Enrôlement
Force régulière 1979, Force de réserve 1992
Affectations
- BFC Chilliwack,
- BFC St-Hubert,
- BFC Portage la Prairie,
- BFC Winnipeg,
- QGDN Ottawa;
pour la Réserve
- BFC Trenton,
- BFC Cold Lake,
- BFC Edmonton
Médailles
- CD (seconde barrette en juillet 2025)
- Médaille du souverain pour les bénévoles
Ce contenu fait référence au suicide. Si vous pensez au suicide ou si vous vous inquiétez pour quelqu’un que vous connaissez, appelez ou envoyez un texto au 9-8-8 à tout moment pour obtenir de l’aide. Peu importe ce que vous vivez, sachez que vous n’êtes pas seul.
Si vous êtes un vétéran ou une vétérane, un membre de la famille ou un aidant, le soutien d’un professionnel de la santé mentale est disponible gratuitement 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Composez le 1-800-268-7708.
Un naturel
Avant même de terminer son secondaire, Steven Deschamps a appris à voler.
Le jeune cadet de l’air Steven salue devant un cénotaphe local, prêt à commencer sa carrière dans les Forces armées canadiennes.
Né dans une famille de militaires à Cornwall, en Ontario, Steven a suivi ses frères aînés et s’est joint aux cadets de l’air. À la fin de ses études secondaires, il savait déjà piloter.
« Quand on aime faire quelque chose, on le fait généralement bien, dit-il. Je suis devenu pilote dans les cadets et j’ai appris à voler, et j’ai commencé à penser que ma carrière serait celle d’officier de l’armée de l’air. »
Après avoir obtenu son diplôme, Steven a envisagé de s’enrôler dans les Forces armées canadiennes (FAC) par l’intermédiaire du Programme de formation des officiers − Force régulière (PFOR) et de fréquenter un collège militaire. Mais il y avait une complication.
« Même si je ne peux pas dire que je savais que j’étais gai, il y avait des indices qui suggéraient que ce n’était pas une bonne chose de m’enrôler. Si vous aviez 18 ou 19 ans en 1979, ce n’était pas un endroit sûr pour « sortir du placard ».
« Si l’on savait que vous étiez gai, vous étiez discriminé de nombreuses manières : mis à l’écart par votre entourage, les employeurs ne voulaient pas de vous dans leurs parages. Alors vous vous assuriez de ne pas le montrer. »
Être homosexuel était également une raison pour être renvoyé de l’armée canadienne en 1979. « Je me suis dit que si j’allais au collège militaire et que quelque chose tournait mal, je devrais rembourser au gouvernement une somme importante pour ma dette d’études. »
Steven Deschamps, en avant au milieu.
Steven a plutôt choisi de prendre part au programme Enrôlement direct en qualité d’officier (EDO) après avoir terminé un programme de trois ans au Collège Saint-Laurent à Cornwall.
Steven Deschamps réalise son ambition de toujours : devenir pilote.
« En 1979, j’ai assouvi l’ambition que j’avais depuis toujours. Cela faisait huit ans que je portais l’uniforme à ce moment. Je connaissais le système et je m’y plaisais beaucoup. Je me suis engagé dans les forces armées comme officier de la force régulière pour devenir pilote. »
En 1980, Steven a été affecté au 10e Groupe aérien tactique de la base des Forces canadiennes (BFC) Saint-Hubert à Montréal pour suivre une formation en cours d’emploi en tant que pilote en attendant qu’une affectation s’ouvre à l’école de pilotage. C’est à cette époque qu’il a rencontré Denis. « J’ai 22, 23 ans, je suis maintenant sous-lieutenant et je tombe amoureux. Et bien sûr, le message arrive : « Vous êtes affecté à Portage la Prairie, au Manitoba, pour apprendre à piloter. »
La relation à distance est devenue trop difficile. Steven a demandé à être libéré de la formation de pilote et a accepté un poste d’agent des relations publiques à Ottawa pour être près de Denis. Là, il a emménagé dans un appartement avec lui. « Mon copain et moi pouvions passer pour des colocataires. C’était la pseudo-relation dans laquelle nous devions nous cacher. »
Victime de la Purge LGBT
Steven Deschamps alors qu’il était jeune officier de l’armée de l’air.
En avril 1982, il a reçu une convocation pour se soumettre à une vérification des antécédents auprès de l’Unité des enquêtes spéciales de la base de l’Aviation royale canadienne (ARC) d’Ottawa-Nord, également appelée Rockcliffe. Deux sergents en civil l’ont emmené dans une pièce sans fenêtre, où ils lui ont montré une lettre anonyme affirmant qu’il était gai.
« Je crois que j’ai arrêté de respirer à ce moment-là. Pendant les cinq heures qui ont suivi, ils m’ont interrogé. D’où venait cette lettre? Je n’en avais aucune idée, et eux non plus. »
L’interrogatoire est devenu de plus en plus agressif. « À un moment donné, je leur ai simplement dit ce qu’ils voulaient savoir et j’ai dit : Je suis gai. Puis ils ont voulu en savoir plus. Qui connais-tu? Où vas-tu pour rencontrer d’autres homosexuels? Et puis des questions très personnelles sur ma vie sexuelle. »
« Si j’avais eu le droit d’avoir un avocat, rien de tout cela ne serait arrivé. Au cours des interrogatoires, nous avons été privés de tous nos droits légaux et on nous a ordonné de ne parler à personne de l’enquête, pas même à un prêtre. »
Mais c’était en 1982, et selon l’Ordonnance administrative des Forces canadiennes (OAFC) 19-20, l’homosexualité était un motif de libération. Les interrogateurs l’ont également menacé de prison s’il parlait de l’événement.
Le rêve de Steven Deschamps de devenir pilote s’est évanoui rapidement à mesure que les interrogatoires de la Purge LGBTQ se poursuivaient.
Le brigadier-général de sa division lui a dit qu’il était une honte pour les forces armées et le peuple canadien, et particulièrement pour son unité. Mais ce ne fut pas la seule humiliation.
« On m’a fait promener dans tout le quartier général de la Défense nationale pour ma libération. C’était vraiment étrange, car c’était comme être exhibé dans une prison. Les gens chuchotaient « il est gai » ou quelque chose comme ça. Un policier militaire m’a emmené à la porte d’entrée du QGDN au 101, promenade du Colonel-By, m’a pris mon laissez-passer et m’a ensuite jeté dans la rue.
« Je me souviens avoir pensé que le pont Laurier se trouvait tout près, et j’ai pensé que si je sautais, tout pourrait s’arrêter. Mais je me suis dit que le pont n’était pas assez haut pour me tuer et que personne ne saurait pourquoi j’avais voulu me suicider. »
Ce renvoi lui a pesé lourd. « Je souffrais de stress post-traumatique, mais je l’ignorais. Je buvais beaucoup par moments. »
« Je pensais être le seul. C’était quasiment le cas pour nous tous. Plus tard, en discutant avec d’autres survivants de la Purge, j’ai découvert qu’ils avaient vécu la même chose. Nous pensions tous être les seuls à qui cela était arrivé, nous n’avions aucune idée qu’il s’agissait d’une purge, d’une opération très importante. »
Mais Steven Deschamps s’est montré résilient, malgré le peu de crédit que les FAC lui avaient accordé en 1982. Il s’est rapidement orienté vers une autre carrière, en commençant au Collège Algonquin à Ottawa, puis chez IBM à Toronto. « Ma carrière a pris son envol », dit-il. « IBM m’a envoyé dans sa propre école d’ingénieurs et j’ai été formé aux dernières technologies informatiques. »
De nombreuses autres victimes de la Purge LGBT n’ont pas eu sa chance. Beaucoup ont connu la honte et la dépression, en plus d’être mis à l’écart de leur famille et de leur communauté. Certains se sont suicidés.
Steven Deschamps souligne une ironie de son histoire : au moment même où il était renvoyé pour son homosexualité en 1982 à Ottawa, la reine Élisabeth II et Pierre Elliot Trudeau, premier ministre du Canada, signaient la Constitution canadienne qui comprenait la Charte des droits et libertés, une législation interdisant la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.
Dix ans plus tard, il a décidé de s’attaquer à « cet infâme renvoi des forces armées ». Il a demandé à réintégrer les FAC, estimant qu’en cas de rejet, il pourrait invoquer une discrimination en vertu de la Charte des droits et libertés.
Pendant ce temps, une autre survivante, Michelle Douglas, avait lancé une action en justice en vertu de la Charte concernant son renvoi dans le cadre de la Purge LGBT. En octobre 1992, les tribunaux fédéraux ont approuvé un règlement en sa faveur et le Chef d’état-major de la défense a abrogé l’OAFC 19-20 le 30 octobre. Grâce à cette décision, Steven Deschamps a pu s’enrôler de nouveau dans la Réserve.
« Le dénouement qui a eu lieu cet automne-là au centre de recrutement de Vancouver a été extrêmement stressant. Mon commandant avait reçu l’ordre du quartier général de m’inciter à nier mon homosexualité, pour que je prétende que tout cela avait été une erreur en 1982. De cette façon, ils pourraient tranquillement fermer les yeux. Je me rappelle avoir dit à mon commandant : J’ai refusé de mentir en 1982 et ils m’ont expulsé. Et maintenant, le QG voudrait que je mente pour qu’ils me laissent revenir? Je leur ai dit : Ne posez pas la question! »
Le livre était une façon pour Steven Deschamps d’exprimer à quel point il est important de s’accepter les uns les autres.
De retour en uniforme, il a été promu au grade de lieutenant-colonel. Au fil des ans, il affirme avoir été témoin d’une évolution rapide au sein des Forces armées canadiennes.
« À la fin des années 2000, de jeunes officiers ont demandé à servir à mes côtés, car ils savaient que le commandant était homosexuel. C’était un environnement sûr pour eux. »
« Nous devons aller au-delà du jugement des gens à travers le prisme déformé de ce que la société considère comme ''normal''. Ces jugements de valeur ne servent qu’à marginaliser et à diviser. La véritable inclusion commence lorsque nous regardons une personne dans les yeux, que nous la voyons pour qui elle est, et non pour la façon dont les autres la définissent, et que nous nous demandons : Comment puis-je la soutenir? Ce simple changement de perspective peut nous permettre de construire une société plus juste et plus compatissante. » Cette conviction a conduit Steven à publier « My Purge Story: A First Hand Account from a Gay Purge Survivor » (Mon histoire de Purge : témoignage d’un survivant gai de la Purge), racontant ses expériences de renvoi des FAC, puis de ré-enrôlement en tant que personne homosexuelle.
Aller de l’avant
Steven Deschamps a pris sa retraite de la réserve en 2013, mais son service ne s’est pas arrêté là. En 2022, il a été nommé colonel honoraire du 443e Escadron d’hélicoptères maritimes à Victoria, en Colombie-Britannique.
Steven Deschamps veut s’assurer que les histoires de la purge LGBT soient entendues pour éviter que l’histoire ne se répète.
Son uniforme arbore fièrement la citation « Fierté Canada ». Il est l’un des trois seuls membres des FAC à la porter aujourd’hui. Dans sa poche se trouve l’écusson des Vétérans arc-en-ciel du Canada. « J’en suis très fier. C’est le premier au Canada à arborer la couronne royale du roi Charles III. Elle s’appelle la Couronne du Roi du Canada et a été proclamée le 1er mai 2024. C’est la première fois que le roi Charles III accorde du crédit à une organisation militaire homosexuelle. »
« Des artefacts comme celui-ci montrent que les gens prendront notre histoire au sérieux et voudront mieux la comprendre, pour qu’elle ne se répète jamais. »
Avec courage, intégrité et loyauté, Steven Deschamps laisse sa marque. Il est l’un de nos vétérans des Forces armées canadiennes. Découvrez d’autres histoires.
Jusqu’au début de 2026, le Musée canadien pour les droits de la personne présentera l’exposition Amours cachés : La purge LGBT au Canada pour mettre en lumière davantage d’histoires de survivants de la purge LGBT. Il y a aussi une expo-kiosque itinérante.
Le bien-être de nos vétérans et vétéranes est au cœur de tout ce que nous faisons. Dans cette optique, nous reconnaissons, honorons et commémorons le service de tous les vétérans et toutes les vétéranes du Canada. Apprenez-en plus sur les services et les avantages que nous offrons.
Si vous êtes un vétéran ou une vétérane, un membre de la famille ou un aidant, le soutien d’un professionnel de la santé mentale est disponible en tout temps et gratuitement. Composez le 1-800-268-7708.