MISSION PÉRILLEUSE (PARTIE 2)
Y nous ont mis dans une p'tite cabane, pis y avait des...
comme qu'on appelle, des bunks, des p'tits lits, là, pis on était
tout' là, pis y faisait chaud, là-d'dans. Y rentre deux gros
Allemands, habillés avec des chapeaux durs, pis c'tait des officiers.
C'tait le Gestapo... Pis j'avais entendu parler un peu, j'avais
peur... Les affaires pourraient changer « en enfant d'chienne », icit'.
Le soir, y avait les bombardiers alliés qui ont bombardé la place,
pis j'avais ben plus peur là que dans l'aéroplane.
QU'EST-IL ADVENU DE VOTRE ÉQUIPAGE ?
On a pas vu l'ingénieur, c'est lui qui s'est fait tuer. Mais, tout' les
autres... Ah ! ben, le bomb-aimer, y avait sauté en parachute.
On l'a pas vu pendant une bonne secousse, lui. Pis, l'ingénieur qui s'est
fait tuer, y s'est fait tuer quand on a atterri. Pis, on était dans un truck,
pis y avait, en arrière du truck, y avait une grosse tarp,
pis un d'nos gars, y a l'vé la tarp, pis c'est là qu'était l'ingénieur.
C'est d'même qu'y l'ont emmené, l'ingénieur, pis tout'...
Pis le bombardier, celui qui a sauté en parachute,
y est v'nu dans notre camp, à peu près une
s'maine ou deux après.
DÉPART VERS LE CAMP DE CONCENTRATION
On a embarqué su' des trains, pis on a été la grosse station à Frankfurt.
Pis, là, on a eu peur aussi parc'que y avaient été bombardés le soir
d'avant, eux autres, le monde, dans c'te place-là, Frankfurt. Pis y avait...
quand on a débarqué du train, on a été dans la gare, pis y avait des
femmes, pis des hommes, pis y avait des morceaux d'bois, pis quand on
a débarqué du train, avec les gardes allemands, y s'en v'naient après nous autres,
pis y étaient pas contents... J'ai eu aussi peur là que quand on s'est fait frapper...
Pis, y nous ont emm'nés dans des chars, pour nous emm'ner ailleurs,
mais on était contents d'embarquer dans les chars, pis s'en aller. C'était
vraiment proche... Y en tuaient du monde... des avions... des aviateurs
qui s'trouvaient dans la même situation. Tu pouvais pas les blâmer...
C'est comme si quelqu'un bombarderait icit', à soir, pis j'les rencontrais,
ceux-là qui ont fait ça, demain. J'aim'rais ça les assommer, les tuer.
Quand le train a parti pour aller à une autre place,
ouf ! on était ben... T'sais, tu r'gardes en dehors, pis tu voyais un sign
Coca-Cola. C'est pour dire comment c'tait gros, Coca-Cola, pis ça
t'donnait l'inspiration des... « My God ! It's a little bit of home, you
know... » Un peu d'chez nous. Mais, à part de ça, c'tait pas pareil.
Mais, ils nous ont ben traités, là, pour nous am'ner au camp, là. Pis, on
a été interrogés, chacun notre tour, pis les officiers, là, y étaient assis à
travers d'la table, pis y fumaient des cigarettes. J'avais pas fumé, ça
f'sait plusieurs jours, hein ? Pis y parlaient anglais, bien l'anglais, y
connaissaient le Canada, pis y mettaient l'paquet d'cigarette, là, pis
commençaient à te d'mander des questions, pis on était pas supposés
d'dire grand-chose. Ah ! ben, y dit : « J'connais pas mal ton équipe, pis
d'où est-ce que tu viens, pis le nom de ton commandant, j'connais tout'
ça, moi, pis qu'est-ce que vous avez fait, là, pis... ». Y t'en donnent un
peu, pis y aimeraient que tu en donnes de l'information, pis y mettent
tout' ça ensemble, pis... y viennent à savoir beaucoup... C'tait pas trop
pire, là, c'tait pas trop sévère pour... J'suppose qu'y figuraient qu'un
p'tit rear gunner, c'tait pas trop... Y connaît pas grand-chose, hein ?
C'tait un temps qu'c'était pas mal commode
d'être ignorant, j'suppose, hein ?
Y'n en avait en masse des aviateurs, c'tait des gros
camps d'aviateurs, mais y avait d'l'armée, aussi, pis l'armée, ben, eux
autres, les Allemands les organisaient pour aller travailler, en dehors,
mais, nous autres, on avait pas c'privilège-là. Y nous donnent des... on
restait dans des grosses cabanes, des hut, qu'y appellent, là, pis c'est
tout' des bunks, là-d'dans, pis y nous coupent les ch'veux jusqu'à...
shavé, pareil comme si tu t'faisais la barbe, pis... Une chose,
notre équipe était toute ensemble, you know. Pis, le navigateur,
c'tait le plus fin, un peu. C'est lui qui organisait...
t'sais, y nous gardait ensemble, tout l'temps, pis... Si y avait quelque
chose qu'on pouvait en profiter, y s'informait, lui.
On savait pas, là, qu'est-ce qu'on était pour faire de nous autres, là,
hein, pis y avait assez des bibittes, la nuit. On pouvait pas dormir, hein ?
Pis, la journée, ben, tu pouvais pas dormir non plus. Pis y avait des
p'tites cloches qui sonnaient, y avait comme un châssis, on était tout'
dans les cellules, pis : « Ding, dong... Ding, dong... » On marchait
alentours, tous les jours, pour l'exercice, un peu, pis le manger qu'on
avait... des fois, on avait pas de paquets de Croix-Rouge, hein ?
Au commencement, on était chanceux, on avait les paquets d'la Croix-
Rouge, pis y avait du bon manger d'dans, pis... J'pense qu'y avait des
cigarettes, j'm'en rappelle pas trop... En tous cas, les cigarettes, y'n a
qui fumaient pas, pis y utilisaient ça pour acheter, c'tait comme
d'l'argent, hein ? Pis, à la fin d'la guerre, on avait p'us d'Croix-Rouge,
hein, pis on était rendus aux... la soupe était pas mal claire, on va dire,
pis... Comme j'dis, j’suis rentré là , j’d'vais peser
à peu près cent-cinquante livres, ou plus...
J'suis sorti à quatre-vingt dix livres...