L’adaptation sociale est le plus grand défi des membres des Forces armées canadiennes (FAC) qui font la transition vers la vie après le service, souligne le lieutenant-colonel (à la retraite) Bruno Plourde.
« Nous faisons partie d’une culture qui adhère au principe du « service avant soi ». Nous accomplissons nos missions en équipe. Puis, lorsque nous quittons les FAC, nous nous retrouvons dans une société où la notion du « nous » est pratiquement inexistante et où la réussite individuelle est davantage valorisée que la réussite d’équipe. Le fait de ne plus avoir cet esprit d’entraide devient un défi en soi. »
Bruno a été libéré en 2020 après quarante années de service à titre de réserviste, au cours desquelles il a effectué trois déploiements à l’étranger. Il a ensuite joué un rôle essentiel dans la création de l’organisme sans but lucratif Le Sentier/The Trail, qui offre un soutien et des services personnalisés aux vétérans en transition.
Grâce à son expérience, Bruno peut offrir de précieux conseils aux autres membres dont la transition approche ou qui sont actuellement en transition vers la vie après le service.
Service
Bruno Plourde est né et a grandi à Lévis, Québec. En 1980, à l’âge de 16 ans, il s’est enrôlé dans les FAC à titre de réserviste conventionnel – ou pour citer ses propres mots, « à titre de citoyen soldat ». Cela lui a permis de poursuivre ses études tout en servant le soir et la fin de semaine.
En 1989, Bruno s’est vu offrir un contrat à temps plein et a servi en tant que réserviste à temps plein jusqu’à la fin de sa carrière dans les FAC.
En septembre 2001, Bruno a été déployé en Bosnie, où son rôle consistait à assurer la liaison entre les forces armées de Bosnie‑Herzégovine et la Force de stabilisation de l’OTAN. « En Bosnie, j’habitais dans un village, et non sur une base canadienne. J’ai ainsi eu la chance de vivre quotidiennement parmi les gens que nous étions venus soutenir. Si je voulais manger, je faisais comme tout le monde et j’allais à l’épicerie, et non à une cuisine de camp militaire. Cela m’a permis d’établir des liens de proximité avec les gens et de créer un sentiment de respect mutuel avec la population locale. »
De 2004 à 2005, Bruno a été déployé dans le cadre de la mission de l’organisation des Nations Unies en République Démocratique du Congo. Il appuyait les opérations militaires des Nations Unies à titre de chef d’état‑major du secteur 2 dans l’est du pays.
De 2008 à 2009, Bruno a servi en Afghanistan, où il a encadré les membres de la Police nationale afghane dans le sud du pays.
Après son retour au Canada en 2009, il a assumé les fonctions de commandant du Royal Highland Regiment, aussi appelé le Black Watch, jusqu’en 2013. Au cours des quatre années qui ont suivi, il a commandé le 2e Groupe de Patrouilles des Rangers du Canada. Il a ensuite repris le commandement du Black Watch jusqu’à sa retraite en 2020. « Mon corps ne pouvait plus suivre la cadence », confie‑t‑il en souriant. Bruno demeure toujours en contact avec les membres du personnel militaire international avec lesquels il a travaillé au fil des ans.
Défis liés à la transition
Après sa libération, Bruno a été recruté pour travailler à la Maison Biéler, un organisme qui fournit des logements abordables et permanents aux vétérans de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée. Il souligne cependant les limites des services offerts aux vétérans.
« Nous préparons les vétérans à diverses situations, mais pas nécessairement aux bonnes. Nous parlons beaucoup de processus, mais très peu des soins de santé, de la recherche d’un logement ou d’un emploi civil ou de l’accès aux ressources pour trouver des solutions.
Sur une base, les soldats peuvent consulter un médecin en tout temps, mais ce n’est plus le cas lorsqu’ils quittent l’armée. Au Québec, par exemple, une personne peut attendre cinq ans avant d’avoir un médecin de famille. »
En 2018, Bruno a rencontré le fondateur du programme Respect, Steve Gregory. Il s’est alors joint à M. Gregory, à des travailleurs communautaires, à des bénévoles et à des coordinateurs de première ligne, et ensemble, il ont créé Le Sentier/The Trail en 2019. Bruno souligne que cet organisme offre un soutien et des services plus personnalisés aux vétérans.
Les travailleurs sociaux qualifiés et les bénévoles qui œuvrent au sein de cet organisme, qui comprend trois points de service à Montréal et un point de service à Québec, aident les vétérans à cerner leurs besoins, à trouver les outils et les ressources nécessaires, et à traiter avec Anciens Combattants Canada et d’autres organismes. Ils les aident notamment à remplir les formulaires, à gérer leur budget et même à être aiguillés vers des ressources en santé mentale et d’autres ressources. « Ensemble, nous aidons les vétérans à rassembler toutes les pièces du casse‑tête. Nous les encourageons à être les architectes de leur réussite. »
Se démarquant par sa barbe blanche et ses t-shirts humoristiques (il déteste les vestes et les cravates), Bruno indique qu’un rapport de confiance s’établit automatiquement entre les vétérans qui ont servi dans l’armée. « Lorsqu’un vétéran vous aborde et se rend compte que vous êtes également un vétéran, il se sent plus en confiance. »
En 2023, Bruno a épousé sa conjointe des onze dernières années, Chantal Ménard, une ancienne infirmière militaire qu’il a rencontrée pour la première fois il y a environ trente ans. Ils ont quatre fils d’âge adulte, dont l’un est actuellement en service au sein des FAC.
À la fin de 2023, Bruno a pris sa retraite à titre de directeur général de l’organisme Le Sentier/The Trail. Il continue d’aider la communauté des vétérans en tant que bénévole. Bruno dit qu’il ne se voit pas faire autre chose pour le moment; il se considère comme un ambassadeur de ses confrères vétérans et continuera d’être présent sur le terrain.
Il a beaucoup de bons souvenirs. Beaucoup se rapportent au fait d’avoir « rencontré des soldats motivés et dévoués, et d’avoir échangé avec eux un sourire ou un signe de tête satisfait parce qu’ensemble, nous avons réussi à réaliser quelque chose de plus grand que nous ou avons contribué à améliorer les conditions de vie de citoyens. Ce sont les moments les plus précieux qui m’ont été donnés de vivre au cours de ma carrière. »
Conseils pour la transition
« Prenez le temps de vous familiariser avec l’environnement dans lequel vous évoluerez. Ayez l’humilité d’écouter les personnes qui veulent vous aider. Vous pourrez décider plus tard ce que vous voulez faire, recommande Bruno. Rien n’arrive tout seul. « La plus grande leçon n’est pas de supposer, mais de se préparer. »
Il ajoute un message pour les communautés : « Merci pour tous les mots réconfortants, les cadeaux et la reconnaissance, mais prenez également le temps d’accueillir les vétérans qui viennent dans votre communauté et de leur parler. La meilleure façon de nous remercier est de nous accueillir dans nos « nouvelles » communautés. Le gouvernement offre des services et des soins, mais c’est aussi à nous d’apporter une dimension humaine à cette inclusion. »
M. Plourde tient à faire savoir que c’est grâce à M. Gregory de Respect Canada que le contact pour cette entrevue a été fait.
Respect Canada reçoit un soutien financier dans le cadre du Fonds pour le bien-être des vétérans et de leur famille.
Si vous ou quelqu’un que vous connaissez fait la transition vers la vie après le service, consultez notre site Web pour connaître les services se rapportant à la santé mentale et physique, aux finances, aux études et aux emplois et au logement et à la vie de famille. Nous offrons également des services aux familles et aux aidants qui soutiennent nos vétérans.