On est arrivé à Aldershot puis on a soupé. Puis là bien, on a
eu un beau souper : un stew de mouton qui était pas mangeable !
Avec quoi ce qu’on a passé sur l’eau là, sur la mer là, c’est la
mer là, il y en a en masse qui avaient le mal de mer. La
senteur puis tout : j’aurais enlevé c’te câline d’affaire-là
puis tous nous donner du beau steak là. Le gravy c’était comme,
ouf, c’était dégueulasse.
Une fois, on avait pris une passe là, puis on avait été à
Londres, on a été coucher dans un YMCA. Puis là, l’alarme a
commencé à sonner, hein, puis on a tous décollé puis on a été
souterrain. Mais quand on est revenu, notre YMCA n’était plus
là. On n’était pas là : si on avait été là, faut croire que
c’était notre temps. Mais tu sais, ça nous faisait rien, on
dirait. La guerre, c’est la guerre. On était probablement...
on savait pas là dans quoi on s’aventurait.
L’avion avait pas pu se rendre là; il est rentré dans les champs
des fermiers en arrière. Eh Saint-Antoine ! On a tous sauté
pour éviter toutes les vitres, nous autres, qui cassaient puis
toutes sortes d’affaires par le bruit, il devait être chargé de
bombes. Le pilote là, on a ramassé son bras, en venant icitte
là, un petit gars qui était... dans un arbre.
Interviewer: Il n’a pas survécu ?
Ah non, non, non. Lui, il fallait pas qu’il le lâche, lui, il
n’avait pas le droit là. Il faut qu’il le, il fallait qu’il
l’atterrisse en quelque part où est-ce qu’il n’y avait
pas de danger. (inaudible)
Interviewer: C’est impressionnant, j’imagine ?
Ça, ça a été ma grosse peur là; on ne savait pas, nous autres,
c’était, on pensait peut-être bien c’était un autre, là.
Interviewer: Vous pensiez que c’était l’ennemi, hein ?
Oui, oui, l’ennemi.
Leur moral, eux autres, ils étaient toujours sur le craintif
parce que là, ils avaient été pas mal bombardés eux autres là,
quand on est arrivé. Puis même là, quand même que l’invasion
avait commencé là, les Allemands, ils envoyaient des rockets
qu’ils appelaient là, puis on ne savait pas où ça tombait ça.
Ça s’en venait ça, puis c’était pas téléguidé comme... ils
l’envoyait en l’air puis quand c’était le temps, c’était... ça
tombait là. Ça, ça a arrivé, ça a arrivé une secousse ces
rockets-là, ça a marché, puis là, le monde était inquiet de ça.
Il n’y avait pas tout ce qu’il fallait. Il y a bien des enfants
qui venaient, des fois, au camp; ils fouillaient voir s’ils ne
pouvaient pas trouver les... Ah ! c’était ça, ça m’a fait plus
de quoi que le reste là, pour les enfants là, tu sais là...
C’étaient pas tous des millionnaires là,
qui étaient pas dans l’armée, là.
Interviewer: Alors les temps étaient durs
pour les habitants d’Angleterre ?
Très durs, très durs; ça, sur ce côté-là, oui. Oui, parce que,
j’sais pas si je devrais dévoiler ça, mais j’avais pas le droit
moi non plus, mais j’allais à la cuisine, puis c’était Mike le
cook, il me donnait du jambon, des confitures puis ces
affaires-là, puis j’amenais ça dans une famille qui avait 4, 5
enfants puis... Moi, des cigarettes, je fumais pas, mais mes
soeurs m’envoyaient des cigarettes; bien, je les donnais. Puis
des bonbons, ah ! Seigneur de la vie... des enfants, là, c’était
beau de voir ça : ça me faisait chaud, chaud au coeur de voir...
Ça c’est, ça c’est ces choses-là, ça m’a touché. Puis encore
là... C’était pas drôle que nous autres, on mangeait quand on
voulait puis eux autres pouvaient pas manger comme ils
voulaient. Ça c’était... j’ai trouvé ça triste.