Il y avait un village où on allait chercher le fuel d'avion.
Ce village-là, c'était un village d'Albanais et de Serbes qui
étaient mariés ensemble. Un moment donné, je me souviens,
les Serbes ont pris leur propre monde, les Serbes,
ils les ont fait sauter avec des grenades puis y'ont fait passer
que c'était les Albanais qui avaient fait ça.
Ça fait que, tu sais, quand tu vois ça, tu dis,
bien voyons donc, tu sais, j'oserais même pas, tu sais,
penser faire une chose comme ça là. Ça fait que, tu sais,
tu vois ça des affaires de même là puis,
tu sais c'est vraiment aberrant de voir qu'il y a du monde qui
pense de même. Pour montrer que les autres sont méchants,
ils tuent leur propre monde, tu sais, ça c'est du stock là.
Quand j'étais revenue, j'étais vraiment impatiente avec la
population qui chialait pour rien. Même encore aujourd'hui,
j'ai de la misère avec ça, que ‘mettons que je m'en vais à
l'hôpital puis j'attends pour un rendez-vous puis que j'entends
du monde chialer, j'ai de la misère à rien dire.
Tu sais, au moins on en a un système de santé.
Tu sais, je vais aller... ça m'est arrivé, un moment donné,
d'avoir été dans un IGA, puis le gars en avant de moi a commencé
à crier après la caissière; il disait : « Hé, dépêche-toi là,
je commence à une heure. » Il était une heure moins dix,
puis moi je me suis virée vers le monsieur et puis j'ai dit :
« Monsieur, vous le saviez que vous commencez à une heure,
vous aviez rien qu'à arriver avant, arrêtez de crier après. »
J'ai pas été capable de m'empêcher, c'est des affaires
comme ça qui ont fait que ma vision des choses a changé.
J'étais humaine, mais je ne m'arrêtais pas à des petites
affaires. Aujourd'hui, je vais m'arrêter,
puis je le fais avec... tu sais, je le fais avec coeur,
puis je le fais avec... c'est spontané. J'aidais avant,
mais j'aide encore plus aujourd'hui.
Tout ce que j'ai aujourd'hui là, que ce soit matériel ou que ce
soit individuel, ou que ce soit dans mon coeur là, je l'apprécie.
Puis, je remercie là tout le temps, dire oui...
puis, tu sais il y en a qui ont des maisons,
ils ont des gros bateaux, ils ont des gros chalets et c'est
jamais assez. Mais moi, je remercie pour ce que j'ai,
je l'apprécie. C'est ça, je me suis arrêtée à ça.
Si demain matin on me demanderait d'y retourner,
en sachant ce que je sais, j'irai pas. Mais, par contre,
d'un autre coté, ce que j'ai vécu,
si aujourd'hui je suis - j'ai grandi intérieurement puis que je
vois la vie d'une autre façon - mais je remercie Dieu de me
l'avoir fait connaître. Ou je remercie d'être comme je suis
aujourd'hui, puis si je suis ce que je suis aujourd'hui,
c'est par rapport à ces expériences-là.
Puis j'en suis fière parce qu'aujourd'hui je travaille avec les
gens. J'aide beaucoup les gens avec le stress post-traumatique,
puis c'est ça ma job aujourd'hui. Puis j'en suis fière parce que
c'est par rapport à ça qu'aujourd'hui je fais ce que j'aime.
Puis je raconte des gens que j'aime et
c'est à cause de cette expérience-là.