S’évader de la prison de la douleur

S’évader de la prison de la douleur

Un ancien membre de la GRC aide ses collègues à obtenir de l’aide pour l’ESPT

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Transcription : Le retraité de la GRC Paul Woods

Cela a commencé dès la première semaine.

J’étais sur une route principale entre Calgary et Banff. Une jeune adolescente et son petit ami revenaient de Banff, et ils se sont retrouvés du mauvais côté de la route sur une autoroute à quatre voies.

La rambarde s’est rompue et la jeune fille de 16 ans s’est retrouvée prisonnière du garde-corps.

Lorsque j’ai été transféré à Ottawa et que j’ai finalement été envoyé en Haïti, j’ai pris conscience des répercussions que cette mission en Haïti avait eues sur moi.

Et quand je suis revenu de Haïti, j’ai constaté qu’on ne nous offrait pas vraiment d’aide, nous sommes simplement retournés au travail. Et je me suis rendu compte qu’il manque quelque chose – nous sommes trop nombreux à être prisonniers de la douleur. J’avais besoin de trouver une façon d’aider.

J’étais déjà impliqué dans le programme des Forces armées, le SSBSO – Soutien social aux blessés de stress opérationnel (SSBSO) – et j’essayais d’importer ce programme à la GRC.

L’organisation a créé le programme de soutien pour les blessures de stress opérationnel, qui est en quelque sorte une copie du programme SSBSO.

Je crois fermement que si l’intervention est assez précoce, vous pouvez être un meilleur premier répondant, un meilleur policier, parce que vous aurez les outils pour gérer ce stress; vous saurez quoi faire. Vous n’êtes pas brisé pour toujours. Je pense que quelqu’un qui a suivi une thérapie et utilise les outils à sa disposition sera plus fort.

Alors qu’il commençait sa carrière en uniforme dans la GRC en 1974 au détachement des services généraux du Nord en Alberta, le caporal à la retraite Paul Woods a tout de suite été confronté à des situations traumatisantes.

« Cela a commencé dès ma première semaine, alors que j’ai dû intervenir à la suite d’un accident ayant causé la mort de plusieurs personnes, où une voiture était entrée en collision avec une unité de semi-remorque. C’était une famille au complet qui était décédée, essentiellement écrasée sous le semi-remorque lors de ce qui s’est avéré être un meurtre-suicide » dit-il.

« En tant que jeune recrue, j’étais seul et j’avais besoin de l’aide d’un détachement à proximité. J’ai donc dû faire face à cet accident par moi-même (ce qui était normal dans la police rurale de la GRC) pendant une longue période. La réalité m’a frappée : c’était loin de ce que vous voyez à la télévision ou à la police en ville – il n’y a pas des voitures de police à tous les coins de rue, tu es chanceux s’il y a seulement une autre voiture dans ton secteur. »

Lors d’une patrouille routière, il se souvient très bien d’un accident de voiture à grande vitesse qui a grièvement blessé une jeune fille de 16 ans et que « je revois encore dans mes rêves ».

Aider d’autres policiers et leur famille à faire face aux traumatismes et autres conséquences du devoir est devenu une passion pour le caporal Woods. « Je voyais qu’ils étaient nombreux à être prisonniers de leur douleur et à ne pas recevoir d’aide. » Il travaille maintenant comme bénévole de soutien par les pairs et mentor dans le cadre du programme Soutien – blessures de stress opérationnel (SBSO) de la GRC, le programme connexe pour les vétérans à Ottawa, et Soutien social aux blessés de stress opérationnel (SSBSO).

« J’ai parcouru le chemin, je ne fais pas seulement parler de la théorie. Je l’ai vécu, et la douleur aussi », explique-t-il.

Il dit que ce n’est que beaucoup plus tard qu’il s’est rendu compte que ces traumatismes l’avaient emmené à consommer beaucoup d’alcool, ce qui était dû aux pensées intrusives constantes, aux cauchemars, à l’hypervigilance et aux pertes de mémoire, qui peuvent être très frustrantes.

« Un jour, dans une rencontre de soutien par les pairs, un ancien membre de la GRC a demandé si d’autres avaient des problèmes de mémoire et a décrit son expérience. Et c’est là que j’ai allumé – c’était exactement comme ça que je me sentais. Lorsqu’on dit que vous n’êtes pas seul, c’est aussi dans les petites choses. C’est une réaction normale à un événement anormal que vous avez vécu, et non l’inverse. Pour moi, ce qui m’a incité à demander de l’aide, c’est en fait que ma femme et mes enfants m’ont en quelque sorte donné un ultimatum. »

Le caporal Woods installe une affiche pour soutenir les policiers nouvellement formés dans les premiers mois de la mission initiale en Haïti UNMIH 1994. L’affiche est écrite en créole haïtien et on peut lire au bas « servir et protéger.

Lorsqu’il a été envoyé en mission en Haïti en 1994, Paul Woods faisait partie d’une petite équipe de reconnaissance avancée chargée d’établir la mission de l’ONU. Au cours des deux premières semaines, lui et son équipe ont fait face à un événement faisant de nombreuses victimes où 32 Haïtiens ont subi des blessures graves, certaines entraînant la mort.

« Nous étions très seuls et il n’y avait pas d’équipement d’urgence, pas de camions de pompiers, pas de dépanneuses, pas de sauvetage, du carburant se répandant partout, avec rien de plus qu’un sac de traumatologie s’épuisant rapidement. Nous avons tous les quatre dû trier toutes les victimes, en plus de nous inquiéter de la foule qui se rassemblait dans l’après-midi et jusque tard dans la soirée sans aucun soutien; nous savions que nous étions en retard », se souvient-il. À la suite de leurs actions lors de cet incident, lui et son équipe ont reçu la Médaille du service méritoire du gouverneur général.

Quelques semaines avant la fin de sa mission, lui, son partenaire et un petit nombre de civils ont été pris en otage. Ils étaient entourés d’un groupe important d’individus, certains tenant des machettes et de vieux fusils. Tout ce qui touche son dos déclenche ces souvenirs. À son retour au Canada, il a constaté les lacunes de la façon dont la GRC soutenait ceux qui avaient subi un traumatisme, y compris lui-même.

« Il n’y a pas eu de véritable débreffage, même si un psychologue était disponible et que le programme d’aide aux membres existait, mais il n’y a vraiment pas eu d’offre d’aide après la mission. Nous sommes simplement retournés au travail. Je me suis rendu compte qu’il me manquait quelque chose », souligne-t-il.

« J’avais besoin de quelque chose de plus intime, que quelqu’un qui l’a vécu me dise ‘’hé, je sais ce que tu ressens, je sais à quoi ressemblent tes nuits, je sais à quoi ressemblent ces pensées intrusives.’’ J’ai donc voulu suivre cette formation. J’avais besoin de trouver une façon d’aider. »

Avant de prendre sa retraite en 2009, il s’est impliqué dans le programme OSISS des Forces armées canadiennes parce qu’il voulait mettre en œuvre quelque chose de similaire à la GRC. Anciens Combattants Canada soutient le SBSO, car il va dans le sens des programmes pour les BSO.

« J’ai toujours eu une bonne expérience avec ACC. J’ai reçu l’aide et le soutien dont j’avais besoin, et c’est encore le cas. »

Un agent de la GRC portant un béret bleu et une tunique rouge sourit devant un drapeau canadien. Il porte une moustache en guidon et six médailles épinglées sur le côté gauche de son manteau.

Le caporal Woods dans sa tunique rouge à la suite d’un défilé commémoratif pour le maintien de la paix.

Paul Woods a suivi une formation de bénévole avec le Programme d’aide aux membres, le Programme des incidents critiques et le Débreffage en cas d’incident critique, et plus tard à titre de bénévole en soutien par les pairs avec SSBSO et SBSO. Il a ensuite occupé un poste à temps plein au sein de la Sous-direction du maintien de la paix pour soutenir les membres envoyés en mission et leur famille.

« Les missions ont eu des répercussions sur tous ceux que je connais qui y ont participé, à divers degrés. Certains ne sont tout simplement pas capables de s’adapter lorsqu’ils rentrent à la maison, de se réintégrer, d’autres ayant un ESPT complet, et tout ce qu’il y a entre les deux.

« On m’appelait souvent pour me dire ‘’Paul, mes nuits sont difficiles, je fais ce genre de rêves, est-ce ton cas aussi?’’ Et j’ai juste senti que j’avais besoin d’aider », dit-il.

« Le SBSO offre ce petit extra, c’est du soutien direct du genre ‘’écoute, je sais que tu souffres, je comprends comment tu te sens et nous pouvons t’apporter l’aide dont tu as besoin’’ et nous continuons à aider cette personne tout le long de son parcours ».

Son expérience lui a montré que souvent, au moment où les policiers, les militaires ou les premiers intervenants font appel à un programme de soutien par les pairs pour obtenir de l’aide, ils sont généralement au bout du rouleau.

« Quand ils demandent de l’aide, c’est un pas colossal parce que c’est un aveu personnel énorme à faire. Certains viennent juste d’arriver au point où ils ont reçu un ultimatum à la maison ou se sentent comme s’ils étaient dans l’endroit le plus sombre qu’ils aient jamais été, avec parfois des idées suicidaires – je connais ce sentiment. Ceux qui réussissent et progressent se sont engagés dans leur thérapie. Aussi douloureux que ce soit, c’est nécessaire.

« Vous n’êtes pas brisé pour toujours, vous êtes blessé. On dit qu’une jambe cassée qui guérit est en fait plus forte là où elle s’est fracturée. Je pense que quelqu’un qui a suivi une thérapie et utilise les outils à sa disposition sera plus fort. »

Il croit fermement que si l’intervention est assez précoce, vous pouvez être un meilleur policier parce que vous aurez les outils pour gérer ce stress.

Paul Woods a attendu 35 ans pour obtenir l’aide dont il avait besoin, il a porté la douleur de l’ESPT toute sa carrière. Il aurait aimé que l’aide qui existe aujourd’hui ait été mise à sa disposition à l’époque.

« Il y a une bête à mes côtés. Elle est maintenant en laisse et quand elle sort, elle peut être agressive, mais je lui ai mis un harnais maintenant – je peux la retenir. Il y a une issue et plus tôt vous pourrez mettre un harnais et une laisse à cette bête, mieux vous serez. N’attendez pas 35 ans comme je l’ai fait, faites-le maintenant, dit-il.

« Je déteste voir un autre membre ou vétéran dans cet état et je continuerai à faire ce travail aussi longtemps que je le pourrai. »

Si vous ou quelqu’un que vous connaissez avez du mal à faire la transition vers la vie après le service, consultez notre site Web pour les services liés à la santé mentale et physique, aux finances, aux études ou à l’emploi et au logement et à la vie de famille. Nous fournissons également des services aux familles et aux aidants qui soutiennent nos vétérans.

Le Service d’aide d’ACC offre un soutien psychologique gratuit aux vétérans des Forces armées canadiennes, aux anciens membres de la GRC, ainsi qu’à leur famille et à leurs aidants. Vous pouvez le joindre en tout temps en composant le 1-800-268-7708 (ATS : 1-800-567-5803 pour les personnes malentendantes). Vous pouvez également prendre un rendez-vous par clavardage du lundi au vendredi, de 8 h à 19 h 30 HNE, sauf les jours fériés. Choisissez Anciens Combattants Canada comme organisation, mot de passe : canada. Vous pourrez obtenir un soutien confidentiel, immédiat et gratuit en matière de santé mentale. Vous pouvez également obtenir un aiguillage vers un professionnel de la santé mentale pour un soutien à plus long terme.


 

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