Sur un plan personnel, moi j'me suis bien aperçu qu'j'avais pas
l'choix, qu'il fallait vraiment qu'j'fasse quelque chose parce
que mon père, d'abord, avait été ministre, pas tellement
longtemps avant, 20 ans, vous savez, c'est pas tellement long,
et y'avait beaucoup de gens qui disaient, ben enfin, tu es le
fils de quelqu'un qui a favorisé l'effort de guerre en 1917 pis
y faudrait peut-être que tu fasses quelque chose. J'tais au
courant d'ça. Pis là il m'est arrivé une chose d'assez drôle…
J'me souviendrai toujours du jour d'la déclaration d'la guerre.
J'étais à La Malbaie où ma famille avait une résidence d'été,
que nous occupions tous les étés. Et lorsqu'après le 3 septembre
la nouvelle est arrivée que l'Canada était en guerre, une
vieille dame américaine qui avait une magnifique propriété à La
Malbaie, où elle venait tous les étés. Et tous les étés, elle
donnait une grande réception, habituellement à la fin d'l'été,
où elle recevait tous les gens qui avaient des résidences
là-bas. Elle a dit : « Ça, c'est l'opportunité de donner ma
réception annuelle. » Pis elle nous a tous invités pour aller à
cette réception qui avait eu lieu par un soir magnifique de la
fin d'l'été. C'était plus ou moins le 3 ou 4 septembre, j'ai
oublié exactement la date. Et ce soir-là, il fallait qu'j'rentre
à Québec. J'avais un ami qui avait un Packard. C'était l'seul
qui avait un peu d'argent dans tous les gens que j'connaissais
pis y'avait un Packard convertible. J'étais avec lui pour
rentrer à Québec, de nuit. Puis en circulant dans les caps qui
vont de La Malbaie, de la Baie St-Paul vers Ste-Anne-de-Beaupré
là, savez-vous, j'étais là et puis j'regardais l'ciel étoilé,
j'trouvais ça beau. Puis là l'idée m'est venue que si j'étais
pour faire du service militaire, j'devrais devenir un pilote de
chasse. J'avais lu ça, savez-vous, que les pilotes de chasse…
J'étais pas très âgé à c'moment-là, j'avais 21, 22 ans. J'ai
dit : « Tiens! Moi j'vais faire un pilote de chasse! » J'arrive à
Québec, j'me couche pis le lendemain matin j'm'en vais sur la
rue Buade là, où s'trouvait le bureau de recrutement, pis
y'avait là un nommé Gignac qui était l'officier qui avait été
désigné pour s'occuper de recruter ceux qui voulaient faire du
volontariat. Pis j'lui dit : « Jos, - j'l'appelais Jos, c'tait
un d'mes amis - j'pense j'vais faire un pilote de chasse. » Il
m'a dit : « C'est une bonne idée - il parlait l'anglais… le
français avec un accent - C't'une bonne idée », y'était plutôt
anglais, lui. Y dit « Tu vas faire un bon aviateur. » Alors,
j'signe les papiers, bon ben il dit : « Tu es admis, tu es
accepté. » Mais y dit : « Y'a un inconvénient, il faut que tu
ailles faire un examen médical, c'est pas final tant qu't'as pas
fait ton examen médical. » Alors dans l'après-midi j'm'en vais
pour passer mon examen médical pis j'arrive devant un médecin
qui m'avait soigné pour ces migraines dont j'vous parle. Il m'a
r'gardé pis y m'a dit : « Dans l'aviation, on n'a pas besoin de
gens qui font des migraines, alors tu n'es pas qualifié », et
ceci a fini ma carrière aérienne. Ça pas été très long comme
vous voyez. Et là j'étais passablement découragé. Ben j'me
disais ben, j'm'étais fait une illusion, vous savez quand on est
jeune on s'fait des illusions. J'me voyais habillé en uniforme
bleu horizon là, vous savez, pis j'me voyais dans les cieux,
circulant, faisant de l'aviation. J'trouvais ça intelligent.
J'aurais probablement été descendu, inutile de vous l'dire, mais
enfin… Alors ma carrière aérienne était terminée.
Bon! J'travaillais dans un bureau d'assurances. Alors j'suis
r'tourné au bureau d'assurances puis là j'me suis, y a un d'mes
amis qui est v'nu m'trouver pis qui m'dit : « Moi, j'm'en vais
dans la marine, pis tu f'rai l'affaire, toi, dans la marine. »
J'me suis mis à penser à ça, pis j'ai dit… Moi l'armée
m'intéressait pas tellement. Faire d'la drill tel que j'avais
fait là, quand j'étais dans le… j'trouvais ça plus ou moins
drôle. Finalement, j'décide de m'enrôler dans marine. Mais, il
m'arrive le même phénomène; j'suis accepté, mais on m'dit : « À
cause de tes migraines, particulièrement dans marine, si tout à
coup y t'prend une migraine, quand tu es en pleine mer, ça
t'aidera pas. » Alors ma carrière navale s'est terminée. Alors
là, j'étais passablement triste pis j'me disais : « Qu'est-ce
qui va m'arriver? » Là y'est arrivé quelque chose, ça mérite
d'être raconté parce c't'amusant. C't'une anecdote, si vous
voulez. En sortant du bureau d'la rue Buade là, où est-ce qu'on
s'enrôlait, là, j'arrive nez à nez avec un monsieur qu'j'avais
rencontré le samedi précédent à Trois-Rivières, à une danse.
Puis le gars me r'garde, pis y dit : « Sevigny, y'a d'la place
pour toi dans l'unité que je viens de joindre. J'te suggère de
faire comme j'viens d'faire. J'viens d'm'enrôler et je vais être
lieutenant, ça va m'donner cinq dollars par jour. C'est mieux
que ce que j'fais dans l'moment, parce que dans l'moment j'fais
rien. En plus une chose qui est excessivement sympathique, c'est
qu'j'ai l'intention d'me marier et puis ils vont m'donner
quarante-cinq dollars pour mon épouse. Alors, vois-tu, ça, enfin
penses-y là, cinq dollars par jour, ça fait cent cinquante
dollars par mois plus quarante-cinq dollars, ça fait cent
quatre-vingt-quinze dollars, pis toi tu peux avoir la même
chose! » « Ben, j'dis, moi j'ai pas l'intention d'me marier. »
« Ben oui mais, il dit, tu peux faire cinq piastres par jour. »
« Ben, on va y penser. » Bon. C'monsieur-là, savez-vous, est
dev'nu l'un des principaux généraux d'l'armée canadienne,
couvert de décoration, d'tout ce que vous pouvez vous imaginer.
J'préfère pas nommer son nom parce que, une fois qu'il est
dev'nu général, savez-vous, y faisait des discours
extraordinairement patriotiques. Puis chaque fois qu'j'le
voyais, y m'regardait pis y dit : « J'espère tu vas oublié ma
recommandation pour ton enrôlement », ah, j'ai dit :
« On n'en parlera pas. » Alors, la guerre a commencé, puis il
fallait j'fasse quelque chose moi ça fait que finalement j'suis
r'tourné à cette… à ce corps des élèves officiers pis j'étais
déjà qualifié comme lieutenant, ben j'étudiais pour devenir
capitaine dans l'infanterie. Mais ça, c'était un drôle de
moment, savez-vous. Moi j'étais pas particulièrement intéressé,
savez-vous, à une carrière militaire dans l'infanterie. J'avais
étudié ça la dans l'temps avec les uniformes d'la première
guerre pis les baïonnettes, pis le Ross riffle et toutes ces
histoires-là. Pis c'était au moment là c'qu'on appelait dans
l'moment, c'qui a été baptisé comme étant « la drôle de guerre ».
Y s'passait rien, absolument rien. Puis, remarqué qu'y avait
énormément de gens que j'connaissais moi qui avaient, n'avaient
pas travaillé pendant longtemps, puis là, savez-vous, étaient en
d'mande pour aller travailler dans les chantiers maritimes, pour
aller travailler dans des usines qui fabriquaient des munitions
et qui fabriquaient, enfin, tout ce dont l'Angleterre et la
France avaient besoin. Puis y en a qui s'enrôlaient pour
l'aviation, qui étaient acceptés, remarquez. D'autres qui
s'enrôlaient dans marine. Puis dans l'armée y'en avait, puis, un
moment donné, savez-vous, il est arrivé quelque chose qui a
stimulé un peu l'intérêt, qui a été le départ du Royal 22e de
Québec, qui est allé joindre deux autres bataillons, puis pour…
qui allait être la base de la 1re division canadienne. Pis moi
là, j'me suis aperçu que j'pouvais pas traîner encore comme
j'avais traîné. J'pouvais pas être aviateur comme j'voulais
être, j'pouvais pas être marin, alors il m'restait une seule
formule, c'tait celle d'être dans l'armée. Pis là y a un d'mes
amis qui est v'nu m'trouver pis qui m'a dit : « Écoute, on me
d'mande d'organiser le camp de Valcartier pour un programme de
recrutement obligatoire pour service au pays. Pis j'ai besoin de
gens qui ont un certain entraînement pis une certaine
connaissance des choses militaires pis toi, tu les as veux-tu?
Tu es qualifié. Tu peux avoir une commission immédiatement parce
que tu es qualifié. Alors viens t'en avec moi. » Alors j'ai dit :
« Ça va. » Alors, j'me suis enrôlé dans l'armée permanente.
Puis mon premier service a été à Valcartier. Puis de fait, il
avait raison, parce que très peu d'temps après que, qu'il ait
reçu l'ordre d'organiser le camp, le gouvernement a dit : « Nous
allons recruter des Canadiens à travers le pays pour une période
d'entraînement de trente jours. » Évidemment, ça n'avait aucun
sens que cette période de trente jours. Qu'est-ce que vous
voulez! Les gars étaient à peine arrivés au camp y fallait qu'y
r'partent. Dans trente jours, dans l'armée y s'fait pas
grand-chose. Alors là, ça a été prolongé à quatre mois, puis
ensuite ça été prolongé, éventuellement, savez-vous, à service
pour période indéterminée. Puis encore une fois, il y a eu une
propagande extraordinaire de joindre le volontariat pis ainsi
d'suite alors moi, j'étais comme ça à Valcartier pour faire cette
affaire-là. Là, y est arrivé quelque chose. Y se passait des
choses bizarres dans c'temps-là, vous savez. J'tais pas tout
seul, évidemment, d'être lieutenant dans cette organisation pour
entraîner ces recrues, d'abord de trente jours pis ensuite de
quatre mois, on était presque deux cents lieutenants à Valcartier
mais également à Lauzon, d'l'autre côté d'la rivière. Y en avait
un peu à Montréal ici, à Farnham surtout, Farnham c't'un nou...,
c't'un autre camp. Puis, finalement, il est arrivé un ordre il
fallait qu'on s'qualifie d'nouveau. Puis, pour vous montrer
comme c'était intelligent c'qui pouvait s'faire, on s'est fait
dire que ceux qui passeraient les examens pouvaient, s'ils le
voulaient, rester au Canada. Ils n'étaient pas obligés eux
autres, savez-vous, d'aller outre-mer. Par contre, ceux qui
bloqueraient l'examen seraient obligés soit de signer pis
d'accepter d'être envoyer outre-mer comme renfort des troupes
s'y trouvant. Autrement y s'raient obligés de r'commencer dans
les rangs. Alors, pas besoin d'vous dire que les gars qui
étaient là, qui voyaient c'qui s'passait en Europe…c'tait pas
brillant c'qui s'passait en Europe…c'tait un peu inquiétant vous
savez. L'Allemagne était au sommet d'sa puissance à c'moment-là.
Il semblait, savez-vous, que l'invasion de l'Angleterre était
chose, une question qu'allait inévitablement venir. Y avait
personne de tellement enthousiasmé pour aller là-bas, vous
savez. Y en avait qui chantait, There will always be an England,
Go Over There, tout c'que vous voudrez, mais on savait que
l'armée canadienne n'était pas bien équipée, ni bien armée. Puis
l'enthousiasme était moins délirant qu'il l'est devenu par la
suite. Alors mes quelques deux cents gars là dont j'faisais
partie ont décidé d'se qualifier, tel qu'on demandait qu'ce soit
fait. Moi, évidemment, j'avais un avantage, c'est qu'j'avais
étudié pendant les périodes de la dépression là dans les camps
militaires qu'j'avais faits, comme j'vous ai expliqué, puis
j'm'étais déjà qualifié, non seulement pour être lieutenant,
mais j'avais même étudié pis passé les examens pour être
capitaine d'infanterie. Alors, les examens ont eu lieu. Y en a
eu deux qui ont passé. Y a moi pis un autre qui était
Jean-Paul St-Laurent, le fils de Louis St-Laurent qui était
alors ministre d'la Justice dans l'cabinet de M. King, parce que
Monsieur Lapointe venait d'mourir puis on était allé chercher
M. St-Laurent pour remplacer M. Lapointe comme ministre d'la
Justice. Alors tous les autres, savez-vous, avaient plus où
moins bloqué. Ben, on m'félicitait, mais y en a pas mal qui
m'félicitaient, sans trop m'féliciter. Y en avait aussi qui
disaient, enfin : « Comment ça s'fait que lui a passé pis que
nous autres on a bloqué? » Alors moi j'me suis aperçu là, que
d'avoir le droit d'rester au Canada, c'était pas ça qui fallait
faire. Alors j'ai tout d'suite signé pour outre-mer, pis j'ai
d'mandé d'aller m'qualifier pour immédiatement pouvoir rejoindre
un régiment qui s'trouvait outre-mer. Pis là, on v'nait de
former à Brockville, enfin, un p'tit peu, savez-vous, à la hâte,
une école pour officiers. On a fait v'nir des gens qui étaient
supposés avoir une connaissance de l'armée. On les a fait v'nir
d'Angleterre, on les a fait v'nir même de France. Qu'est-ce que
c'est qu'les Français sont v'nus faire là-dedans, je l'ai jamais
su, mais enfin, y en a quelques-uns qui sont arrivés, qui
étaient nos instructeurs à ce camp, qui ont été formés à
Brockville. J'ai été moi de la 2e classe des étudiants
d'Brockville. C'tait un cours qui durait trois mois. Pis j'dois
dire, qu'c't'un cours où on apprenait peut-être un peu plus
qu'on avait appris jusque-là, parce qu'enfin, vous avez
l'expérience aidant, puis, quelques-uns de ces instructeurs
aidant, ça nous donnait une formation qui était à peu près
convenable. Alors moi, j'me suis qualifié pour être officier
d'infanterie mitrailleuse. Puis j'y ai pas trop pensé à cette
histoire de mitrailleuse quand j'me suis qualifié parce que j'me
suis imaginé que ça pourrait s'combiner avec des bataillons
d'infanterie comme le 22e. J'pensais au 22e où j'pourrais
peut-être aller, sans intérêt parce j'aimais pas beaucoup
l'infanterie, j'dois vous l'dire. Mais en arrivant à Québec, j'me
suis fait dire, qu'étant donné qu'j'étais qualifié infanterie
mitrailleuse, que j'étais peut-être le seul de Québec,
connaissant la langue française et la langue anglaise pour être
qualifié infanterie mitrailleuse et qu'on avait besoin dans
l'Toronto Scottish, d'un officier parlant l'français, que j'étais
immédiatement posted, posté, si vous voulez, au Toronto Scottish.
Moi j'me voyais pas porter la jupe du Toronto Scottish, puis
rendu avec des gens que j'connaissais pas, ça, m'intéressait pas.
J'avais une blonde à Québec, pis j'me disais : « J'vais
m'en m'aller comprends-tu, m'entraîner quelque part en Ontario,
j'vais laisser ma blonde, qu'est-ce que j'vas faire là-dedans? »
Alors, le hasard a voulu que sur la rue j'rencontre un ami
d'enfance du nom de Maurice Orchard pis qui m'a dit : « Pierre
qu'est-ce que tu fais? » « Ben, j'ai dit, moi, j'suis
mal pris là, j'viens d'me qualifier comme officier mitrailleuse,
pis on veut m'envoyer avec le Toronto Scottish, ça fait pas
mon affaire. » «Ben, il dit, pourquoi tu t'qualifies pas en
artillerie?» « Ben, j'ai dit, j'y ai jamais pensé. Pis, j'dis, de
toute façon, y en a pas d'régiment en artillerie ici au Québec. »
Il dit : « Non, y en a un, parce que justement, on a décidé, à
Ottawa, que parce que le volontariat n'était pas aussi, enfin,
réussi qu'il devrait l'être c'était peut-être parce qu'il y avait
des gens qui voulaient s'enrôler dans l'armée mais voulaient
pas s'enrôler dans l'infanterie, mais y pourraient peut-être
s'enrôler dans les blindés ou peut-être dans l'artillerie
Pis on a décidé de fonder un régiment d'artillerie de
langue française. Pis moi, parce que je suis, il dit, gradué de
Kingston et que j'me suis spécialisé en artillerie on m'a
d'mandé de prendre charge d'une batterie côtière qui était la
58e batterie, enfin, une batterie d'campagne. Puis on a demandé
à un nommé Gagnon, qui était mon confrère à Kingston, de faire
la même chose avec une autre batterie qui s'appelle la 50e. Pis
on a demandé à un autre qui s'appelle M. Halley de faire la même
chose à Sherbrooke avec une autre batterie côtière, - comment
c'qui pouvait y avoir une batterie côtière à Sherbrooke, je l'ai
jamais compris, mais enfin…- qui était la 72e, pis ça, ça va
faire trois batteries qui vont former, comprenez-vous, le
quatrième régiment de campagne qui va être un régiment d'langue
française, pis les Canadiens de langue française du Québec qui
veulent s'enrôler dans l'artillerie vont être libres de le
faire. » « Ben, j'ai dit, écoute, c'est très intéressant tout
ça. » « Ben, oui, pis écoute, j'ai pas d'officier! J'ai besoin
d'officiers! Si tu veux v'nir, tu es l'bienvenu, on s'connais
depuis toujours pis j'aurais besoin d'un gars comme toi. Parce
qu'y dit, tu t'y connais un peu, tu connais un peu tout l'monde »
pis, enfin, il m'a fait un peu, quelques compliments. « Pis,
y dit, on aurait besoin d'toi. Il faudrait qu'tu t'qualifies en
artillerie. » Ben moi, j'ai trouvé ça intéressant. Ben j'ai dit :
« Donne-moi 24 heures, laisse-moi y penser. » Alors, j'ai
rencontré là, la d'moiselle que j'fréquentais dans l'temps, pis
elle m'a dit : « C't une excellente idée, ça, c't'affaire-là. Tu
vas aller là-bas t'qualifier, tu vas r'venir ici, tu vas finir
par t'qualifier ici. » Pis là ben on parlait de s'marier,
imagine-toi donc! En tout cas, j'm'en vas r'trouver mon Maurice
Orchard pis j'y dis : « D'accord. » Je r'tourne à Brockville
pour me qualifier en artillerie, j'suis accepté, j'me qualifie
en artillerie, je r'viens à Québec pour apprendre que ma blonde
avait trouvé un autre gars. Heureusement! Pis là, de
toute façon qu'il fallait que j'continue pour aller à Petawawa
pour terminer mes qualifications comme officier d'artillerie.
Puis là il est arrivé un de ces phénomènes, sais-tu, ben enfin
les affaires qui peuvent arriver dans l'temps… Les autorités à
Ottawa se sont aperçues que M. Halley était pas enthousiaste,
lui, pour aller outre-mer. Ils se sont aperçus que le M. Halley
en question, à part de ça, savez-vous, avait des tendances
politiques ultra-nationalistes qui s'mariaient mal, savez-vous,
avec les tendances du gouvernement du temps, pis que M. Halley,
comprenez-vous, probablement, ne s'rait pas c'qu'il… sa
contribution dans l'nouveau régiment d'artillerie aiderait pas
pis que de toute façon y avait pas beaucoup d'gens d'la région
d'Sherbrooke qui s'étaient enrôlés pour devenir des artilleurs.
Pis c'pas surprenant, M. Halley faisait rien. Pis là, y est
arrivé une autre histoire. C'est que des ordres ou des
instructions sont arrivés d'Angleterre, disant qu'on aurait
besoin de régiments d'artillerie moyenne, qui se
spécialiseraient pour tirer des obus d'100 lbs qui s'raient
tirés par un nouveau canon qui v'nait d'être inventé, qui s'rait
un canon extraordinaire durant les combats qui viendraient, qui
était le 5.5 pouces. Pis qu'au lieu d'avoir un régiment
d'artillerie d'campagne, ça s'rait une excellente idée si ce
régiment était composé de deux batteries, soit la 58e et la 50e,
qui, actuellement, composeraient ce régiment d'artillerie
moyenne, parce qu'un régiment d'artillerie moyenne est composé
de deux batteries et non pas de trois. Alors, du jour au
lendemain, sans trop savoir pourquoi, j'suis devenu un artilleur
moyen qualifié. Pis là, la première fonction comme artilleur, là
y arrive encore des affaires assez amusantes, c'est que là,
M. Orchard m'a dit : « Écoute, on a assez de… pas tellement
d'officiers mais ça, ça s'en vient, mais on a pas d'homme, il dit
on n'a pas d'sergent. Des sous-officiers, c'est important. Pis il
faut en trouver qu'on soit capable de former. Moi j'connaissais
une couple de gars qui étaient dans l'infanterie que j'trouvais
très qualifiés. Pis j'suis allé les voir, pis j'ai dit :
« Pourquoi est-ce que vous êtes… faites pas comme moi est-ce que
vous devenez pas volontaires pour l'artillerie, que vous v'nez
pas dans notre régiment? » Ben ils ont consenti. Pis là,
finalement Orchard m'a dit : « Pis à part de ça, il faut qu'on
trouve des gunners, des artilleurs, pis il dit on n'a pas assez!
Il faut faire une campagne pour aller en chercher, pis c'est
l'volontariat qui marche. Alors il dit, j'ai r'commandé que tu
ailles dans les campagnes du comté de Lévis, de Lotbinière, de
Bellechasse, de Kamouraska, de Témiscouata. Pis là, sais-tu, on
a un système dans lequel les curés nous passent des salles
paroissiales. Pis là tu peux réunir des gens dans des salles
paroissiales qui seraient possiblement des volontaires. »
Alors moi j'suis parti avec mes deux sergents là que j'avais
recrutés, pis j'suis allé dans toutes ces campagnes-là où
j'rencontrais l'curé - les trois quarts du temps, savez-vous,
était hostile à c'qu'on voulait faire - puis j'faisais des
séances de recrutement. Pis j'm'en souviendrai toujours d'une à
St-Alexis-de-Matapédia. Y faisait froid, c'tait en plein hiver,
c'tait quelque chose d'effrayant… Pis il devait y avoir à peu
près une vingtaine de paysans, il devait y avoir des paysans là,
qui étaient dans la salle. Pis moi, j'faisais mon p'tit boniment
disant que dans l'armée, sais-tu, ben ils auraient une chance
d'être habillés, pis d'être logés, pis d'être chauffés, pis
d'être nourris, pis d'avoir une sol solde, pis les gars
écoutaient ça. Finalement y'en a un qui dit : « Si j'comprends
bien on va être logés? » J'lui dis : « Oui, oui! » « Pis il dit
on va être habillés? » J'dis : « Oui. » « Pis, y dit, vous dites
qu'on va avoir des soins médicaux? » J'dis : « Oui. » « Des
soins dentaires? » J'dis : « Oui, y a des dentistes dans
l'armée. » « Ouin, ben, y dit, est-ce qu'on va être chauffé? »
(On g'lait, c'tait effrayant.) J'dis : « Oui, oui, on va être
chauffé. » « Ah! ben moi, y dit, j'y va d'abord. » Il
s'est enrôlé pis y est devenu mon batman dans l'régiment,
savez-vous. C'pauvre gars y s'est fait tuer en Normandie. Son
nom c'tait Ovila Bernier. Pis ah! ça m'a fait d'la peine quand
il est mort parce que c'tait un bon gars. Pis vous savez, le
niveau d'éducation des gens, pis d'instruction des gens c'tait
à peu près nul dans l'temps. Puis aujourd'hui évidemment ça
s'est amélioré parce que les moyens d'communication sont bien
différents de c'qu'ils étaient. Aujourd'hui on a la télévision,
on a les journaux, on a les nouvelles instantanées. Pis, en fait,
c'est pas comme c'était. Mais dans c'temps-là, savez-vous,
essayer d'convaincre des gens de St-Alexis-de-Matapédia que la
démocratie était en danger, pis que l'Canada était en danger,
pis qu'les Allemands viendraient peut-être chez nous… J'me
souviens bien d'une autre place, j'tais là moi à faire mon p'tit
discours, j'ai dit : « Vous savez, si on bat les Allemands chez
eux on va les empêcher d'venir ici. » Tout à coup l'gars lève la
main pis y dit : « Y s'raient toujours pas assez bêtes pour v'nir
geler par ici! » Dans l'fond y avait un peu raison.
Alors, tout ça pour vous dire que, finalement, en tout cas, le
Fourth Medium Regiment, ça s'est appelé le 4e régiment
d'artillerie moyenne, a été fondé. Puis ce 4e régiment
d'artillerie moyenne qui a vu naissance à Petawawa pour être
exact, est parti d'Petawawa le 8 août 1942 pour s'rendre en
Angleterre. Puis, on n'était pas nécessairement tellement
entraînés ou tellement encore prêts à faire face à l'armée
allemande mais la base était là, c'est toujours quelque chose.
On est arrivés en Angleterre, ce régiment avec ces deux
batteries, qui étaient la 50e et la 58e, son plein complément
d'soldats, d'artilleurs, pis d'officiers le matin du 19 août
1942. Pis là, on a appris le jour même qu'il y avait eu une
attaque à Dieppe, par les soldats d'la 2e division canadienne
pis qu'ç'avait été un triomphe, quelque chose d'extraordinaire,
que les Allemands avaient pris la fuite, que grâce,
comprenez-vous, à cet assaut-là on avait appris des choses
fantastiques qui nous aideraient énormément et qui avaient
prouvé à l'Allemagne qu'éventuellement ils connaîtraient la
défaite. Autrement dit, on a représenté, à c'moment là, cette
affaire de Dieppe, comme étant une grande victoire. Quand, dans
l'fond, savez-vous, ç'a été une tragédie épouvantable. Pis moi,
c'est drôle, on lisait ça, moi surtout, j'lisais ça, savez-vous,
pis j'étais très sceptique. Parce que malgré l'fait qu'on
chantait victoire dans les journaux, c'tait seulement dans les
journaux qu'on voyait quelque chose, parce qu'à la radio on
écoutait uniquement les nouvelles que les anglais voulaient bien
communiquer. Vous savez, c'était, y avait énormément de
discrétion pis de… comment c'qu'on appelle ça donc… de contrôle.
Puis, c'était pas..., c'tait pas tout à fait très ouvert. Mais
on sentait que, y avait quelque chose qui tournait pas rond dans
c't'affaire-là.