Les épouses de guerre canadiennes
Table des matières
Introduction
L'expression « épouses de guerre » désigne les quelques 48 000 jeunes femmes qui ont rencontré et qui ont épousé des soldats canadiens durant la Seconde Guerre mondiale. La plupart d'entre elles étaient natives de la Grande-Bretagne, mais quelques milliers étaient originaires d'autres pays d'Europe : les Pays-Bas, la Belgique, la France, l'Italie et l'Allemagne.
Des épouses de guerre se sont également rendues au Canada après la Première Guerre mondiale. Selon les rapports officiels du gouvernement du Canada sur cette époque, environ 54 000 parents auraient accompagné les soldats qui revenaient au pays suite à leur démobilisation.
Nous saluons ce groupe remarquable de citoyennes canadiennes qui, par amour, ont suivi leurs époux. Là où se sont rendus les anciens combattants, ces jeunes femmes les ont accompagnés et ont établi leurs nouveaux foyers dans un pays jeune et en plein essor. Elles ont été accueillies dans leurs nouvelles communautés et leurs nouvelles familles. Les contributions de ces nouvelles Canadiennes ont tôt fait de dépasser les murs de leur demeure alors qu'elles prenaient part à la vie de la communauté, qu'elles enrichissaient grâce à leurs nombreuses aptitudes et à leur travail acharné. Durant les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, le Canada a connu des changements sans précédent, et les épouses de guerre de notre pays ont joué un rôle important dans la croissance et le développement du pays libre et pacifique dont nous jouissons aujourd'hui.
Bon nombre de familles et de communautés canadiennes se disent enrichies de la contribution de milliers d'épouses de guerre des Première et Seconde Guerres mondiales ayant élu domicile au Canada.
Les soldats canadiens et la guerre en Grande-Bretagne
De 1939 à 1945, des centaines de milliers de soldats canadiens ont été déployés en Grande-Bretagne; certains y sont même demeurés quatre ans. Ils ont travaillé et ils se sont entraînés pendant que le Commandement allié préparait l'assaut final contre l'Europe occupée.
Tel que durant la Première Guerre mondiale, les soldats blessés au combat en Europe et ceux qui ont obtenu des permissions séjournaient également en Grande-Bretagne. Ainsi, les soldats canadiens et les femmes vivaient dans diverses régions du Royaume-Uni. Les rencontres fortuites, les activités sociales et les danses organisées dans les localités ont permis aux soldats canadiens de rencontrer les jeunes femmes des villes et des villages avoisinants. Bon nombre y trouvèrent l'amour. Certaines épouses de guerre ont connu des coups de foudre, suivis d'un mariage rapide, alors que d'autres ont attendu un, deux, voire trois ans avant de se marier.
Se marier à l'étranger n'était pas chose facile pour les soldats canadiens; il fallait obtenir la permission du commandant. De plus, les parents s'opposaient parfois au projet de mariage de leurs filles, car ils craignaient ne plus les revoir si elles émigraient au Canada. Durant les années 40, avant l'instauration du transport aérien transatlantique, peu de familles pouvaient se permettre un tel voyage.
Malgré tout, l'amour triomphait. Les jeunes, habitués aux dures épreuves de la guerre, n'étaient pas disposés à attendre longtemps. Bien des jeunes femmes de la Grande-Bretagne avaient déjà connu les raids aériens nocturnes, la mort de proches et d'amis, l'extinction des lumières et le rationnement. Quant aux jeunes soldats canadiens, l'ordre d'être envoyés au combat pouvait survenir d'un moment à l'autre. Il fallait mordre dans la vie, le futur étant incertain.
Malgré une politique militaire officielle déconseillant ces mariages, l'armée et les autres secteurs de l'Armée canadienne ont dû s'incliner devant l'inévitable, soit de faire ce qu'il fallait pour prêter assistance aux nouveaux mariés et à leur jeune famille.
La famille et les amis aidaient les couples en leur faisant le cadeau précieux de carnets de tickets de rationnement, qui servaient à l'achat de vêtements pour le mariage. Se procurer de la nourriture pour une réception simple était un défi de taille, car presque tout était rationné. Néanmoins, les photos de mariage de l'époque montrent des visages rayonnants, des jeunes hommes en uniforme, des fleurs, et des robes de mariée simples. La tradition voulait que les jeunes femmes portent, en guise de porte-bonheur, un fer à cheval en argent, fait de papier.
Le bureau des épouses canadiennes à Londres
Le nombre d'épouses de guerre ne cessant d'augmenter, le gouvernement du Canada a créé le bureau des épouses canadiennes, qui veillait à aider les épouses des soldats canadiens et leurs enfants et à voir aux préparatifs de celles qui voulaient un jour rejoindre leur mari au Canada. Le premier bureau des épouses canadiennes se trouvait rue Regent, au coeur de Londres; c'était là que les épouses de guerre se présentaient pour faire leur demande d'immigration au Canada. Le bureau des épouses canadiennes tentait également d'aider les jeunes femmes à faire la transition entre leur pays d'attache et leur terre d'accueil. Le bureau a encouragé la création d'associations d'épouses canadiennes et a publié de l'information sur la vie au Canada, de même qu'un livre de cuisine canadienne.
Les adieux
Certains soldats ayant vécu en Grande-Bretagne de 1939 à 1943 ou même 1944, leur jeune famille avait pratiquement oublié qu'il leur faudrait partir un jour. Bien des épouses de guerre ont dit avoir reçu un avis de départ quelques jours à peine avant la date fixée de la traversée vers le Canada. Les adieux des jeunes femmes faits à leur famille ont souvent donné lieu à des scènes déchirantes.
Pour certaines, le voyage au Canada fut une formidable aventure. Elles ont noué de nouvelles amitiés, profité de la nourriture servie en abondance à bord du navire et aidé de leur mieux les épouses qui avaient de jeunes enfants.
D'autres, par contre, disent avoir eu le mal du pays ou le mal de mer, et d'avoir fait la traversée le coeur brisé. Certains voyages ont eu lieu l'hiver. Les pleurs des enfants, la maladie et le choc d'avoir laissé son pays d'origine rendaient le voyage difficile, même à bord d'un navire de ligne de luxe.
La traversée de l'Atlantique
Entre 1942 et 1947, près de 48 000 jeunes femmes ayant épousé un soldat canadien, accompagnées de 22 000 enfants, sont arrivées au Canada. Un petit nombre de femmes militaires canadiennes avaient épousé des Britanniques. Ces hommes ont aussi eu le droit de se rendre au Canada, et c'est avec un brin d'humour qu'on les appelait les « époux de guerre ».
En 1942 et en 1943, des épouses de guerre ont voyagé à bord de navires exposés au réel danger des sous-marins allemands dans l'Atlantique Nord. La majorité des épouses de guerre sont toutefois arrivées au Canada en 1946, à la fin de la guerre, lorsque les soldats étaient de retour au pays. La vie étant redevenue paisible, le gouvernement du Canada s'occupa d'accueillir ce groupe spécial de nouvelles Canadiennes. Les épouses de guerre ont fait le voyage à bord d'énormes navires de transport de militaires et de navires de ligne de luxe réaménagés pour l'occasion.
Le plus prestigieux de ces derniers est le Queen Mary. Les épouses de guerre se souviennent d'avoir étendu les couches des enfants dans la section de la piscine et d'avoir effectué le voyage avec près de 1 000 autres épouses de guerre et leurs enfants. Les agentes d'escorte de la Croix-Rouge ont fait de leur mieux pour s'occuper de tout le monde, et ont été chaleureusement remerciées par les épouses de guerre reconnaissantes. Malgré tous les efforts déployés, bon nombre de passagères étaient épuisées et s'inquiétaient de leurs enfants malades quand elles ont accosté à Halifax, en Nouvelle-Écosse.
Le Quai 21, à Halifax, en Nouvelle-Écosse
Comme les immigrants arrivés avant et après elles, presque toutes les épouses de guerre se souviennent d'avoir accosté à Halifax et franchi le Quai 21. Les nouvelles citoyennes ont été accueillies à bras ouverts par les bénévoles de la Croix-Rouge et de l'Armée du Salut, qui leur ont offert en cadeau de la nourriture et des vêtements pour les enfants.
De 1928 à 1971, le Quai 21 a été la « porte d'entrée » au Canada pour plus de un million d'immigrants, d'évacués de guerre, de réfugiés, de soldats, d'épouses de guerre et de leurs enfants. Le Quai 21, un lieu historique national, présente une exposition documentant le rôle qu'il a joué lors du départ des militaires outre-mer et lorsqu'ils sont revenus au pays, accompagnés d'épouses de guerre et d'autres nouveaux Canadiens. À partir de la jetée des anciens combattants, les visiteurs peuvent apercevoir l'entrée du port et voir où les lourds câbles formant des filets étaient tendus chaque soir pendant la Seconde Guerre mondiale, pour empêcher les sous-marins ennemis d'y pénétrer.
Les trains d'épouses de guerre
Les épouses et leurs enfants ont voyagé à bord de trains qui les ont transportés vers diverses destinations, au Canada. Les maris et les familles étaient avisés des heures d'arrivée. Bon nombre d'épouses ont été émerveillées par les vastes étendues de leur nouvelle terre d'accueil. Pour certaines d'entre elles, le voyage à destination des Prairies et de la côte Ouest a duré plusieurs jours et a semblé interminable.
Une nouvelle vie, une nouvelle terre d'accueil
La plupart des épouses de guerre ont été accueillies par des maris passionnés et des beaux-parents enthousiastes. Des mariages et des fêtes prénuptiales ont été organisés par la communauté à l'intention des nouveaux couples.
Quelques épouses de guerre ont cependant connu des déceptions. Les responsables du gouvernement n'avaient assuré que le coût d'un trajet simple; donc, une épouse qui n'était plus la bienvenue ou qui était mécontente de son sort n'avait plus les moyens de retourner dans son pays d'origine et se retrouverait en situation précaire. Éventuellement, elles ont pu compter sur l'aide de la Croix-Rouge, de voisins compatisants ou de leur communauté, et ont réussi à retourner à leur famille, en Grande-Bretagne.
Bien des épouses de guerre, qui arrivaient de villes britanniques ou européennes, ne s'attendaient pas à vivre en milieu rural. Dans les années 40, un grand nombre de Canadiens vivaient à la campagne où la plupart des maisons n'avaient pas d'électricité et, dans bien des cas, ni eau courante, ni toilette. Il y a des histoires amusantes d'épouses de guerre qui étaient terrifiées à l'idée de s'approcher d'une vache laitière pour la première fois. Des épouses de guerre ont également élu domicile dans des communautés francophones; l'apprentissage d'une nouvelle langue et d'une nouvelle culture a fait partie intégrante de leur nouvelle vie.
La plupart des épouses de guerre parlent avec nostalgie de leur pays natal, mais pour elles le Canada est leur patrie. Plusieurs années se sont écoulés depuis qu'elles ont choisi de s'y établir. C'est ici que vivent leurs maris, leurs enfants et leurs petits-enfants.
Partager leurs histoires
- Nous avons traversé l'Atlantique à ensemble à bord du Queen Mary – Joyce (Gawn) Crane
- Ma mère a épousé un soldat canadien – Evelyn Gooderham
- Tout correspondait au rêve qu'elle avait eu à plusieurs reprises – Elizabeth Gladys Wilson
Ressources en ligne
Archives de Radio-Canada
Des reportages authentiques réalisés par la radio et la télévision de Radio-Canada.
Quai 21 – Porte d'entrée pour le Canada
Souvenirs et photos de la collection « Pier 21 », à Halifax, en Nouvelle-Écosse.
Épouses de guerre canadiennes (Disponible en anglais seulement)
Un site Web complet sur l'histoire des épouses de guerre canadiennes de la Seconde Guerre mondiale. Par l'historienne des épouses de guerre Melynda Jarratt.
Références
L'information recueillie pour la préparation de ce document est tirée des sources suivantes.
- Granfield, Linda (2002). Brass Buttons and Silver Horseshoes: Stories from Canada's British War Brides. McClelland and Stewart Ltd.
- Hibbert, Joyce (Ed) with an introduction by Mavis Gallant (1978). The War Brides. Peter Martin Associates, Ltd. Toronto, Canada.
- Ladouceur, Barbara, Spence, Phyllis, (Eds), (1995). Blackouts to Bright Lights: Canadian War Bride Stories. Ronsdale Press, Vancouver, 1995.
- McKenna, M. Olga, (1990). Micmac by Choice, Elsie Sark – An Island Legend. Fromac Publishing Company Limited, Halifax, NS.
- Nicholson, G. W. L. (1964). Canadian Expeditionary Force 1914-1919: Official History of the Canadian Army in the First World War. Queen's Printer, Ottawa.
- O'Hara, Peggy. From Romance to Reality: Stories of Canadian War Brides. Highway Book Shop, Cobalt, Ontario.
- Wicks, Ben. with a foreword by Pierre Berton (1992). Promise You'll Take Care of My Daughter. Stoddart Publishing, Toronto, Ontario.
Avis important
Le programme Le Canada se souvient d'Anciens Combattants Canada (ACC) encourage toutes les Canadiennes et tous les Canadiens à se renseigner sur les sacrifices et les exploits qu'ont réalisés nos anciens combattants en temps de guerre, de conflit armé et de paix, et participer aux activités de commémoration qui contribueront à préserver leur héritage pour les futures générations de notre pays.
Les renseignements historiques contenus dans ce site sont fournis à cette fin générale. Pour avoir une compréhension plus approfondie de ces événements, nous vous encourageons à examiner les sources documentées et universitaires offrant des histoires militaires canadiennes. Pour lire les histoires officielles publiées par le ministère de la Défense nationale, on peut consulter le site Web Le Ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes.
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