Pis j'avais toujours dans l'derrière d'la tête, peut-être,
l'idée d'faire d'la politique. Ça c'est pas c'que j'ai fait de
plus fin, mais qu'est-ce que vous voulez, j'avais ça dans
l'derrière d'la tête. Pis j'me disais, mon père a été ministre,
moi aussi j'veux être ministre. Mais quand on est conservateur
comme je l'étais, surtout que quand on vient du Québec, pis
qu'on vient surtout d'une famille en vue du Québec, mon père qui
était tout de même, qui est dev'nu juge en chef d'la province.
On peut pas changer d'allégeance aussi facilement qu'on
l'voudrait vous savez. C'est quasiment comme une religion ça.
Dans l'Québec où j'vivais moi, de laisser entendre quand on
était conservateur, qu'on dev'nait libéral, c'était comme
changer d' religion ça. Dire ben moi j'suis protestant pis
j'deviens catholique ou j'suis catholique pis j'deviens
protestant, ça marchait pas ça. Puis, comme conservateur y'avait
pas beaucoup d'espoir. Parce que dans l'temps les conservateurs
étaient mal vu. C'était l'temps d'Monsieur St-Laurent, qui était
un homme excessivement populaire, avec raison d'ailleurs, parce
que c'était un homme supérieur qui méritait enfin tout c'qu'on a
dit d'bien d'lui. Mais j'me disais un d'ces jours la chance des
conservateurs va peut-être venir.
Alors j'ai rencontré par accident Monsieur Diefenbaker, alors
j'ai vu d'l'espoir dans cet homme-là, Monsieur Diefenbaker et
j'ai décidé de l'appuyer. Je l'ai appuyé pis j'me suis fait
élire. Comme beaucoup d'autres conservateurs au moment du
raz-de-marée conservateur de 1958. Pis là, Diefenbaker m'avait
dit « Tu vas être ministre des Affaires des Anciens Combattants».
Alors j'étais un ancien combattant, j'tais ben fier de ça
moi, alors ç'aurait fait mon affaire. Alors j'me voyais, mais
y'm'disait « y faut pas qu'tu l'dises à personne, parce que si
tu l'dis à qui que ce soit tu l'seras pas ». Alors la seule
personne avec qui j'avais osé l'dire c'tait mon épouse. Qui
était très heureuse comme moi, j'me voyais ministre des Anciens
Combattants, j'tais ben fier d'mon affaire. Alors, Diefenbaker
m'fait v'nir la veille de l'ouverture des chambres, comme il
allait nommer son nouveau cabinet. Il me dit « Viens me voir »
j'm'en va l'voir. J'me dis coup donc, j'vais être nommé.
J'arrive là, pis y m'dit « J'ai changé d'idée. »…Ah, puis il
dit… J'vais t'nommer Vice-Président d'la Chambre des Communes.
Il faut qu'tu prennes d'l'expérience. » Moi, j'tais en maudit
moi, parce que j'connaissais rien d'la Chambre des communes. Pis
entre être, entre Vice-Président d'la Chambre des communes,
qu'était un poste d'importance secondaire pis être ministre des
Anciens Combattants, qui surtout à l'époque était un poste
encore plus important qu'aujourd'hui parce qu'y en avait plus
pis la guerre ... Enfin, j'suis dev'nu ministre, vice-président
d'la Chambre des communes, j'avais pas beaucoup d'choix. Puis
1½ ans plus tard il m'fait v'nir pis y dit « J'ai décidé d'te
nommé ministre associé d'la Défense nationale. » C'est comme ça
qu'j'suis dev'nu ministre associé de la Défense nationale pis
j'ai pu m'chicaner avec Simonds. J'ai eu des grosses chicanes
avec ce Simonds moi parce que plus tard quand j'suis dev'nu
ministre d'la Défense, il était là lui. Comme Général en chef
prenant sa retraite et donnant le commandement au general
Foulkes, qui a pris sa relève. Alors j'ai eu des grosses
chicanes moi, j'tais ministre dans l'temps. Quand on est
ministre on peut s'chicaner avec un Général; quand on est
capitaine c'est plus difficile. Alors j'ai eu des chicanes
épouvantables avec Simonds. Ah! Mon Dieu, on, on s'est, on s'est
quitté non pas comme des amis. Ça c'est l'cas d'le dire. Pour
vous expliquer, par exemple, cette affaire du 8 août là dont
j'vous ai parlé que j'vous ai décris là, avec des chars attachés
les uns après les autres, c'tait d'la folie furieuse. J'lui ai
dit « Écoutez, si au lieu d'avoir rien qu'un canon qui restait
y'en était resté 10 avec peut-être 3, 4 mitrailleuses, ben
écouter, ça aurait été une catastrophe abominable. À part de ça,
l'Escault, vous avez fait sauter toutes les digues… Pourquoi?
Qu'est-ce que ça vous a donné d'faire ça ? » Y'a jamais été
capable d'l'expliquer. Ah! Y'avait des raisons en disant c'est
si pis c'est ça. Toujours facile trouver des raisons. Puis là,
savez-vous il prenait sa retraite là. La dernière fois qu'je
l'ai vu c'est à Toronto, puis je l'ai salué pis il m'a salué.
Puis finalement y'est v'nu m'voir. Puis c'tait un homme qui
était très froid hein, il était presque, il riait jamais.
Puis... il était très très orgueilleux d'avoir été le favori du
Général Montgomery. Montgomery disait que le seul Général
canadien qu'avait d'la valeur c'tait Simonds. Ah! C'était,
y'avait droit à son opinion M. Montgomery. Moi personnellement
en tout cas, j'ai toujours trouvé que Simonds était non
seulement un homme incompétent, mais un gars dangereux pour les
raisons que j'viens d'vous expliquer. Mais enfin, ça c'est mon
opinion, c'est pas nécessaire que tout ceux qui vont m'écouter
ou qui vont voir c'qui s'passe là la partagent. Mais c'tait mon
opinion. Puis comme ministre associé d'la Défense nationale, ben
ça été une expérience assez extraordinaire. Éventuellement, en
tout cas, j'ai été réélu en 62, mais j'étais en désaccord avec
mon ami Diefenbaker sur bien des points. Pis éventuellement j'ai
démissionné d'son cabinet, c'qui est une sottise parce que ça
c'est une des pires erreurs qu'on peut commettre, démissionner
quand on est dans un poste d'importance. On démissionne sur des
questions d'principes pour s'apercevoir le lendemain qu'on est
plus là pour défendre d'autres principes. Alors c'est pas
nécessairement c'qu' y a d'mieux à faire. Pis là ben mon Dieu,
il m'est arrivé c'qu'arrive à tous les politiciens, surtout
conservateurs, j'me suis fait battre. Alors, j'suis r'tourné aux
affaires, pis à la littérature, j'ai écrit un livre sur mes
souvenirs politiques qui s'intitule « This Game of politics »
qui a connu dans l'temps, savez-vous, une certaine popularité.
Finalement, il m'est arrivé savez-vous enfin une chance
inespérée. J'ai faite un discours sur le sujet de l'unité
canadienne, quelqu'un de très important, qui était l'président
d'une grande compagnie ici à Montréal, l'président d'Canadair
dont le nom m'échappe dans le moment, (toujours cette fichue de
mémoire) me fait v'nir pis y m'dit « j'te recommande comme
professeur à l'Université Concordia ». Il dit « parce qu'ils ont
besoin d'avoir quelqu'un comme toi, qui parle le français et
l'anglais avec la même facilité pour faire valoir les idées que
j't'ai entendu énoncer ». Alors, finalement, fautes de mieux,
j'suis dev'nu professeur. Je l'suis depuis 20 ans. Avec
énormément de succès, ça été, ça été vraiment savez-vous une
révélation pour moi que le professorat. J'ai adoré ce métier.
J'm'y suis appliqué, j'ai travaillé énormément pour le faire
avec succès. Pis là, j'le termine, parce que rendu à 80, il faut
tout d'même accepter une affaire c'est qu'il en a plus long en
avant, en arrière qu'en avant. Alors mais au moins, ça été un
immense succès. Et la preuve qu'c'est un succès, c'est
qu'éventuellement à la fin, on a insisté pour que j'accepte
l'Ordre du Canada. On a fait d'moi un officier de l'Ordre du
Canada. Et j'ai reçu d'autres honneurs. Autrement dit, j'ai
r'monté la côte. Alors, la morale de l'histoire, c'est qu'y faut
jamais s'décourager. Y'a toujours un lendemain. Faut prendre
chaque journée un à la fois. Faut s'dire, ben….hier c'est passé,
ça r'viendra peut-être jamais, essayons d'vivre aujourd'hui de
façon intelligente, de façon constructive pis on va peut-être
être capable de s'aider soi-même en aidant les autres ou si vous
voulez, aider les autres en s'aidant soi-même. C'est vrai cette
philosophie là.