J’me souviendrai toujours du jour d’la déclaration d’la guerre.
J’étais à la Malbaie, ou ma famille avait une résidence d’été,
que nous occupions tous les étés. Et lorsqu’après le trois
septembre, la nouvelle est arrivée que le Canada était en
guerre. Une vieille dame américaine, qui avait une magnifique
propriété à la Malbaie ou elle venait tous les étés. Et tous
les étés, elle donnait une grande réception, habituellement à la
fin de l’été, ou elle recevait tous les gens qui avaient des
résidences là-bas. Elle a dit, ça c’est l’opportunité de donner
ma réception annuelle. Elle nous a tous invité pour aller à
cette réception, qui avait eu lieu par un soir magnifique de la
fin de l’été, c’était plus ou moins le trois ou le quatre
septembre, j’ai oublié exactement la date. Puis, à cette
réception-là, évidemment, j'étais invité parce que j'étais d'âge
militaire, les jeunes américains, parce qu'il y avait beaucoup
de familles américaines qui allaient à la La Malbaie, étaient
là, elle-même était américaine. Puis..., y'avait évidemment
d'autres canadiens de mon âge. On était tous là, enfin, à cette
affaire. Puis, elle avait fait v'nir l'orchestre du Manoir
Richelieu, qui jouait, enfin, les morceaux de la première guerre:
Over There, Tipperary…It's a Long Way To Go, puis Pack up Your
Troubles, c'que vous voudrez. Pis, finalement, elle avait eu,
elle avait fait un discours. Elle avait souhaité bonne chan...
chance à tous les Canadiens parce qu'elle était Américaine. Pis
elle avait dit que l'amitié des Américains s'rait toujours là,
que l'aide des Américains viendrait, que les Américains,
peut-être, se joindraient aux Canadiens dans l'effort qui était
fait contre la tyrannie nazie, enfin tout c'qui s'dit dans des
discours. Pis, elle avait souhaité bonne chance à tout le monde.
Mais quand j'pense à cette réception en ce soir extraordinaire
du 3 ou du 4 septembre, y'avait là les deux Rowley, Roger Rowley
et John qui étaient mes amis d'enfance. Roger vit encore. Il est
dev'nu général dans l'armée. Il a eu DSO, deux fois. J'étais
très intime avec son frère John, qui lui aussi s'est enrôlé.
Puis, John avait toujours été, lui, élevé en Angleterre. Il
parlait l'anglais avec un accent britannique. Puis, il est entré
dans l'armée lui aussi. Il est dev'nu commandant du North Shore
Regiment. Puis, il a été tué une demi-heure avant qu'j'sois
blessé, en Allemagne, dans la bataille de Lockvale. Et le
hasard a voulu que, tout à coup, on arrive face-à-face. John
‘tait content d'me voir. Il m'a dit: « Hello Pierre! How are
you? » dans cet accent Britannique, donc j'viens d'faire
mention. Pis moi, j'ai dit : « Well, John, it's nice to see you.
I just saw that you made it to the command of the North Shore
Regiment. Congratulations. » « Well, I'll do my best. » Une
demi-heure après, un obus est arrivé, pis l'a tué. C't'a dire
même pas une demi-heure après, à peu près, oh j'dirais cinq
minutes après, j'ai entendu l'obus qui l'a tué. Pis moi, une
demi-heure après j'étais moi-même blessé. Mais ça c't'une autre
affaire. Y'avait là également Charlie Hill, le fils d'Éric Hill
d'Ottawa qui lui a joint les Queen's Own Regiment. Y'a été tué
lui aussi au moment du débarquement, ou quelques jours après
l'débarquement, en Normandie. Y'avait là les Kennedy, trois
Kennedy, qui ont été tués également tous les trois. Y'avait Bill
O'Brien qui est encore de c'monde, mais qui est horriblement
malade, victime de ses blessures. C't'un gars qui doit avoir à
peu près l'même âge que moi, peut-être 82. Vous l'connaissez
peut-être Bill O'Brien, puis y'est très malade, très souffrant.
Et, y'avait là son frère Stuart qui a été tué également dans
l'aviation. Y'en avait eu, y'avait également Paul Major, qui lui
était dans la marine, et a été appelé à commander le
Sainte-Croix, qui était un destroyer canadien qui a été détruit
et coulé dans l'espace de quelques minutes, en frappant une mine
quelque part dans l'Atlantique. Autrement dit, cette
extraordinaire réception, qui a été… où tous mes amis d'enfance
se trouvaient, savez-vous, a été marquée par passablement de,
de désastres. Plusieurs des autres qui étaient là ont été blessés
dont moi. Y'en a d'autres évidemment qui ont réussi à s'en tirer.
Mais… c'est une, c't'un souvenir enfin qu'j'ai.