Pascal Kanyemera

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Pascal Kanyemera

Trente ans plus tard, un survivant Tutsis du 1994 génocide des au Rwanda fait part de ses réflexions

Ottawa (Ontario)

Introduction

Par un chaud après-midi d’avril en 1994, Pascal Kanyemera, alors âgé de 16 ans, a entendu de la musique classique à travers les fenêtres de son pensionnat dans l’ouest du Rwanda. « Au Rwanda, quand quelqu’un meurt, on fait toujours jouer de la musique classique », se souvient-il.

Lorsque la musique s’est arrêtée, une voix dans les haut-parleurs a annoncé que l’avion transportant le président Juvénal Habyarimana, membre de la majorité hutue, avait été abattu alors qu’il s’apprêtait à atterrir à Kigali, la capitale du Rwanda.

« Je pensais que tout irait bien – je n’avais aucune idée de ce qui allait arriver. »

Ce qui allait arriver était le pire génocide depuis l’Holocauste et le meurtre de nombreux membres de sa famille alors que les Hutus ont massacré 800 000 Tutsis en 100 jours environ.

En souvenir de ceux et celles qui sont morts

Maintenant âgé de 45 ans, Pascal est le président de l’Association Humura, une organisation canadienne à but non lucratif créée en 2001 par des survivants et survivantes du génocide vivant dans la région d’Ottawa-Gatineau.

La vision du groupe est de contribuer à un monde sans génocide et autres crimes contre l’humanité grâce à la préservation de la mémoire, à l’éducation, à la sensibilisation et à la défense des intérêts des victimes. Pour Pascal, l’une des façons de participer consiste à raconter sa propre histoire.

Il est né dans une famille tutsie « bonne et aimante » en 1979 et a vécu une enfance heureuse dans l’ouest du Rwanda, avec ses cinq frères et sœurs. La famille était plutôt aisée : ils allaient à l’église le dimanche et ses deux parents enseignaient au secondaire. Il ne s’est jamais senti différent des autres.

Tout a commencé à changer en octobre 1990, lorsque des soldats du gouvernement à bord d’une Jeep militaire se sont arrêtés devant l’école où enseignait le père de Pascal et l’ont emmené avec eux.

Les soldats se sont rendus à la maison familiale des Kanyemera pour vérifier si son père possédait une arme à feu. Son père les a soudoyés pour qu’ils partent sans lui.

Les voisins ont commencé à chuchoter qu’il était impliqué dans une quelconque activité criminelle. Craignant pour leur sécurité, ils ont déménagé et intégré une autre école.

Ciblé

Deux ans plus tard, le professeur de Pascal a demandé aux Tutsis de se lever en classe. Quand six ou sept d’entre eux l’ont fait, tout le monde a ri.

« Je suis rentré à la maison et j’ai demandé à maman, pourquoi? Elle a dit “ne t’inquiète pas pour ça, ces enfants sont stupides”. Mais j’ai commencé à y penser, j’ai commencé à voir que j’étais différent », dit-il.

Lorsque le génocide a commencé, lui et ses camarades de classe se sont enfermés dans la cafétéria alors que les milices hutues encerclaient l’école, rassemblant et tuant les Tutsis.

« Le directeur a essayé de calmer les élèves », se souvient-il.

 À l’extérieur de l’école, son père, ses frères, oncles, cousins et amis ont été assassinés.

Il ne l’a pas su sur le moment, car il a été protégé à l’intérieur de l’école pendant un mois et demi jusqu’à ce qu’il retrouve sa mère et ses trois sœurs dans un camp de réfugiés dirigé par des soldats français.

Même si les retrouvailles avec les membres féminins de sa famille ont été un soulagement, les conditions de vie étaient difficiles et la nouvelle de la mort de nombreuses autres personnes a été dévastatrice.

« C’était très difficile nous étions 8 000 Tutsis dans le camp », dit-il, ajoutant qu’il avait appris plus tard que le plan des extrémistes hutus était de tous les tuer. À la mi-juillet, les soldats Canadien de la mission des Nations Unies l’ont emmené à Kigali où il a retrouvé ses deux tantes qui avaient survécu.

« C’était un réconfort.  Je me suis senti rassuré sur le chemin de Kigali que rien ne nous arriverait », dit-il.

« C’est la fin de cette horreur. »

À Kigali, lui et les membres survivants de sa famille ont été soutenus par les Casques bleus et ont pu quitter le pays.

Un nouveau départ

Il a émigré au Canada en 1998 et s’est inscrit à l’université à Montréal. Sa mère est arrivée deux ans plus tard.

« Il n’y avait pas d’avenir au Rwanda, je suis reconnaissant d’avoir pu venir au Canada », dit-il.

« Je savais que je devais aller à l’école et construire ma vie. »

Après avoir étudié l’anglais à Edmonton, il a déménagé à Ottawa en 2015 et s’est impliqué auprès d’organisations de survivants.

Trente ans plus tard, la douleur du génocide est toujours vive pour lui, comme pour de nombreux survivants. Ils se soutiennent mutuellement pour obtenir de l’aide professionnelle afin  faire face aux conséquences durables et de se souvenir de ceux qu’ils ont perdus.

Un génocide prend tout ce qui vous est cher, dit-il.

« Je me sens obligé de veiller à ce que la mémoire de ceux qui ont été tués ne soit jamais oubliée.

On essaie d’avancer, mais la blessure est toujours là. »

Aujourd’hui, il dit qu’il trouve des choses positives dans la vie auxquelles il peut s’accrocher pour pouvoir avancer.

Il affirme que certains survivants ont réussi à surmonter cette situation et à construire leur propre vie. Mais certains luttent contre la maladie mentale et les dépendances. Son groupe s’efforce de les défendre et de les soutenir.

Il dit que vivre au Canada offre une tranquillité d’esprit et la chance pour les survivants de vivre une vie bien remplie et en sécurité.

Les Forces armées canadiennes (FAC) au Rwanda

Entre 1993 et 1996 environ 1 300 membres des Forces armées canadiennes ont servi au Rwanda. Les tâches des gardiens de la paix canadiens et des autres gardiens de la paix de l’ONU au Rwanda étaient extrêmement difficiles. Au début, le Canada ne comptait que deux officiers supérieurs – le major-général Romeo Dallaire et son principal adjoint, le major Brent Beardsley. Lorsque le génocide a commencé, d’autres membres des FAC se sont joints à eux.

Les Canadiens ont été parmi les premiers gardiens de la paix à arriver après le génocide. Leurs fonctions les obligeaient souvent à se rendre en petits groupes dans des zones isolées. Ils ont vu les horribles conséquences du génocide, avec d’innombrables corps partout. Les règles d’engagement strictes empêchaient toujours les soldats canadiens d’intervenir lorsqu’ils étaient témoins de nouvelles violences. Parfois, ils rencontraient également des gangs armés et devaient désamorcer l’impasse.

Selon les mots du major-général Dallaire, ces contributions des FAC au peuple rwandais n’étaient « rien de moins qu’un cadeau du ciel. » Le Canada a reconnu les efforts considérables des généraux qui commandaient les missions de maintien de la paix de l’ONU au Rwanda. Le major-général Dallaire et le major-général Guy Tousignant ont tous deux reçu la Croix du service méritoire pour leur leadership face à certaines des pires conditions imaginables.

 

Si vous êtes un vétéran ou une vétérane, un proche ou un aidant d’un vétéran, vous pouvez obtenir gratuitement le soutien d’un professionnel de la santé mentale. Composez le 1-800-268-7708 pour plus de détails.