Une réalité altérée
Des héros se racontent
Une réalité altérée
Vous savez, l'être humain est une bête formidable
qui s'adapte à peu près à n'importe quoi.
Parce que, disons, à peu près un kilomètre de ce côté-là du camp,
ou d'un côté du camp, je devrais dire, c'était les Croates.
Un à 1,5 kilomètres.
Puis un kilomètre de ce côté-là, c'était les Serbes.
Donc on était, nous, en étau un petit peu.
C'est certain que lorsqu'on est là-bas, on vit dans un monde,
moi j'appelle ça, je sais pas comment le dire, une réalité altérée
où ce que c'est pas la vie de tous les jours.
C'est pas comme se promener à Ottawa.
Quand on se promène, on surveille toujours.
On surveille pour des mines, on surveille pour quoi que ce soit.
Comme je vous dis, c'est pas à tous les,
je pense pas que c'est normal ici que on soit assis
puis qu'on entende passer,
entende tirer du fusil puis entendre, voir passer des tracers,
des balles traçantes, je veux dire, donc moi j'appelle ça ma réalité altérée.
Donc, quand on revient, c'est certain que cette réalité
altérée-là te fait vivre sur l'adrénaline, si je peux le dire.
Puis pour quelques mois après,
moi je dis que c'est tout à fait normal que tu n'es pas ton toi-même.
Il faut que tu le réalises, puis il faut que ta famille le réalise.
Mais en-dedans de trois à six mois, tu rembarques.
En tout cas, pour moi, ça a été trois à six mois.
Je ne peux pas parler pour la moyenne des gens là.
Intervieweur : Qu'est-ce que vous faites pour vous réadapter
à la vie, plutôt normale canadienne ?
Je pense c'est de comprendre nos réactions.
C'est de s'écouter, d'écouter ton état,
d'écouter ton état physique, d'écouter ton état psychologique,
puis de dire : « Ben, oups, c'est vrai ça c'est pas normal.
C'est pas normal, mais c'est normal
dans ma condition présente de réinsertion, c'est correct… »
Puis il faut que la famille aussi le comprenne et le supporte.
Moi j'ai été chanceux, mon épouse était militaire,
était infirmière, infirmière militaire de santé communautaire
donc elle donnait des programmes de réduction du stress,
des programmes de toutes sortes de programmes dans cette ligne-là.
Donc moi, je peux dire que j'ai eu cette chance-là.
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