CARNET DE MISSIONS
Les premières opérations, c'était des mine laying. On allait, on volait,
on traversait la Manche puis on allait porter des mines le long du (inaudible),
là, près des îles frisiennes (frisonnes). Et puis on allait porter
des mines, des mines là. Alors là, c'était les opérations.
Et ça comptait pas beaucoup, ça comptait pas pour des opérations.
C'est ça que, vous mettiez ça dans votre log book, mais dans vos 30 opérations
presque obligatoires avant de retourner en congé, là, ça comptait pas.
Mais je dirais que c'était aussi dangereux que d'aller,
comme je suis allé après au-dessus d'Essen et ailleurs, parce que fallait
voler à 250 pieds. Parce que si vous laissez tomber votre mine plus haut que ça,
c'est possible qu'elle éclate. Alors fallait, fallait descendre tranquillement,
un endroit bien précis. Votre navigateur vous indiquait
l'endroit exact où la laisser tomber. À l'exception qu'un moment donné,
je l'entends dire : Votre navigateur qui, pas le navigateur,
le wireless operator, qui surveillait sur le hublot du haut :
"Skipper, there's a balloon." Les Allemands avaient des plate-formes où
ils mettaient des ballons qu'ils envoyaient en l'air avec des fils.
Et les Wellington étaient équipés avec des wire cutters. Sur le long des ailes,
tu avais des petites incisives, incisions où il y avait, aussitôt qu'il arrivait
quelque chose là, ça coupait. Mais écoutez, là, j'ai jamais expérimenté ça.
J'aime autant pas l'avoir expérimenté. Je suis pas sûr que ça aurait coupé assez vite
avant que l'aile se brise ou quelque chose comme ça. Alors on a commencé comme ça.
Par la suite, bien on est allé, moi je suis allé au-dessus d'Essen, je suis allé
au-dessus de l'orient, Saint-Nazaire, Duisberg puis d'autres îles.
MISSION PÉRILLEUSE
Disons qu'on part de Dishforth pour aller bombarder Thuringe, euh,
si vous regardez sur la carte, c'est loin. Et les Wellington
sont pas des avions de long range. Et aussi, il fallait passer au-dessus de la France
qui était occupée, donc il fallait passer en rase-mottes pour pas
qu'on soit détecté trop, trop. Et il y avait moins de chances
de se faire descendre aussi. Alors il fallait passer par-dessus les arbres
ce qu'on a fait. Et puis descendre pour bombarder Thuringe. Mais la distance
était tellement longue qu'il fallait mettre beaucoup plus de pétrole que normal.
Donc on avait des réservoirs auxiliaires. Et ça diminuait la quantité de bombes.
C'était réellement un raid de propagande. Tu sais, écoute, si vous êtes
capables de venir à Londres. Nous autres, on est capables d'aller à Thuringe.
Alors en revenant, ça a été la même chose. Et aussi, il y a une question de météo.
Il y a une question de vents, une question de courants d'air. Et on avait suffisamment de pétrole
pour arriver en Angleterre, à ce qu'ils appellent le land's end, juste au,
à la pointe extrême de l'Angleterre. Et je me rappelle que là, j'ai eu, comme on dit,
la peur parce que je voyais mes indicateurs de pétrole qui descendaient et puis que je disais :
Bien il reste encore quelque temps. On était au-dessus de l'eau, parce qu'on
passait à l'ouest de la France. Alors on est venu à bout d'atterrir et sur un
aéroport au bout de l'Angleterre, je pense que c'était le dernier aéroport avant
d'arriver dans l'eau. Et je me rappelle encore que je me suis demandé :
Est-ce qu'on avait assez de pétrole pour faire la longueur de la piste?
On était réellement à sec.