Lloyd Berryman

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Lloyd Berryman

En juin 2004, le capitaine d'aviation Lloyd Berryman est retourné en France au sein de la délégation commémorant le 60e anniversaire du Jour J et de la bataille de Normandie. Il a relaté ses expériences et partagé des anecdotes de son service pendant la Seconde Guerre mondiale dans un livre intitulé « Un aviateur se souvenient».

Burlington, Ontario

Mon retour en Normandie

Mon expérience à titre de pilote de chasse d'un Spitfire au cours de la Seconde Guerre mondiale, pour restaurer la liberté et la justice, a eu une influence déterminante dans ma vie.

L'objectif de cet ouvrage, faire le point sur un éventail d'événements qui ont eu lieu tant hier qu'aujourd'hui, et qui sont des leçons d'humilité. Je le fais dans l'espoir que cela permettra de mieux comprendre le rôle prépondérant qu'a joué notre pays dans la victoire des Alliés au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Le jour J fut la plus importante invasion maritime de l'histoire. En tant que commandant suprême des Forces alliées, le général Dwight David Eisenhower a porté sur lui ce jour-là le poids de sa responsabilité sous la forme d'une note qu'il aurait rendue publique advenant un désastre. Cette note se lit comme suit:

« Nos opérations de débarquement ne nous ont pas permis de prendre pied de manière satisfaisante. J'ai donc ordonné un retrait de la force d'invasion. Nos troupes, la force aérienne et la marine ont fait tout ce que la bravoure et le sens du devoir peuvent permettre de réaliser. S'il y a lieu d'attribuer le blâme ou la faute à qui que ce soit, c'est moi seul qui dois en être tenu responsable ».

Arrivée à Ottawa

Le mardi 1 juin 2004

Lloyd Berryman et ses amis Charlie Fox et Barry Needham.

Mon voyage en Normandie commença à Burlington, en Ontario. Vu les conditions orageuses, notre départ d'Hamilton a été retardé d'environ quatre heures. Après arrivé à Ottawa je me suis rendu pour accueillir mon vieil ami et confrère du 412e Escadron, Barry Needham, qui arrivait de Wynyard, en Saskatchewan.

Nous nous sommes risqués à nous rendre dans un piano-bar sur la rue principale à Ottawa. On s'apprêtait à fermer mais lorsque le propriétaire a eu vent que nous étions des anciens combattants en partance pour la Normandie pour célébrer le 60e anniversaire du jour J, il a décidé de repousser l'heure de fermeture et de se joindre à nous.

Arrivée en France

Le jeudi 3 juin 2004

FQuatre très gros autocars ont été nécessaires au transport de 60 anciens combattants, de 30 jeunes et d'environ une dizaine d'employés du ministère des Anciens Combattants. Seize anciens combattants étaient en fauteuil roulant, y compris Ernest (Smokey) Smith, le dernier Canadien encore en vie à avoir été décoré de la Croix de Victoria.

Nous avons touché le sol à environ 8 h 30, heure locale, à la base aérienne d'Evreux en Normandie et des dignitaires français nous ont personnellement l'autre dès notre descente d'avion.

Le premier événement

Le vendredi 4 juin 2004

Les anciens combattants canadiens défilent en grand à bord de véhicules dépoque de la Seconde Guerre mondiale fournis par des restaurateurs amateurs néerlandais.

La première activité au programme fut un défilé à Saint-Aubin-sur-Mer, petite communauté située à l'est de la plage Juno. Le lieu de rassemblement pour tous les participants de cette parade était situé à environ un mile à l'extérieur de la ville. Il y avait un grand nombre de véhicules de transport de la Seconde Guerre mondiale stationnés le long de la rue. Nous allions défiler dans les rues de Saint-Aubin en grande pompe à bord de ces jeeps et de ces camions restaurés avec amour.

Je suis monté à bord d’une jeep en compagnie de mes deux amis, le capitaine d'aviation Charley Fox de London, en Ontario, et le capitaine d'aviation Barry Needham.

Plus nous approchions des abords de St-Aubin, les citoyens saluaient par des acclamations et étaient exaltés et amicaux. Pratiquement chaque maison devant laquelle nous passions arborait un drapeau canadien et chaque jeune à St-Aubin brandissait notre feuille d'érable de faire nous savoir aux Canadiens à quel point ils sont appréciés.

Lloyd, Charlie et Barry voyagent ensemble dans un véhicule militaire restauré.
 

La Gouverneure générale du Canada, Adrienne Clarkson, est arrivée et a exprimé, d'une manière très éloquente, l'appréciation de tous les anciens combattants pour l'accueil chaleureux envers à nous par la ville et ses habitants.

Le maire a tenu à rencontrer chaque anciens combattant présent et à lui offrir une médaille d'une signification toute particulière. Pour ma part, j'attendais avec impatience l'occasion de serrer la main au plus grand nombre de jeunes possible et de donner à chacun une petite épinglette du drapeau canadien en souvenir de nous.

La promenade dans les rues bondées de St-Aubindans les véhicules armés restaurés et l'accueil coloré des enfants ont été rien de moins que magiques.

Nous rendons hommage aux disparus

Le samedi 5 juin 2004

La Dernière Sonnerie est jouée à la cérémonie tenue au Cimetière militaire canadien de Bény-sur-Mer, près de Reviers, en France, le 5 juin 2004.

Notre première halte de la journée était une cérémonie commémorative à Courseulles-sur-Mer, un des trois sites d'atterrissage des canadiens le jour J.

Cette ville est l'endroit où se trouve le Centre Juno Beach, un musée hors du commun qui met en valeur la contribution des soldats canadiens dans la Seconde Guerre mondiale.

Beny-sur-Mer

Ce musée se trouve à courte distance de Bény-sur-Mer, un lieu d'une signification particulière pour moi. En effet, c'est là que la 126e Escadre, composée de trois escadrons Spitfire canadiens, a été stationnée le 19 juin 1944, soit à peine deux semaines après le jour J. Notre piste d'atterrissage, du nom de code B-4, nous a servi de base pendant 51 jours alors que la bataille de Caen faisait rage à moins de six kilomètres de là.

Aujourd'hui, nous participions à une cérémonie commémorative au Cimetière militaire canadien de Bény-sur-Mer. Peu d'anciens combattants, s'il y en avait, étaient conscients de la signification spéciale que ce lieu représentait pour deux pilotes, dont moi-même.

En juin 1944, on comptait 14 bases aériennes en Normandie qui représentaient la majeure partie de la capacité d'offensive totale de la Deuxième force aérienne tactique qui comprenait Spitfires, Mustangs et Typhoons, un chasseur bombardier.

Nous volions au-dessus de la Manche trois fois par jour, de l'aube jusqu'au crépuscule, afin de couvrir la plage Juno pour la 3e Division canadienne et la 2e Armée britannique. Ces opérations étaient interrompues au crépuscule car les Spitfires étaient des chasseurs de jour qui n'étaient pas faits pour les combats de nuit.

En tout, nous devions être un millier d'officiers et d'hommes sur ce terrain d'aviation, plus grand, soit dit en passant, que nombre de collectivités en Normandie. Notre piste d'atterrissage était en treillis métallique, d'une largeur d'environ 55 mètres et d'une longueur dépassant à peine un kilomètre. De cet endroit, 36 Spitfires et trois escadrons comptant 12 avions chacun prenaient régulièrement leur envol et atterrissaient plusieurs fois par jour.

Une journée importante

Courseulles-sur-Mer

Le programme de la cérémonie comprend l’image « Incoming » d’Edward Zuber. (Photo : CWM 19890328-008. Collection d’art de guerre Beaverbrook. Avec l’aimable autorisation du Musée canadien de la guerre)

Après avoir reçu le réveil à 5 h 30 et tout en m'apprêtant en vue de cette occasion officielle, je ne pouvais m'empêcher de me rappeler qu'à ce même moment 60 ans plus tôt, j'étais dans l'un des 36 Spitfires survolant la plage Juno.

Deux cérémonies d'envergure étaient prévues ce jour-là. La première était une cérémonie du Commonwealth à Courselles, et la deuxième était une cérémonie internationale des Alliés à Arromanches.

À Courselles, j’ai grimpé en train de monter les marches des grandes tribunes extérieures pour attendre l'arrivée des dignitaires, la Reine Elizabeth II, le Prince Phillip, la Gouverneure générale, Adrienne Clarkson, et le premier ministre du Canada, Paul Martin, pour ne nommer que ceux-là.

Je me retrouvais alors assis avec les dignitaires, juste derrière la Reine Elizabeth II. Après avoir été présenté par le ministre des Anciens Combattants, John McCallum, j'ai eu l'honneur de lire l’Acte du Souvenir. Ma femme, qui était restée à la maison à Burlington, qui regardait tout à fait par hasard, était stupéfaite, tout comme son mari d'ailleurs, mais tout s'est très bien déroulé.

 

La Reine Elizabeth II prononce un discours au service commémoratif du 60e anniversaire, le 6 juin 2004, au Centre Juno Beach de Courseulles-sur-Mer. Je suis derrière elle, à droite.

La cérémonie a pris fin avec le survol d'un bombardier Lancaster et de deux Spitfires de la Seconde Guerre mondiale, vif rappel du rôle crucial joué par la Force aérienne tout au long de la guerre, et plus particulièrement dans la libération de la France.

Malgré les avantages importants que les Alliés possédaient, il ne fait aucun doute que l'invasion de la Normandie n'aurait pas réussi sans notre suprématie aérienne.

Après la cérémonie, pratiquement tous les anciens combattants se sont rendus sur la tête de plage pour réfléchir à qu'ils avaient visitée pour la dernière fois soixante ans auparavant.

Les anciens combattants canadiens passent un peu de temps sur la plage Juno après la cérémonie commémorant le débarquement en France au jour J, le 6 juin 1944. Remarquez les photographes en arrière-plan à qui on a demandé de demeurer à une distance respectueuse.
 

Arromanches

Quelques apparats à la cérémonie internationale à Arromanches en France.

Nous sommes ensuite partis à Arromanches, pour la cérémonie internationale présentée par le gouvernement français, qui réunissait plusieurs chefs d'État des pays allies. De plus, Gerhard Schröder, chancelier de la République fédérale d'Allemagne, était également présent.

Nous avons assisté au discours inspirant du Président de la République française, M. Jacques Chirac, ainsi qu'à une présentation de deux heures, comprenant un défilé des anciens combattants, un défilé aérien et une présentation navale sur la Manche.

 

Une journée à Caen et dans ses environs

Caen

Il était normal qu'on passe une journée complète dans la région de Caen puisque la libération de cette ville avait été essentielle à la défaite des Nazis. Il s'agissait pour eux d'un axe clé de communication et de ravitaillement en Normandie.

La bataille de Caen a duré deux douloureux mois. Le 6 juin 1944, un violent raid de bombardement a eu lieu, déclenchant un incendie qui a ravagé la ville pendant onze jours. Le centre-ville ayant brûlé, les habitants ont trouvé refuge dans l'église St-Étienne. Durant la bataille, plus de 1 500 réfugiés ont campé à l'intérieur de l'abbaye. Par ailleurs, quatre autres mille personnes se sont installées à proximité, à l'hospice Bon-Sauveur.

Au moment où les Alliés sont passés à l'offensive, le préfet et la résistance les ont avertis de la présence de tous ces civils, et ces bâtiments ont pu être épargnés. Les carrières de Fleury-sur-Orne, 1,5 km au sud de Caen, ont accueilli le plus grand nombre de réfugiés. Malgré le froid et l'humidité, des familles complètes ont vécu comme des hommes de cavernes jusqu'à la fin de juillet.

Le Mémorial de Caen

Le Mémorial de Caen érigé par la ville, prend la forme d'un musée pour la paix. Il s'agit principalement d'un lieu de commémoration et de médiation permanente sur les liens qui unissent les droits humains et le maintien de la paix.

La façade du bâtiment de Caen, faisant face à l'Esplanade Dwight Eisenhower, est marquée d'une fissure qui évoque la destruction de la ville et la percée des Alliés qui mena à la libération de la France et de l'Europe du joug nazi. Il s'élève à l'endroit où se trouvait le bunker de W. Richter, le général allemand qui a dû faire face aux Canadiens le 6 juin.

Le temps passé à ce Mémorial était malheureusement compté, car nous devions aller à une autre cérémonie à la Place de l'ancienne boucherie et à la tristement célèbre Abbaye d'Ardenne, où vingt prisonniers de guerre canadiens ont été exécutés sur l'ordre du colonel SS Kurt Meyer.

Photos de quelque-uns des vingt soldats canadiens qui ont été exécutés par le colonel SS Kurt Meyer à l'Abbaye d'Ardenne à Caen. Cette information a été découverte seulement après la guerre, lorsqu'un jeune soldat polonais, enrôlé de force par les Nazis et qui avait assisté au massacre, a raconté son histoire.
 

Un pèlerinage pour dire adieu à Bob Davidson

Tuesday – 8 June 2004

Bob Davidson

Aujourd'hui, le mardi 8 juin, j'ai fait un détour par la délégation officielle pour rendre hommage à un camarade disparu, sous-lieutenant d'aviation Bob Davidson.

Le 27 juin 1944, la 126e escadre se trouvait à Bény-sur-Mer, et j'ai appris que Bob Davidson, un ami de ma ville natale, avait été affecté avec nous. Je me suis donc empresse pour le voir et nous passâmes un excellent moment à discuter de la situation chez nous et je le quittai en lui promettant de nous revoir au plus vite.

Ce ne fut pas le cas...

Le lendemain, l'avion de Bob Davidson a été abattu dans la région d'Argentan en Normandie, pas très loin de notre base principale. Ce fut un grand choc pour moi, et pourtant de par la nature des raisons qui nous rassemblaient tous ici, c'était fréquent, et puis, en 1994…

Norbert Hureau d'Argentan en Normandie, a publié dans le bulletin des pilotes de chasse canadiens, un avis de recherche de quiconque connaissait Bob Davidson. Il était prévu que les anciens combattants canadiens aillent visiter cette région en 1994 pour le 50e anniversaire des débarquements et M. Hureau possédait une bague ayant appartenu à Bob Davidson qu'il voulait rendre à sa famille.

J'ai immédiatement communiqué avec lui et j'ai découvert qu'il avait fait partie de la résistance française. C'est lui qui avait découvert le corps de Bob Davidson et qui lui avait donné une sépulture convenable durant la guerre.

Le cimetière canadien de Cintheaux abrite les corps de 2 959 soldats canadiens qui ont contribué à la libération de la France des forces d'occupation nazies.

This memorial to Canadian pilot Bob Davidson is located in the very spot where he crashed in June 1944.

TPar l’intermédiaire d’un interprète, nous avons convenu de nous rencontrer après la visite de la délégation au cimetière de guerre canadien de Bretteville-sur-Laize à Cintheaux. J'aurais alors l'occasion de rendre hommage à mon ami disparu du 401e Escadron. Cet engagement s'est avéré des plus fatigant.

Finalement, nous sommes arrivés à l'endroit exact où l'avion de Bob Davidson avait été abattu, dans un hameau appelé Courteres. Alors, nous nous sommes dirigés vers sa tombe au cimetière d'une petite église à Lignou. Ce fut un moment à la fois très fort et très difficile pour moi.

Après cela, nous avons rencontré une classe de jeunes attendaient depuis deux heures de rencontrer l'ami du pilote canadien enterré dans leur cimetière.

La dernière demeure de Bob Davidson au cimetière de la petite église de Lignou. Ce fut très émouvant de voir la tombe de mon ami et compatriote aviateur de Hamilton (Ontario).

Quelle journée ce fut malgré mon retour à Deauville à 20 h! Je peux dire que ce fut vraiment touchant pour moi de saluer mon collègue et ami Bob Davidson et de lui dire au revoir.

Partager des histoires

Le mercredi 9 juin 2004

Nous sommes partis avant 8 h pour une autre visite au cimetière de Bény-sur-mer La visite m'a donné l'occasion de me recueillir sur les tombes de mes camarades tombés au combat. La beauté de cet endroit immense inspirerait sans aucun doute un poète et l'inciterait à formuler les émotions qui ont traversé tant d'anciens combattants ce jour-là. L'inscription sur chacune des pierres tombales témoigne du fardeau ressenti par chaque famille au Canada.

De retour à Deauville, après le souper, j'ai eu le plaisir de rencontrer des étudiants de partout au Canada qui avaient été sélectionnés pour participer au pèlerinage en Normandie.

Les étudiants issus de toutes les provinces et de tous les territoires, qui accompagnaient les anciens combattants à l'occasion du déplacement « Retour en Normandie », en l'honneur du 60e anniversaire du débarquement du jour J.

Je n'avais pas préparé de remarques particulières, donc je leur ai parlé de plusieurs membres de l'Escadron « Falcon ». J'ai parlé de John Gillespie Magee, un New Yorkais, qui était venu s'enrôler dans la Force aérienne canadienne et qui, plus tard, a écrit « High Flight » adapté sous le titre Haute voltige, qui est maintenant affiché dans le mess des officiers de toutes les bases aériennes canadiennes.

J'ai évoqué les exploits et le mérite de George Beurling, qui s'est révélé être le meilleur pilote canadien de la Seconde Guerre mondiale. Il avait effectué sa première série de vols opérationnels à Malte, avant de voler avec le 412e Escadron. Il a exercé une grande influence sur ma vie et ma carrière. J'ai raconté comment il m'avait mis dans une ambulance sur le terrain d'aviation de Biggin Hill à cet instant fatidique où j'étais revenu d'une opération d'escorte de bombardiers américains partis à l'attaque d'un terrain d'aviation allemand en France et comme j'ai été triste d'apprendre son départ à mon retour à l'Escadron « Falcon ». J'ai fait part de l'honneur suprême que j'ai eu de pouvoir prendre les commandes du VZ-B, l'aéronef de George Beurling.

Le fait de me retrouver face à des jeunes découvrant l'histoire de Magee et Beurling, et de recueillir des réactions si positives à ma présentation a été de loin l'un des moments forts de mon voyage en Normandie.

Le dernier jour

Le jeudi 10 juin 2004

Le repas d'adieu à notre hôtel était magnifique et la Gouverneure générale s'est surpassée en prononçant un discours chaleureux, louant les vertus de l'armée canadienne d'alors et soulignant le fait que nous étions tous des volontaires décidés à apporter notre contribution.

Après le souper, la personne qui était assise à mes côtés décida de nous quitter pour terminer la préparation de ses bagages, mais je sentais néanmoins la présence d'une personne qui avait pris sa place. Mais voilà, ce n'était pas n'importe qui, il s'agissait de la Gouverneure générale Adrienne Clarkson. Ses premiers mots ont été : « Et bien, parlez-moi du 412e Escadron ».

e lui répondis : « Votre excellence, nous formions un groupe de pilotes remarquables, et l'un d'entre nous en particulier se distinguait des autres par le fait qu'il était l'un des pilotes canadiens présentant les meilleurs états de service de la Seconde Guerre mondiale. Sauriez-vous de qui il s'agit? ».

« Et bien, elle réfléchit une bonne minute avant de me répondre, s'agirait-il de George Beurling? ».

Sa réponse m'émerveilla, ainsi que tous ceux qui l'avaient entendue! Elle ajouta : «Voyez, j'ai grandi à Montréal, et c'est là que George Beurling vivait».

Quelques réflexions finales

Ceci achève mon travail de mémoire et mon « retour en Normandie ». C'est certain, je n'aurais jamais cru, même dans mes rêves les plus fous, pouvoir vivre une expérience aussi fascinante à tous les points de vue.

Dans mes souvenirs de 1944, je n'aurais jamais pu imaginer que la Normandie était une région aussi belle et aussi passionnante.


Le poème « Haut Voltige »

John Gillespie Magee Jr. 412e Escadron, ARC

Oui : j'ai scindé mes liens avec le sol Et valsé dans les cieux avec les fées;  
J'ai fait des soubresauts lorsqu'en plein vol J'ai taquiné les nues rose-argentées.
Sous le soleil j'ai vu la voûte immense, Senti le vent effleurer mes sourcils,
Quand tout-à- coup j'entendis le silence: J'avais vaincu ma peur du grand défi
Toujours plus haut, dans le ciel azuré, Là où les aigles ne sauraient planer,
Moi, j'ai pourtant voulu outrepasser Les bornes du bonheur. Et tendrement
J'osai, au tout sommet du firmament Toucher le front du Dieu omnipuissant.
J'ai quitté les entraves terrestres et dansé dans le ciel sur mes ailes argent ées.
Je suis monté et ai rejoint un joyeux chaos de nuages découpés par des rais de lumière,
Et j'ai vu des centaines de choses merveilleuses dont vous n'avez même jamais rêvé. J'ai glissé, plané, me suis balancé là-haut dans le silence éblouissant de la lumière,
Suspendu dans le ciel, j'ai poursuivi les vents hurlants,
Et lancé ma piaffante monture dans des espaces insondables.
Haut, toujours plus haut, dans un délire bleu et brûlant,
J'ai survolé des sommets balayés par les tempêtes,
Là où nulle alouette, nul aigle même, n'ont jamais volé,
Et alors qu'en silence, mon âme s'élevait vers le sanctuaire céleste,
J'ai tendu la main et j'ai touché le visage de Dieu.
 


Erreur sur la personne

George Beurling décoré de l'OEM, de la DFC, de la DFM et d'une barrette

Le capitaine d'aviation George Beurling était le meilleur pilote de chasse canadien de la Seconde Guerre mondiale, avec 32.5 avions ennemis abattus à son actif.

Surnommé Buzz Beurling par la presse, il est encore célèbre aujourd'hui grâce à ses exploits au-dessus de Malte dans le secteur méditerranéen. Par la suite, il a volé à Biggin Hill au sein du 412e Escadron « Falcon ».

Beurling, comme de nombreux autres pilotes de chasse, inscrivait ses victoires sur le fuselage de son avion, sous la forme de svastikas qui représentaient chacune un homme abattu. Le matricule de son Spitfire était VZ-B. Dans le cas de Beurling, le nombre de svastikas inscrits sur le fuselage de son avion devint rapidement une référence, tant à terre que dans les airs.

Le 21 février 1944, nous nous étions réunis à l'occasion d'un briefing à l'unité de renseignements pour obtenir des précisions au sujet d'un raid de bombardement dans le nord de la Hollande, qui s'avérait être une mission d'escorte visant à couvrir les Marauders américains.

Beurling, cela n'étonnait personne, considérait les missions d'escorte comme improductives face à une force aérienne ennemie à la hauteur. Par conséquent, il procéda à l'effacement de son propre nom sur le tableau détaillant l'affectation des pilotes à leurs avions et mit le mien à la place, chose qui lui était permise du fait de son grade de commandant d'escadrille.

Bien sûr, c'était un honneur de pouvoir voler dans l'avion de George, mais je n'imaginais pas un seul instant ce qui allait se passer sur le terrain d 'aviation de Manston sur la côte est de l'Angleterre, où nous devions faire plein de carburant avant de repartir traverser la Manche.

Au moment où le membre de l'équipe au sol qui me guidait sur la piste remarqua les 32 svastikas inscrits sur l'avion, il se précipita pour appeler autant de monde qu'il pouvait. Bougeant les bras dans tous les sens, comme un fou, il courut vers l'avion pour venir serrer les mains du pilote volant dans l'appareil aux 32 svastikas. Il était persuadé que Manston recevait la visite d'une personne de haute distinction, ce jour-là.

Plus que légèrement embarrassé par la confusion de cette rencontre, j'avais déjà hâte à mon retour à Biggin Hill pour confier à George l'excitation qu'il avait manquée en effaçant son nom du tableau.


L'atterrissage forcé de mon avion

À peine deux semaines après l'épisode de l'erreur sur la personne, on demanda à nouveau à l'Escadron « Falcon » d'escorter des Marauders américains, mais cette fois-ci dans le but de bombarder un terrain d'aviation allemand en France. Il s'agissait d'un trajet de deux jours et demi, avec à nouveau une escale au terrain d'aviation de Manston pour refaire le plein de carburant.

Les Spitfires atterrissent de manière assez particulière, avec le nez de l'avion relevé , ce qui limite la visibilité de la piste. Lors de mon retour à Biggin Hill, notre base en Angleterre, je n'ai eu qu'une seconde pour réaliser qu'un autre pilote de l'escadron venait d'atterrir, et qu'après avoir tourné son avion de 180 degrés, il en était sorti et l'avait laissé sur la piste.

Au moment précis du choc du train d'atterrissage, mon avion a pris feu, et aussi vite que je pus, j'en sortis, et trébuchai sur la piste. Ma première pensée, lorsque je vis les membres de l'équipe au sol venir à mon aide, fut qu'ils n'arriveraient jamais à temps.

j'eus de la chance. Notre médecin put me transporter immédiatement à East Grinstead, après avoir retiré autant de vêtements brûlés que possible. George lui-même m'a aidé à monter dans l'ambulance. Je n'allais plus jamais le revoir.

Le VZ-B était l'avion de George Beurling au sein du 412e Escadron. Après mon accident et la réaffectation de George au Canada, il m'a été attribué.

À mon retour au 412e Escadron, il était rentré au Canada… Mais ses derniers mots, je m'en rappelle comme si c'était hier, étaient : « Ne t'inquiète pas Lloyd, ça va aller ». Quatre opérations ont été nécessaires, mais George avait raison.

Les deux premières, à l'hôpital Queen Victoria, n'y ont rien fait, à la suite de quoi, je suis retourné à l'escadron à Tangmere. J'ai subi deux autres opérations lors de mon retour au Canada, ironiquement au même endroit où j'étais devenu pilote deux ans plus tôt, à la 14e École de pilotage militaire d'Aylmer, Ontario, qui avait été reconvertie en hôpital des Anciens Combattants.

Au total, j'ai effectué plus de 200 sorties dans le cadre des opérations du 412e Escadron.


Premier atterrissage à B-4 – Une livraison peu vraisemblable

Le 13 juin 1944 (jour J +7), le 412e Escadron « Falcon », et d'autres formant la 126e Escadre, se réunirent autour du Lieutenant-colonel Keith Hodson pour faire le point, à la base de Tangmere.

l s'agissait de préciser les détails concernant nos activités, désormais habituelles, de patrouille sur la plage. Mais cette fois-là allait s'avérer différente des autres. Le commandant d'escadre me prit à part pour organiser la livraison d'une cargaison assez importante de bière à destination de notre nouvelle piste d'atterrissage en voie d'achèvement à Bény-sur-mer.

La teneur générale des instructions qu'il me transmettait était la suivante:

« Choisissez deux autres pilotes et arrangez-vous avec le mess des officiers pour vider les réservoirs et les remplir de bière. Quand nous atteindrons la tête de la plage, vous quitterez votre formation et atterrirez sur la piste. On nous a dit que les nazis ont rendu l'eau non potable, donc je pense que cela sera apprécié. Vous n'aurez pas de mal à trouver la piste, le navire de guerre Rodney est actuellement en train de tirer des salves sur Caen, elle se trouve juste en dessous. Nous volerons à plus de 13 000 pieds, je pense donc que la bière sera suffisamment fraîche quand vous arriverez. »

Je me souviens d'avoir appelé Murray Haver de Hamilton et un troisième pilote (dont le nom m'échappe aujourd'hui) pour mener à bien le coup.

Au moment où j'atteignais les 5 000 pieds, la présence imposante du Rodney ne m'invitait pas particulièrement à la descente, mais il était certain que c'était là que je trouverai la piste.

Le train sortit, et on y était, avec trois Spits contenant des réservoirs de 350 litres remplis de bière fraîche.

En roulant jusqu 'au bout de la piste d'atterrissage, j'avais du mal à y voir clair… mais il n'y avait absolument personne en vue. Qu'est-ce qu'on fait maintenant, me suis-je demandé ? Nous n'allons quand même pas nous asseoir ici et attendre que quelqu'un arrive ? Qu'en est-il des moyens de communication?

Finalement, je remarquai quelqu'un qui nous observait de derrière un arbre et, comme un fou, je me suis mis à lui faire des signes des bras, l'invitant ainsi à nous rejoindre auprès de l'avion. Qu'il en fût autorisé ou non, il monta sur l'aile et nous accueillit par un « Mais qu'est-ce que vous foutez là ? » et je le lui dis en quelques mots éloquents.

« Écoutez ! » dit-il, « Vous voyez le clocher de l'église au bout de la piste? Et bien, il est rempli de tireurs d'élite allemands, et nous avons passé la journée à tenter de nous en débarrasser, donc vous feriez mieux de déposer votre cargaison et de ficher le camp avant qu'il ne soit trop tard. »

En quelques instants, nous avions déguerpi le plancher, et c'est ainsi que le premier Spitfire a été accueilli sur notre piste B4 en Normandie.

Cette histoire eut une suite à peine croyable au début des années 1950, alors que j'étais employé par Ford Motor à Windsor. Une personne vint me voir pour me parler de quelque chose et me demanda si j'avais appartenu aux forces aériennes. « Oui, en effet », lui répondis-je.

« Est-ce que par hasard, vous auriez atterri à Bény-sur-mer en Normandie accompagné de deux autres Spitfires dont les réservoirs étaient remplis de bière? » me demanda-t-il.

« Oui, tout à fait », lui répondis-je, « Mais comment êtes-vous au courant de cette histoire? »

« Et bien, je vais vous le dire, » dit-il, « je suis l'homme qui est monté sur l'aile de votre avion et qui vous a dit de ficher le camp. »

Nous avons passé le reste de l'après-midi au milieu des souvenirs.


Qu'est-ce qu'un chasseur de jour?

Les équipages des bombardiers voyaient rarement la Manche ou les zones attaquées.

Pour ceux d'entre nous qui pilotions des chasseurs de jour, notre base d'attache était le pays où nous étions stationnés. Nous connaissions les plages de Normandie car nous les survolions quotidiennement, souvent plusieurs fois par jour.

Les pilotes de chasseurs monomoteurs étaient complètement responsables du décollage et de l'atterrissage. Il était donc essentiel d'être un navigateur compétent puisque les pannes radio étaient fréquentes, faisant en sorte que vous ne bénéficiiez d'aucune aide de la base pour atterrir.

La lecture des cartes était donc essentielle pour atteindre la cible et pour voler en basse altitude afin d'éviter les emplacements de tir de canons antiaériens. Ces tirs nous ont d'ailleurs coûté plusieurs Spitfires, et par le fait même, plusieurs pilotes. Le combat en vol requiert une dextérité acquise principalement à force de manœuvrer un appareil avec succès ainsi qu'une efficacité dans le tir aérien, que nous pratiquions le plus possible. Et la chance aide aussi!

En tant que chasseurs de jour, nous étions également une source de données utiles pour les renseignements militaires. Après chaque vol, nous étions tenus de signaler à notre officier de renseignement quoique ce soit d'important observé.


Qu'est-ce qu'un port artificial « Mulberry » ?

Vu l'absence d'installations portuaires, un quai flottant, connu sous le nom de port artificiel (Mulberry Harbour) a été érigé pour faire entrer les troupes et le matériel en France afin d'assurer la sécurité de la tête de plage.

Peut-être toutes les guerres partagent-elles la constante suivante : les problèmes propres au maintien d'axes de ravitaillement adéquats.

À mesure que les Canadiens gagnaient du terrain par les Pays-Bas, il devenait impératif de libérer un grand port pour permettre le ravitaillement à l'intérieur du continent. Les Canadiens ont joué un rôle décisif dans la libération d'Anvers en Belgique.

Avant cette libération, les Alliés utilisaient deux ports artificiels, connus sous le nom de « Mulberry », un dans le secteur américain et l'autre, pour les Britanniques et les Canadiens à Arromanches.

Le Mulberry du secteur américain a été détruit durant une tempête, peu de temps après le jour J. En revanche, celui d'Arromanches a approvisionné les Alliés pendant dix mois jusqu'à ce qu'Anvers soit libéré

Deux millions et demi d'hommes, un demi-million de véhicules et des tonnes de provisions ont débarqué en Normandie par le port artificiel d'Arromanches.

Lloyd est décédé en 2012. Avec courage, intégrité et loyauté, il a laissé sa marque. Il était un de nos vétérans canadiens. Découvrez d’autres histoires.


Renseignements connexes

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