«From a Stretcher Handle»: Journal et poèmes de la Première Guerre mondiale du soldat Frank Walker

Je me souviens d'une journée où j'ai rendu visite à mon père à la maison de repos, quelque temps avant sa mort. C'était en novembre 1977. L'esprit si remarquable qu'il avait révélé à des milliers de gens de l'Île au cours d'une longue et brillante carrière journalistique n'était plus très lucide.

« Me reconnais-tu aujourd'hui, papa? »
Il tourna un peu la tête et écarquilla les yeux en me regardant : « Je vous ai déjà vue quelque part », parvint-il à me dire
Afin de raviver davantage ses souvenirs, je lui demandai : « Papa, te rappelles-tu ton poème La ballade des brancardiers? »

Il resta sans bouger quelques instants puis, tout à coup, se mit à réciter les six strophes selon le rythme qui m'était si coutumier, sans omettre un seul mot, pendant qu'une larme roulait lentement sur sa joue.

Ce poème était vieux de soixante ans. Mon père l'avait écrit sur les champs de bataille d'Europe. Or, ici, en cette fin de sa quatre-vingt-troisième année et entièrement déconnecté du temps présent, son esprit avait vagabondé jusqu'à une expérience marquée au fer rouge dans sa mémoire et qui avait modelé toute sa vie. Il était évident pour moi que la Grande Guerre avait encore un sens profond pour mon père et qu'il en gardait des souvenirs très précis.