À la fin des années 1970, une bagarre avec un policier de la GRC – généralement un homme intimidant à la stature imposante – constituait parfois pour un délinquant une occasion de se vanter.
Mais lorsque Jane Hall et les membres de sa promotion sont devenues les premières Canadiennes à servir dans la GRC, elles ont rapidement appris que les tactiques de désescalade leur permettaient de désamorcer des situations houleuses dans les bars afin d’en expulser des hommes costauds qui cherchaient la bagarre pour ensuite les faire monter dans une voiture de patrouille ou les enfermer dans une cellule.
Même le caporal qui s’était opposé farouchement à la présence d’une femme dans sa zone et qui l’avait tenue à l’écart pendant six mois au dépôt de Regina, en Saskatchewan, a commencé à lui faire confiance.
« J’étais maintenant appelée à me rendre sur les lieux », se rappelle Mme Hall.
« Il a commencé à se rendre compte que j’étais capable d’arrêter de très mauvaises personnes.
Normalement (lorsque la GRC se présentait), le combat était déjà engagé et les délinquants cherchaient à se vanter du nombre de policiers qu’il faudrait pour procéder à leur arrestation.
Le privilège de se vanter d’avoir eu le courage de se battre contre un policier de la GRC était encore plus grand si le délinquant avait le dessus dans le combat », dit-elle.
Mais tout cela a pris fin lorsque les premières femmes en uniforme sont entrées en scène.
« Il n’y a pas de quoi se vanter d’avoir frappé une femme, alors si un type avait osé le faire et qu’il était ultimement maîtrisé par quelqu’un comme moi, il aurait été contraint de quitter la ville. »
Originaire de Wolfe Island, en Ontario, Mme Hall était fraîchement diplômée de l’Université Queen’s lorsqu’elle est arrivée au dépôt de la GRC avec le premier groupe de recrues féminines en 1977.
Au cours des deux décennies suivantes, elle a travaillé en uniforme et en tenue civile en Colombie-Britannique : cinq ans à North Vancouver, cinq ans affectée à l’exécution des lois fédérales au quartier général de la Division E, cinq ans à Langley et cinq ans en tant que sous‑officière responsable de la formation à Surrey.
« L’entrée des femmes dans la GRC a bouleversé le monde de la police. C’était une période très stimulante », a déclaré Mme Hall, en ajoutant qu’elle était alors une jeune femme de 23 ans qui « avait l’air encore d’une adolescente ».
« Il était très clair que nous ferions le même travail, mais que nous allions devoir trouver un moyen de le faire différemment.
Nous n’avions pas de modèles, c’était un territoire inconnu. C’était comme faire partie d’une grande expérience sociale qui poussait le féminisme à ses limites. »
Ses collègues masculins ont rapidement compris que la présence de femmes à leurs côtés rendait le travail plus sûr, car elles étaient souvent capables de désamorcer des situations dangereuses.
« Nous avons dû nous familiariser avec toutes les règles, dit-elle. Nous avons dû déterminer celles que nous devions suivre et celles que nous pouvions enfreindre. »
Au cours de ses 21 années de carrière dans la police, Mme Hall a toujours traité les gens avec respect et s’est aperçue qu’ils réagissaient positivement à cette approche.
« Je commençais toujours par leur demander : Que puis-je faire pour vous aider?
Lorsque vous arrêtez des gens, ils ont peur, ils ne savent pas ce qui va se passer... alors prendre quelques minutes de plus pour leur expliquer, ça facilite les choses. »
Après avoir pris sa retraite en 1998, Mme Hall a passé une dizaine d’années à élever ses quatre enfants à Langley, en Colombie-Britannique, et à écrire un livre, The Red Wall – A Woman in the RCMP (Le mur rouge – Une femme dans la GRC), publié en 2008.
« Je voulais reconnaître nos échecs et célébrer nos victoires. La GRC est l’un des symboles nationaux du Canada, c’est pourquoi je tenais à faire les choses de la bonne manière.
Elle dit qu’elle souhaitait écrire un livre pour documenter les expériences des femmes “avant que les souvenirs ne s’effacent et que les pionnières ne disparaissent. »
« Personne ne voulait échouer, si nous parvenions à faire ce travail, nous pouvions faire n’importe quoi, mais si cela s’était avéré un échec, nous savions que la génération suivante allait en payer le prix.
C’était une grande aventure. »