Trouver sa voie après le service

Trouver sa voie après le service

Farid Yaghini s’est servi de ses expériences militaires pour créer le Camp Aftermath, un programme qui aide les vétérans à trouver un nouveau but dans leur vie après le service.

Certains ont le cœur sur la main. Le vétéran Farid Yaghini porte quant à lui sa philosophie sur son bras. Littéralement : sur son bras droit se trouvent des tatouages représentant son héritage persan, ses croyances et une feuille d’érable.

Né en Iran en 1980, Farid a fui avec sa famille les persécutions religieuses en 1987. Deux ans plus tard, ils sont arrivés au Canada en tant que réfugiés, s’installant à Whitby, en Ontario.

Farid se rappelle avoir ressenti beaucoup de colère et de ressentiment en grandissant : colère envers les personnes qui ont chassé sa famille de chez elle, ressentiment face à l’intimidation qu’il a subie et à la discrimination à laquelle il a fait face. « Beaucoup de jeunes autour de moi se sont tournés vers le crime pour gagner de l’argent. J’ai résisté à la tentation, je ne voulais pas décevoir mes parents. »

Après avoir obtenu un diplôme en télécommunications, il s’est enrôlé dans les Forces armées canadiennes (FAC). « Quand mon père l’a appris, il n’était pas content, se rappelle Farid en riant. Il avait pris de grands risques pendant la guerre en Iran, et voilà que son fils unique se portait volontaire pour en courir à son tour. En plus, c’était en 2002, un an après les attentats du 11 septembre. »

L’objectif initial de Farid était de passer trois ans dans les FAC, puis de devenir policier à Toronto. Mais il a trouvé quelque chose dans la vie militaire auquel il ne s’attendait pas. « Un sentiment d’appartenance. En entrant dans les Forces, on doit revenir à l’essentiel de ce que l’on est, avant de se faire reconstruire. Ils vous mettent sur un piédestal, vous séparant des civils et fournissant une tribu. Cela justifie en partie les sacrifices que vous devez faire, comme être loin de votre famille et manquer des anniversaires. »

En 2004, Farid est parti en mission avec le Royal 22e Régiment. Depuis le Camp Julien en Afghanistan, Farid a fourni un soutien linguistique aux unités de renseignement et de combat.

Malgré les horreurs dont il a été témoin, Farid dit que le travail qu’il faisait était thérapeutique. « J’adorais le sentiment que j’avais d’apporter ma contribution. » Il dit que le poids de la colère qu’il ressentait avant de s’enrôler s’est amoindri. « Quand j’ai vu que le conflit n’avait rien à voir avec la religion, cela a beaucoup apaisé le ressentiment que j’avais éprouvé envers les gens qui ont forcé ma famille à fuir notre maison. »

En 2004, Farid a commencé à penser à la vie après l’armée, car son contrat de trois ans touchait à sa fin. Lui et Cindy, sa future épouse, ont acheté une maison à Ajax, en Ontario, près des parents de Farid à Whitby. « Je pensais que j’allais partir, mais ensuite les forces spéciales ont proposé de me reprendre en tant qu’agent de liaison pour la traduction. »

« Je savais que j’étais fait pour ça. »

Farid Yaghini après un accident d’hélicoptère dans une région éloignée de l’Afghanistan lors de son déploiement dans les FAC.

Cette fois, il a été envoyé à Kandahar pour participer à diverses opérations de contre-insurrection. Beaucoup de choses se sont produites pendant cette mission. Un jour, un hélicoptère dans lequel il se trouvait a été abattu; une soixantaine de Canadiens, d’Américains et d’Afghans ont tenu leur position éloignée pendant cinq jours, souvent sous les tirs, avant de pouvoir être évacués.

Trouver un nouveau but

De retour de cette mission en 2006, Farid a tenté de camoufler des symptômes d’anxiété. « J’avais besoin d’un but. »

Une des techniques qui lui a été utile est le renforcement des souvenirs positifs. Cela consiste à regarder des photos, comme celle d’une jeune fille en Afghanistan, pompant de l’eau d’un puits portant un drapeau canadien, ou celle d’un patrouilleur canadien emmenant une enfant afghane malade au Canada pour lui permettre de subir une chirurgie qui lui sauverait la vie, avant de la retourner à sa famille.

Les images positives, comme celle d’une jeune fille pompant de l’eau d’un puits construit par des Canadiens en Afghanistan, ont aidé Farid Yaghini à faire face à l’anxiété qu’il ressentait après son retour d’un déploiement.

Il a essayé de faire abstraction des problèmes de sommeil et des crises de panique. « On ne parlait pas autant de la santé mentale à cette époque », se rappelle-t-il. En 2007, il a été muté à la SFC Leitrim, près d’Ottawa. En 2009, il a épousé Cindy et ils se sont installés dans la région.

En 2010, en raison de ses obligations familiales, Farid a décidé de quitter l’armée. « Je ne m’étais jamais engagé à rester pour toujours. » Il a trouvé un emploi dans la fonction publique fédérale, similaire à son emploi dans les FAC. Mais il décrit sa libération du service comme « douloureuse ». Il n’a pas trouvé les programmes d’aide à la transition de l’époque utiles.

Même après la naissance de sa fille Callie en 2013, Farid n’avait pas retrouvé le sentiment d’avoir un but qu’il avait dans l’armée. « Je me sentais inutile et coupable à l’égard des personnes que j’avais laissées derrière moi en Afghanistan. »

Le moment le plus difficile pour lui est survenu en 2016, après son divorce. « C’est lorsque vous atteignez votre point le plus bas que vous pouvez commencer à apporter de réels changements. » Un conseiller lui a recommandé de se trouver un nouveau but.

Farid a fait du bénévolat auprès de plusieurs organismes, dont certains qui venaient en aide aux vétérans. « J’ai constaté des lacunes dans les services offerts aux vétérans, dit-il. Il n’y avait pas de suivi. »

Inspiré pour combler ces lacunes, lui et ses amis ont mis en œuvre Camp Aftermath. Ce programme d’un an soutient les vétérans et les premiers intervenants vivant avec l’état de stress post-traumatique; un expert en santé mentale supervise chacune des trois phases. Dans l’une de ces phases, les participants passaient une semaine au Costa Rica, aidant à bâtir des maisons pour les réfugiés. Depuis la pandémie, le programme s’est déplacé à Knowlton, au Québec, pour apporter de l’aide à un camp qui soutient les personnes vivant avec une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme.

Farid Yaghini (complètement à droite) et l’équipe du Camp Aftermath à La Carpio, au Costa Rica, où ils ont aidé à construire des maisons pour les réfugiés.

Entre les phases, les membres se réunissent régulièrement pour des bilans de bien-être.

Grâce à son nouveau but, Farid a écrit un livre, Life in Rotation: From Persecuted Iranian to Proud Canadian, dont la parution est prévue à l’été 2023.

Loin d’abandonner ses camarades derrière lui, Farid Yaghini aide les vétérans à vivre la transition en trouvant un nouveau but et en tissant des liens entre eux.

Conseils pour la libération

Le plus important pour les personnes qui approchent de la libération du service des FAC, selon Farid, est de trouver un nouveau but. Il est également essentiel de se bâtir une nouvelle « tribu » en dehors de l’armée. « C’est du travail – l’armée vous a donné cette tribu et ce but. L’armée est peut-être devenue une partie de vous, mais vous n’êtes pas seulement ça. »

Farid recommande aux vétérans d’essayer le bénévolat. « Le bénévolat est un moyen de rencontrer des personnes qui ont le même sens du devoir que vous. Essayez d’élargir votre cercle de connaissances et commencez à créer des liens et à mettre l’accent sur les parcours des autres.

Prenez conscience de la raison pour laquelle vous avez aimé la vie militaire. Servez-vous-en pour établir de nouveaux liens dans la communauté civile. »

Date de publication : 28 mars 2023

 

 

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