnes des Appalaches et des Laurentides.

Par une fin de journée d’été, le lieutenant-général Roméo Dallaire, figure emblématique de l’aide humanitaire internationale, nourrit ses poulets dans sa cour arrière.

« Oui, oui, oui », dit M. Dallaire, alors qu’il disperse des vers de farine pour les trois poulets roux qui le suivent, comme de bons soldats, aux talons de ses chaussures bien cirées.

Cette propriété pastorale, située à quelques heures de la ville de Québec, est l’endroit où le général Dallaire, aujourd’hui âgé de 78 ans, passe ses journées à préparer des notes pour des discours publics, à écrire des livres et à rêver de façons de trouver une paix mondiale durable.

Lui et son épouse, Marie-Claude Michaud, ont rénové une ancienne ferme et, dit-il, ont signé un « contrat de 25 ans ».

Ce contenu aborde des sujets douloureux portant sur les horreurs de la guerre. Certains lecteurs pourraient être personnellement affectés par ce contenu. Si c’est votre cas, de l’aide est disponible.

Si vous êtes un vétéran ou une vétérane, un membre de la famille ou un aidant, le soutien d’un professionnel de la santé mentale est disponible gratuitement 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Composez le 1-800-268-7708.

La mission des Nations Unies au Rwanda

Cela fait trois décennies que M. Dallaire a été témoin du plus grand génocide depuis l’Holocauste, à titre de commandant de la Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda, la MINUAR. Au cours des trois mois sanglants de 1993, plus de 800 000 Rwandais ont été tués.

« Je les ai avertis que cette affaire allait exploser et créer des tueries massives », a déclaré M. Dallaire, ajoutant qu’il avait demandé à l’ONU un soutien logistique et 2 000 soldats de plus.

Un portrait de Roméo Dallaire, vêtu de noir, les mains jointes en prière devant lui, est accroché à l’étage de sa maison. En dessous se trouvent des souvenirs militaires, une épée de cérémonie et des douilles en laiton.

Un portrait de Roméo Dallaire est accroché à l’étage de sa maison au-dessus d’une collection de souvenirs militaires.

Ses demandes ont été rejetées et il a défié les ordres de retirer ses troupes. M. Dallaire est revenu au Canada brisé par ce dont il a été témoin. « Il n’y a pas eu de défilé de la victoire », dit-il.

« Lorsque vous perdez des troupes et que vous voyez ses membres blessés pour la vie, vous avez un sentiment de culpabilité d’avoir survécu, alors que les autres sont morts, de l’échec de la mission et du fait de vivre avec les répercussions de tout cela. Toutes ces choses sont réelles. Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que la société comprenne ce que vous avez vécu. »

« Je faisais peur à ma famille, j’étais de mauvaise humeur, je ne parlais pas beaucoup et j’étais difficile à vivre. Le gars qui est revenu du Rwanda n’était pas celui qui était parti – j’étais une personne différente. »

De nombreux Canadiens connaissent des parties de l’histoire du service militaire de M. Dallaire. Il s’est joint aux Forces armées canadiennes en 1963, à l’âge de 17 ans, parce qu’il voulait aider les Canadiens à se sentir en sécurité. La veille de son départ pour le collège militaire, son père, un soldat de carrière qui avait aussi subi les effets durables de la guerre, lui a exprimé sa fierté.

Il m’a dit : « Tu te mets au service des autres. Ne t’attends pas à ce qu’ils te disent merci. Ne sers pas parce que tu veux qu’ils te remercient. Sers parce que tu veux le faire », et cela a été le fondement de toute ma carrière », a-t-il déclaré.

Au cours de sa carrière, il a commandé le 5e Régiment d’artillerie légère du Canada, où il a été promu au grade de brigadier-général. Il a ensuite commandé le 5e Groupe-brigade mécanisé du Canada. Il a été commandant du Collège militaire royal de Saint-Jean de 1990 à 1993, année où il a été nommé commandant de la Force de maintien de la paix des Nations Unies au Rwanda.

Au moment où M. Dallaire a reçu la mission qui a changé sa vie, il ne savait même pas où se situait le Rwanda sur une carte. Le pays d’Afrique de l’Est enclavé était en guerre civile depuis trois ans, et l’ONU était envoyée pour aider à la mise en œuvre des accords d’Arusha.

Mais lorsqu’un avion chargé de munitions et d’armes pour l’armée hutue a atterri dans la capitale de Kigali, et que les troupes du gouvernement rwandais ont commencé à vérifier les cartes d’identité pour séparer les Hutus et les Tutsis, M. Dallaire s’est vite rendu compte que de gros problèmes se préparaient.

« On voyait des gens avec des listes en main se rendre dans différentes maisons pour tuer des Tutsis. Ils étaient en train d’éliminer toutes les familles. L’ONU n’était pas intéressée par la situation. Elle ne croyait pas qu’il s’agissait d’un génocide », a-t-il dit. La décision des Nations Unies de ne pas envoyer de soutien l’a hanté – et il s’est insurgé contre cette décision et n’a jamais arrêté de la critiquer depuis.

Diagnostic d’état de stress post-traumatique

De retour au Canada en 1994, M. Dallaire était anéanti par le désespoir. Au début, il a réussi à s’en sortir en se lançant dans le travail, de septembre 1994 à octobre 1995, en tant que commandant adjoint du Commandement de la Force terrestre et commandant de la 1re Division du Canada.

« L’une des façons honorables de se suicider était de travailler jusqu’à la mort, et c’est ce que j’essayais de faire », a-t-il expliqué. Pendant qu’il se tenait occupé, les horreurs dont il a été témoin en Afrique, comme « des membres humains empilés comme des cordes de bois », ne cessaient de lui revenir à l’esprit.

Les symptômes du trouble de stress post-traumatique (TSPT) peuvent se manifester soudainement, et transformer des rituels plaisants en pensées et souvenirs envahissants. M. Dallaire a dit que l’odeur d’un barbecue en été lui a fait penser instantanément à des piles de corps qui brûlaient au Rwanda. « J’étais littéralement paralysé sur place. C’était encore pire la nuit », a-t-il expliqué.

« Je ne pouvais jamais aller au lit. Je ne supportais pas le silence. Toutes ces choses ne disparaissent pas, on peut simplement les gérer, les réaligner, les contrôler et les ajuster. » Il a été libéré de l’armée canadienne pour raisons médicales en 2000 en raison de l’ESPT.

M. Dallaire parle ouvertement de ses tentatives de suicide et des années de thérapie qui lui ont permis de se rétablir et d’accepter ses blessures. Il encourage les vétérans et vétéranes à traiter ce type de blessure psychologique avec le même sentiment d’urgence qu’une blessure physique.

Au cours des années qui ont suivi, il a consacré sa vie à la défense de plusieurs causes importantes, principalement la santé mentale des vétérans. En tant que sénateur du Québec de 2005 à 2014, M. Dallaire a contribué à la réforme de l’aide fournie à la nouvelle génération de vétérans touchés par le TSPT au moyen d’une mise à jour de la Charte des anciens combattants.

« Nous devons être en mesure de prendre soin de l’esprit aussi rapidement que nous prenons soin du corps. L’esprit continue de se gangrener et de s’envenimer, ça devient un cancer, s’aggrave et, au bout du compte, peut être fatal », a-t-il dit.

Éradiquer l’utilisation des enfants soldats

Une autre cause qui lui tient à cœur est de mettre fin au recrutement et à l’utilisation d’enfants soldats dans le monde entier. Par l’entremise de l’Institut Dallaire pour les enfants, la paix et la sécurité de l’Université Dalhousie à Halifax, en Nouvelle-Écosse, il s’efforce d’atteindre cet objectif.

Une partie de la blessure morale qu’il a subie a été de faire face à des enfants rwandais armés au combat. Regarder dans les yeux d’un enfant et voir la peur – un enfant entraîné à vous tuer – est quelque chose qu’il ne pourrait jamais oublier.

« C’était beaucoup plus profond que le TSPT. C’était une blessure morale. C’était quelque chose qui allait fondamentalement à l’encontre de tout ce que vous êtes. C’était la prise de conscience que la thérapie et le médicament n’étaient pas assez forts dans mon espace spirituel et moral pour atténuer la douleur, la réalité, pour pouvoir regarder mes propres enfants », explique-t-il.

L’Institut Dallaire mène des recherches et collabore avec les gouvernements pour offrir de la formation militaire et policière sur la prévention du recrutement et de l’utilisation d’enfants dans les conflits. Il offre également de la formation sur la façon de désarmer les enfants soldats.

Roméo Dallaire signe un exemplaire de son livre J’ai serré la main du diable : la faillite de l’humanité au Rwanda. Il est assis à une table et porte une chemise bleu pâle et une cravate de couleur marine.

Le lieutenant-général (à la retraite) Roméo Dallaire signe un exemplaire de son livre intitulé J’ai serré la main du diable : la faillite de l’humanité au Rwanda.

Trouver la paix dans l’amour

Une partie de l’histoire d’amour entre M. Dallaire et Mme Michaud est leur amour de l’écriture (il a écrit quatre livres primés, elle en a publié un premier en 2021) et leurs expériences communes avec les retombées du service militaire sur les vétérans et leurs familles.

Dans l’espace ouvert de leur maison, ils passent leurs journées de travail à de grands bureaux qui se font face afin de pouvoir échanger des idées. Des murs de livres entourent le couple. Sur leur terrasse, une affiche indique « Amour ». M. Dallaire jure que c’est ce qui lui a sauvé la vie.

Son amour pour sa femme et son amour qu’il exprime maintenant beaucoup plus librement à ses trois enfants adultes : Willem, Catherine et Guy, ont aidé à guérir son cœur. « Rien n’est plus fort que de se coucher le soir à côté de la personne que vous aimez et de sentir cet amour en retour. Il n’y a rien de tel », a-t-il dit.

Dallaire et son épouse, Marie-Claude Michaud, s'embrassent dans la cuisine de leur maison. Le mot HOME est inscrit sur un panneau décoratif suspendue au-dessus de l'évier.

M. Dallaire dit que son épouse, Marie-Claude Michaud, et lui ont trouvé un amour et une compréhension profonds l’un envers l’autre.

M. Dallaire et Mme Michaud se sont immédiatement compris. Mme Michaud, anciennement directrice générale du Centre de ressources pour les familles des militaires de Valcartier, un organisme qui offre des services aux familles des militaires partout dans le monde, a vu de ses propres yeux les répercussions des blessures psychologiques sur les vétérans et leurs familles. « J’envoyais des soldats au front; et elle les ramassait à leur retour », explique M. Dallaire.

Ils partagent une philosophie selon laquelle, pour démanteler les environnements militaires patriarcaux, hiérarchiques et à prédominance masculine, plus de femmes doivent occuper des postes de direction.

« Toutes nos institutions ont été construites par des hommes et sont égocentriques, à prédominance masculine, machos, misogynes, dominés par le pouvoir. Cela ne peut pas aboutir à une paix durable, mais lorsque des femmes et des hommes sont intégrés, sont réformés, vivent une révolution et que l’humanité est un monde d’égal à égal, nous pouvons y aspirer », a déclaré M. Dallaire.

Il a trouvé la paix dans sa propre vie grâce à beaucoup de thérapie, de médicaments et de relations saines. Sa tranquillité d’esprit s’est également améliorée depuis qu’il a décidé de quitter un condo en ville pour vivre à la campagne, où sa plus grande menace quotidienne est le renard rusé qui veut attaquer son poulailler.

« On voit les animaux, on voit les arbres, on sent les saisons, on sent qu’on peut respirer. Il y a une sécurité dans le rythme de la planète, de la nature, de la vie en milieu rural », dit-il. Et puis il y a ses trains jouets.

Dans le cadre de son rétablissement, son thérapeute lui a recommandé de trouver un passe-temps, quelque chose qu’il aimait quand il était enfant. Son visage s’illumine lorsqu’il montre son train modèle détaillé qui remplit toute une pièce de sa maison avec plus de 20 moteurs, des sons authentiques, des lumières et des rails.

Le lieutenant-général (à la retraite) Roméo Dallaire se tient à côté d’un grand train modèle. Il porte un pantalon de couleur marine, une chemise bleu pâle et une cravate marine.

Le lieutenant-général (à la retraite) Roméo Dallaire a suivi les conseils de son thérapeute pour trouver un passe-temps et il trouve maintenant du réconfort dans ses ensembles de modèles de train complexes.

Trouver des solutions pacifiques aux conflits mondiaux

M. Dallaire passe beaucoup de temps à réfléchir au rôle des militaires dans les conflits modernes, ainsi qu’à écrire et prendre la parole à ce sujet. Les nations implosent dans les guerres civiles parce que les citoyens qui n’ont pas l’impression d’être traités équitablement se tournent vers le brigandage, la rébellion et de révolution.

« Dans ces situations, il n’y a plus de guerre au sens classique des grandes armées face aux grandes armées », a-t-il dit.

« Ce que vous avez, ce sont des gens mêlés à la population qui se battent les uns contre les autres pour le pouvoir. Nous finissons donc par nous retrouver dans des situations très complexes et très ambiguës qui ont explosé et se sont transformées en atrocités de masse, en guerre civile et même en génocide. »

« Le recours à la force n’est pas la solution à ces problèmes complexes », a-t-il dit. Les forces armées modernes doivent écouter, comprendre, fournir de l’information, travailler avec les organisations non gouvernementales pour aider à résoudre les conflits et établir un climat de sécurité. « C’est l’essence de l’avenir. Pas de pouvoir, pas de gros canons », a-t-il dit. « On ne peut pas gagner la guerre. On peut seulement obtenir des trêves. »

Le général Dallaire a été nommé, avec l’évêque Desmond Tutu, au Comité consultatif sur la prévention du génocide du secrétaire général des Nations Unies au printemps 2006. Il est membre de l’Institut d’études sur le génocide de Montréal, à l’Université Concordia. Il est officier de l’Ordre du Canada depuis 2002, récipiendaire de la Médaille Pearson pour la paix de 2005 et grand officier de l’Ordre de Québec depuis 2006. Il est titulaire de doctorats honorifiques et de bourses de recherche de près de trois douzaines d’universités au Canada et aux États-Unis.

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Roméo Dallaire

Avec courage, intégrité et loyauté, le lieutenant-général Roméo Dallaire laisse sa marque. Il est l’un des vétérans de nos Forces armées canadiennes. Découvrez d’autres histoires.

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