Personne ne veut faire une patrouille
La patrouille c’est parce qu’on s’en va, le soir, disons qu’on est comme en Hollande,
à Nijmegen, Nimègue qu’on appelle, il y avait un pont stratégique qu’on avait la garde,
nous autres, le régiment était sur une ligne. Les Allemands étaient en face,
c’était une grande plaine. Les Allemands étaient à peu près à deux,
trois kilomètres eux autres aussi de leurs lignes, nous autres on était
face à face. Puis le soir, on pouvait sortir, rien que le soir.
Le jour, on sortait pas parce que on se serait fait tuer
un ou l’autre. Mais pour être sûr qui va déraper le premier,
le soir on faisait des patrouilles. Il a des,
des maisons désaffectées. Disons qu’entre les deux lignes,
il y a des cabanes, des… ça dépend, des, des terres,
là, puis il y a des granges. On partait avec une patrouille, huit hommes,
avec distance, puis on s’en va dans un points précis avec
un genre de téléphone. Puis là, il faut rester là
pendant toute la nuit. Les Allemands font la même chose.
Des fois, on les voyait passer, ça dépendait de la lueur de…
L’Allemand, les Allemands passent, puis on a peur de tirer,
pour pas dévoiler nos positions.
C’est rien que pour voir si il y a des mouvements stratégiques qui se font.
Fait que ils font ça à différentes places de même. Mais c’est pas
facile parce que je me rappelle, qu’un soir, je suis dans une maison,
comme on dit, puis si on ose avancer un peu, toutes les vitres
sont cassées à cause des bombardements, puis tout, ça craque.
Puis on entend les chums parfois qui crient « tabarnak!
Pas de bruit câlisse! » Tsé, la nervosité… puis on parle pas… (rire)
Là, on en voit passer une gang, puis on sait pas
si c’est des Allemands, là. Des fois, on peut les
détecter, mais ils se promènent. On a des patrouilles à différents stages,
parce que on est sur une ligne, un régiment, huit cents hommes.
On est un peu partout, là. Là c’est vrai que c’était des
tranchées qu’il y avait là. En arrière, il y a des granges, on peut aller,
on peut sortir le soir à la noirceur. On allait manger du gruau en
arrière, du gruau chaud dans la grange, puis on fumait
une cigarette, puis aller se reposer un peu. Là, marcher le, le soir, là,
parce qu’à un moment donné, si il y en a un qui ouvre le feu,
l’un ou l’autre on est faits. C’est pour ça que les volontaires,
quand ils disent « volontaires », il y en a trois sur huit, ils disent :
« toi, toi, toi, vas y ! » J’y ai été rien qu’une couple de fois,
puis merci mon dieu ! (rire) Ça prend des nerfs. Il y en a qui
sont peureux plus que d’autres, mais quand qu’on a hâte de s’en
retourner, là c’est qu’on s’en retourne en maudit. Faut marcher un
peu distancés, puis les ordres étaient si les
Allemands me pognent, il y avait une petite ligne
téléphonique qu’ils avaient mis temporaire,
parce que sur la ligne, ils avaient hâte de tirer là-dessus pour
qu’ils ouvrent le feu pour nous protéger. Mais, la patrouille c’est…
la patrouille, c’est la patrouille. Il y a des fois que c’est parce qu’il y en a qui allaient,
qui faisaient, moi j’ai été chanceux, il y en a qui allaient quand qu’il pleuvait.
Ça c’est pire parce qu’il y a pas de clarté, il y a rien, là. Quand il pleut
il y a, il y a pas de chance d’avoir un clair de lune que tu peux éliminer un peu.
Moi c’est pour ça que dans les tranchées, dans les, dans ces cas-là, moi,
quand que c’était le soir, quand on devenait nerveux, on tirait des fois une
grenade de temps en temps. On tirait une grenade au bout des bras.
Ça faisait nettoyer comme on dit, en avant, au cas ou, ça te calme les nerfs.
Il y a des choses qu’on apprend, ça aussi, avec l’expérience.