Le Canada se souvient - Édition 2015 - Page 1
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Attaque au gaz
Cette année marque le 100e anniversaire de la deuxième bataille d’Ypres, en Belgique, pendant la Première Guerre mondiale. Le 22 avril 1915, sur les périlleuses lignes de front qui essuyaient les tirs de mitrailleuse et d’artillerie, les Allemands ont lancé pour la première fois une nouvelle arme terrible : le gaz toxique. Les troupes alliées positionnées à côté des troupes canadiennes ont été le plus durement touchées par ces nuages épais de chlore jaune-vert, qui les ont forcées à battre en retraite, ouvrant ainsi une large brèche dans la ligne de défense.
Les Allemands se sont avancés, menaçant de faire une percée massive. Toute la nuit et le jour suivant, les Canadiens ont combattu pour refermer la brèche et repousser l’ennemi vers le Bois des cuisiniers. Ils ont regagné peu de terrain et les pertes humaines ont été énormes, mais ces manœuvres ont fourni aux Alliés un temps précieux pour récupérer.
Le 24 avril, les Allemands ont lancé une autre attaque au gaz et, cette fois, ce sont les Canadiens qui l’ont reçue de plein fouet. Dans une bataille cauchemardesque où les Canadiens peinaient à respirer à travers leurs mouchoirs trempés et couverts de boue, ils ont, contre toute attente, tenu bon jusqu’à l’arrivée des renforts.
Lors de leur première importante bataille de la guerre, nos soldats se sont acquis une réputation remarquable d’habileté et de courage sur le champ de bataille. Le prix à payer fut toutefois élevé : plus de 2 000 Canadiens ont été tués et 4 000 autres blessés.
Des Terre-Neuviens à Gallipoli
Lorsque la Grande-Bretagne a déclaré la guerre en 1914, Terre-Neuve, qui était une colonie britannique à l’époque et ne faisait pas encore partie du Canada, a répondu rapidement à l’appel et commencé à recruter des hommes pour les envoyer en service outre-mer.
Les combats de la Première Guerre mondiale n’ont pas eu lieu uniquement en Europe de l’Ouest. Le 20 septembre 1915, le 1st Newfoundland Regiment a débarqué sur la péninsule de Gallipoli, en Turquie, pour rejoindre les troupes britanniques, françaises, australiennes et néozélandaises déjà sur place. Gallipoli allait être le premier contact des Terre-Neuviens avec les horreurs de la guerre des tranchées : tir d’artillerie, tireurs d’élite, températures exténuantes et maladies causées par la vie dans ces conditions extrêmes.
En novembre, ils ont remporté leurs premiers honneurs sur le champ de bataille en prenant « Caribou Hill », nommé ainsi à cause de l’animal emblème de leur régiment. Ces soldats ont réussi par la suite à couvrir le retrait des troupes alliées de la région; ils ont été parmi les derniers à partir en janvier 1916. Environ 40 Terre-Neuviens y ont laissé leur vie, sombre présage des énormes pertes qu’allait subir le régiment au front occidental.
Un héros de guerre canado-ukrainien
Filip Konowal est né en Ukraine en 1888. Il a immigré au Canada peu de temps avant la Première Guerre mondiale. Lorsque le conflit a éclaté, il s’est enrôlé dans le Corps expéditionnaire canadien et a servi dans le 47e Bataillon (Colombie-Britannique). En août 1917, pendant la bataille de la cote 70 près de Lens, en France, le caporal Konowal a mené des soldats dans des attaques où il a défié courageusement les positions des mitrailleuses allemandes, qui décimaient ses hommes. Armé de son fusil, de sa baïonnette et d’explosifs, il a éliminé personnellement 16 ennemis dans son action avant d’être gravement blessé.
En reconnaissance de son grand courage, il a reçu la Croix de Victoria, la plus haute distinction de bravoure que peut recevoir un Canadien.
Filip Konowal est mort à Hull, au Québec, en 1959 et il est toujours considéré comme un véritable héros par de nombreux et fiers Canadiens d’origine ukrainienne.
Au champ d’honneur
Le célèbre poème « In Flanders Fields », souvent récité le jour du Souvenir, a été composé il y a plus de cent ans. Le lieutenant-colonel John McCrae, né et élevé à Guelph, en Ontario, était médecin dans le Corps expéditionnaire canadien pendant la Première Guerre mondiale. C’est la mort bouleversante d’un ami proche sur le champ de bataille qui l’a incité à prendre la plume.
Malgré le passage du temps, ses mots, écrits en mai 1915, demeurent d’actualité pour tous les conflits modernes. Ce poème évocateur fait vibrer les cordes sensibles et nous rappelle la perte de ceux qui ont servi dans l’Armée. Il incite aussi les vivants à se souvenir de leur sacrifice, comme l’évoquent les vers puissants de la dernière strophe du poème, dont l’adaptation française « Au champ d’honneur » est signée Jean Pariseau :
À vous de porter l’oriflamme
Et de garder au fond de l’âme
Le goût de vivre en liberté…
Un pionnier de la Marine royale canadienne
Victor Brodeur est né à Beloeil, au Québec, en 1892. Il s’est enrôlé en 1909 et il a fait partie du premier groupe de cadets de la toute nouvelle Marine royale canadienne (MRC). Pendant la Première Guerre mondiale, il a servi sur des vaisseaux de guerre britanniques dans la mer des Caraïbes et dans les eaux au large de l’Europe; plus tard, il est devenu spécialiste d’artillerie.
Il est rentré au Canada, où il a été posté au quartier général de la Marine, à Ottawa, avant de prendre le commandement de son premier vaisseau en 1929, le NCSM Champlain. Il a commandé d’autres navires sur la côte Ouest dans les années 1930 pour finalement être responsable de tous les destroyers ancrés à Esquimalt, en Colombie-Britannique.
Peu de temps avant le début de la Seconde Guerre mondiale, il a aidé à former la Fishermen’s Reserve pour patrouiller la côte Ouest. En 1940, Victor Brodeur est devenu le représentant de la MRC à Washington, D.C., avant de retrouver le Pacifique en 1943 pour y commander les forces navales.
Victor Brodeur a pris sa retraite en 1946, après 37 ans de service dans la Marine. Il a eu l’honneur d’être nommé Commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique. L’École Victor-Brodeur, à Esquimalt, a été nommée ainsi en mémoire de ce pionnier francophone de la Marine.
Un attachement indéfectible
Jack Munroe est né en Nouvelle-Écosse et il a beaucoup voyagé avant de s’installer en Ontario. Il a fait sa marque comme boxeur poids lourd au début des années 1900.
Lorsque la Première Guerre mondiale a éclaté, il s’est enrôlé, à l’âge de 41 ans, dans le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry. Son fidèle colley, Bobbie Burns, l’accompagnait, camouflé dans un sac à patates. Pendant son séjour au camp de Valcartier, au Québec, Bobbie Burns a été attaqué par un chien deux fois plus gros que lui. Bobbie a dû se défendre, remportant ce qui fut appelé la « première victoire de la guerre du régiment Princess Pat »! Fort combattant, tout comme son maître, il est devenu la mascotte du régiment.
Jack Munroe a combattu en France et il a été grièvement blessé par un tireur d’élite en juin 1915, perdant ainsi l’usage de son bras droit. Il a passé plus d’un an en convalescence dans un hôpital d’Angleterre, où son vieil ami Bobbie bénéficiait de privilèges de visite.
Jack Munroe a écrit un livre intitulé « Mopping Up ». Il s’agit d’une histoire unique qui jette un regard sur la guerre à travers les yeux de son chien Bobbie. Dans son ouvrage, il dit :
« Je m’étais demandé ce qu’était la guerre. Maintenant, je savais. C’était la guerre lorsque j’ai pris à la gorge le bâtard qui m’avait si méchamment attaqué alors que je ne lui avais rien fait […] quelque part, des hommes ont dû s’attaquer à de petits pays, de gros bâtards s’en prenant à de petits chiens, et nous nous apprêtions à défendre les petits chiens! »
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