Lieutenant (N) (Retired) Emilie Létourneau

Lieutenant (N) (Retired) Emilie Létourneau

Depuis sa libération en 2017, Émilie Létourneau en est venue à reconnaître que, malgré les idées fausses courantes, elle a aussi le droit de se proclamer vétéran.

Transcription

Emilie Létourneau :

J’ai beaucoup aimé le temps que j’ai passé dans la Marine. Cela m’a permis de voyager, même pendant ma formation, qui a eu lieu au Royaume-Uni. Par la suite j’ai participé à deux missions, en Arctique puis dans la mer des Caraïbes.

Être une femme dans les Forces armées canadiennes, pour moi, n’a pas été un problème. Je vous dirais que l’équipe d’ingénieure sur le bateau est à 95 % des hommes là, même des fois parfois plus. Donc des fois c’était un peu difficile de faire sa place, mais que je leur démontre que j’avais aussi des bonnes idées, que j’étais là avec les connaissances, avec l’expérience requise. Mais moi, j’ai eu la chance de vraiment avoir des gens autour de moi pendant ma carrière complète qui m’ont aidée et qui m’ont appuyée. Ça n’a pas été trop difficile pour moi de vraiment comme, prendre ma place.

La vie sur le bateau, tu es vraiment concentré, tu te prépares à la prochaine mission, tu reviens, tu répares le bateau pour te préparer à la prochaine mission. Quand j’ai été affectée ici à Ottawa à travailler dans un bureau, c’est là que tu commences à te rendre compte que tu fais la même chose qu’une personne qui ne porte pas l’uniforme qui se trouve juste à côté de toi. Et c’est un peu comme ça que tu commences aussi à avoir une vie où tu es à la maison tous les soirs, tu es à la maison tous les week-ends et ça m’a vraiment fait penser que c’est peut-être ce que je veux faire maintenant et j’ai tout donné que j’avais à l’armée.

La transition pour moi a été relativement facile parce que je l’ai planifiée. Je faisais déjà une maîtrise en ingénierie et je commençais déjà à chercher des emplois. Donc, quand j’ai pris la décision de commencer à postuler, j’avais déjà beaucoup de choses en ma faveur qui ont rendu ma transition un peu plus facile. Tout ça a rendu les choses beaucoup plus faciles, et pour le reste j’ai essentiellement dû m’en occuper moi-même. Mais au moins ces gros morceaux que sont l’endroit où vous allez vivre, où vous allez travailler et gagner de l’argent, ces préoccupations pour moi ont été planifiées à l’avance, ce qui a rendu les choses vraiment faciles.

La journée officielle de mon départ des Forces armées canadiennes, donc le matin je suis allé porter ma carte d’identification, puis signé les derniers papiers que j’avais signé, puis toute suite sur le coup c’était un sentiment de liberté. Sur la route du retour, pour retourner à la maison, j’ai arrêté dans un magasin et j’ai achetez un rasoir puis la première chose que j’ai fait en arrivant à la maison c’est je me suis raser le côté de la tête. Ce n’était pas planifier, il y a pas vraiment une grosse signification, c’était juste, à ce moment-là je me suis dit maintenant je peux faire ce que je veux, quand je veux.


Vanessa Bruneau :

C’est probablement une des personnes les plus fortes que je connais. Le jour où je l’ai rencontrée, c’est quelqu’un de très extraverti et qui a toujours le sourire aux lèvres, et vous pouvez voir qu’elle est une vraie leader, donc c’est l’une de ses meilleures qualités selon moi.

Elle est le seul vétéran que je connais. Tout ça était plutôt nouveau pour moi. Elle est vraiment l’une des personnes les plus structurées que je connaisse. Avant, je n’étais pas très matinale. Depuis qu’on s’est rencontrées, vous savez, nous sommes debout à 6 h et à 6 h 15 je suis dehors, en route vers le gym, nous avons une très bonne routine alors…


Emilie Létourneau :

Initialement, je n’étais pas certaine si je voulais allez plus loin avec elle. Elle était quand même plus jeune que moi, mais j’ai appris rapidement à la connaitre puis à voir que c’est une vieille âme au fond puis qu’elle sait où ce qu’elle s’en va, elle est très déterminée puis que je voulais faire un bout de chemin avec elle.

Le jour du Souvenir provoque des sentiments mitigés maintenant. J’ai quelques amis, des militaires, qui sont décédés. Donc c’est vraiment une journée pour me souvenir d’eux. C’est toujours... c’est toujours difficile… parce que quelque part un peu de moi-même a l’impression de laisser tomber certaines des personnes qui servent encore et c’est un peu difficile.


Vanessa Bruneau :

Emilie m’a demandé de prendre congé du jour du Souvenir, donc c’était la première fois que j’aimais vraiment participer aux activités. Au début, quand mes collègues me disaient « oh tu prends un jour de congé, qu’est-ce que tu fais » et je répondais « oh, c’est ce que je fais ». Et ils ont en quelque sorte tourné la tête un peu parce que cela les a un peu choqués parce qu’ils ne s’attendaient pas à ce qu’elle soit une vétéran juste à cause de son âge et parce qu’elle est une femme.


Emilie Létourneau :

Je pense qu’il y a des idées fausses sur ce qu’est un vétéran parce que je pense que même certains vétérans ne se rendent même pas compte qu’ils en sont et qu’ils ont le droit de se considérer comme des vétérans. Pour moi, un vétéran était quelqu’un qui avait fait la guerre pendant la Seconde Guerre mondiale et qui était maintenant plus âgé et avait beaucoup de médailles. Ce sont les gens que vous verriez à la caméra le jour du Souvenir, en avant de la marche. Je me suis rendu compte par la suite que j’ai beaucoup donné à l’armée et que j’étais prête à donner ma vie pour le Canada, et je pense que cela m’a donné le droit de me considérer comme une vétéran aujourd’hui.

Émilie Létourneau a grandi à Rouyn-Noranda, au Québec (population de 40 000 habitants). Ses origines sont peut-être humbles, mais son ambition et son esprit d’aventure étaient tout autre. À l’âge de 17 ans, Émilie s’est enrôlée dans les Forces armées canadiennes (FAC). Elle a servi en tant qu’officier du génie des systèmes maritimes dans la Marine royale canadienne un peu moins de onze ans.

« Le temps que j’ai passé dans la Marine a été agréable, dit-elle. J’ai pu voyager beaucoup. Première formation au Royaume-Uni, puis deux déploiements dans l’Arctique et un dans la mer des Caraïbes. J’ai eu beaucoup de plaisir à parcourir les ports avec des amis. Dans l’ensemble, mon expérience s’est avérée très bonne. »

Émilie a étudié en génie à l’école et affirme avoir aimé utiliser ce qu’elle a appris sur un navire de guerre. « Nous recevions un appel indiquant que quelque chose se produisait à un certain endroit. Ensuite, nous nous dépêchions pour essayer de rencontrer un contact au bon endroit, explique-t-elle. C’était stressant, et très excitant. »

Diriger en tant que femme

L’expérience d’Émilie comme femme dans l’armée a été majoritairement positive. Elle attribue cela, en partie, à sa persévérance. « Je suis le genre de personne qui se bat pour ce qu’elle veut, et je pense qu’on le voit tout de suite, » dit Émilie.

« Je crois que les gens se sont rendu compte rapidement que j’avais ma place là aussi, et que j’étais là pour aider. »

Pourtant, elle reconnaît qu’être une femme dans les FAC était parfois difficile, surtout comme officier féminin. « Lorsque j’étais à bord du NCSM Ville de Québec, le service d’ingénierie était probablement composé à 95 pour cent d’hommes et j’étais leur chef, » dit Émilie. Quand elle ne disait pas aux membres de son équipe comment faire leur travail, Émilie était responsable de les diriger et de s’assurer que les missions étaient bien remplies.

Émilie admet s’être mis beaucoup de pression. « Je me voyais comme une jeune femme ayant une expérience limitée, et je dirigeais des gens qui étaient sur le navire depuis beaucoup plus longtemps que moi. »

Mais elle a commencé à comprendre qu’elle était une bonne chef à cause de ses idées et de son point de vue, pas de son genre. Une fois qu’elle a compris, Émilie n’avait aucun problème sur le navire comme femme ou chef.

Explorer une nouvelle liberté

Émilie a consacré plus de dix ans aux FAC avant de se sentir prête à faire la transition vers la vie civile. Elle a été libérée en juillet 2017. « Le jour de ma libération, je me suis sentie vraiment bien, dit-elle. En rentrant chez moi, je me suis arrêtée à un magasin, j’ai acheté une tondeuse à cheveux et j’ai rasé la moitié de ma tête. Je ne sais pas pourquoi. Je ne l’avais pas prévu. C’était pour moi une façon de dire maintenant je peux faire ce que je veux quand je veux. »

Sa décision de couper ses cheveux était spontanée, mais Émilie dit qu’elle a en fait planifié de manière très diligente sa transition. Elle étudiait déjà pour obtenir une maîtrise, qui était partiellement payée par le ministère de la Défense nationale, et elle avait commencé à chercher un emploi à Ottawa.

Malgré une planification minutieuse, Émilie admet que la vie militaire à laquelle elle était habituée lui manquait : « Je me suis enrôlée à 17 ans. Depuis un très très jeune âge, une structure m’était imposée, et puis, soudainement, je n’en avais plus. »

Trouver une famille

Émilie dit que sa transition a aussi été difficile parce qu’elle était seule. Elle avait l’habitude de voir des visages familiers sur le navire tous les jours, et ce n’était soudainement plus le cas. Elle s’ennuyait de faire partie d’une équipe. Émilie a décidé de chercher une autre communauté, et elle en a trouvé une dans le sport organisé.

Elle joue maintenant pour les Wolves d’Ottawa. Cette équipe fait partie de l’organisation, qui vise à promouvoir l’inclusivité et la diversité par le sport. Émilie remercie le club de l’avoir aidée à établir certaines des relations les plus importantes pour elle, notamment avec sa meilleure amie, Nadine, et sa partenaire, Vanessa.

« Ce qui m’a vraiment beaucoup aidé a été de trouver une communauté grâce à mon équipe de rugby, dit Émilie. Cette équipe de rugby est réellement devenue une famille. »

Se considérer un vétéran

Émilie a eu du mal à se considérer comme un vétéran pendant longtemps : « Pour moi, un vétéran était quelqu’un qui a combattu pendant la Seconde Guerre mondiale et qui était maintenant plus âgé et avait beaucoup de médailles. Ce sont les personnes que l’on voyait à la télévision le jour du Souvenir. »

Maintenant, elle se rend compte que ce sont de fausses idées.

« J’étais prête à donner ma vie pour le Canada, et je crois que cela me donne le droit de dire que je suis un vétéran. »

Conseil sur la transition

Commencez à planifier tôt. C’est le meilleur conseil que donne Émlie aux militaires qui envisagent la transition.

« Un jour, vous allez vous réveiller et ce sera votre dernier jour dans les Forces armées canadiennes et, si vous n’êtes pas prêts, vous ne saurez pas quoi faire. » Pour Émilie, trouver le nécessaire comme un endroit où vivre et une source de revenus l’a aidée à se sentir moins anxieuse.

Elle recommande également de rester active. « Quand on fait partie des Forces armées canadiennes, il faut toujours maintenir un certain niveau de forme physique, » dit-elle. « Quand on arrête de s’entraîner, on le ressent physiquement et mentalement. »

Émilie garde des souvenirs impérissables de sa carrière dans la Marine. Mais grâce au rugby, à ses bons amis et à une partenaire qui la soutient, elle se réjouit à l’idée d’entreprendre un nouveau chapitre de sa vie.


 

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