Une photographie, prise il y a plus de 80 ans sur une rue de la Colombie-Britannique, a donné à Warren (Whitey) Bernard une vie entière de notoriété.
Récemment, après une messe à Tofino, en Colombie-Britannique, deux femmes ont demandé à Whitey sa photo et son autographe lorsqu’elles ont appris que l’homme de 88 ans était le petit garçon blond tendant la main à son père dans l’image emblématique “Wait for me, Daddy”.
« Elles m’ont pourchassé à l’extérieur de l’église », affirme M. Bernard avec un sourire.
« Elles voulaient savoir la même chose que presque tout le monde se demande au sujet de la photo : si mon père est rentré à la maison. »
La célèbre image – affichée dans chaque école de la Colombie-Britannique dans les années de la Seconde Guerre mondiale et en vedette sur des timbres, sur de la monnaie et dans le Life Magazine – a été capturée à New Westminster (Colombie-Britannique), par le photographe du journal quotidien The Vancouver Daily Province, Claude Detloff, le 1er octobre 1940.
Ce jour-là, plus de 800 membres du Duke of Connaught’s Own Rifles du British Colombia Regiment sont en file le long de la 8e Rue pour participer à la guerre.
Le jeune Whitey a échappé à sa mère, Bernice Bernard, et a couru vers son père, le sergent Jack Bernard, pour attraper sa main. Son père a changé son fusil de main afin de pouvoir tendre sa main droite à son fils, ce qui a fait sourire les soldats derrière lui.
Claude Detloff a immortalisé le moment qui a touché des générations et a représenté éminemment la douleur de la séparation que tellement de familles de militaires subissent.
« Il ne s’agissait pas d’une mise en scène, c’était un moment précis dans le temps », déclare M. Bernard.
Des années plus tard, lorsque M. Bernard a rencontré le photographe, ce dernier lui a dit qu’il préparait sa prise de vue pour montrer la longueur de la ligne s’étendant jusqu’au-dessus de la colline lorsqu’il a vu le petit garçon blond se libérer de l’étreinte de sa mère.
C’était la seule image qu’il a prise qui a été imprimée ce jour-là.
M. Bernard se souvient de la douleur du départ de son père et de l’attention qu’il a reçue après la parution de sa photo dans les journaux de tout le pays. De l’âge de huit à dix ans, il est devenu le garçon de l’affiche sur les obligations de la Victoire, quittant l’école pour encourager les Canadiens à « acheter une obligation aujourd’hui et ramener mon papa à la maison ».
À l’hiver 1945, après cinq ans de guerre et de batailles dans des endroits comme Caen et Falaise, la Hollande et l’Allemagne, le sergent Bernard est rentré chez lui, « fatigue liée au combat » est écrit dans son rapport de congé pour raisons médicales. Claude Detloff était présent pour photographier son retour.
« Il n’était pas le même homme qui est parti », se rappelle M. Bernard.
Après la guerre, le sergent Bernard a travaillé dans le domaine du bois classifié avant de devenir charpentier de finition durant ses dernières années. M. Bernard signale que les deux hommes ont eu une très belle relation père-fils jusqu’au décès de Bernard père en 1981 à l’âge de 74 ans.
« Nous avions une excellente relation. Il s’est arrangé pour compenser les années perdues », souligne M. Bernard, qui se rappelle que son père lui a enseigné à pêcher la truite, à construire des armoires et à économiser.
« C’était un gars de l’époque de la dépression, il n’y avait rien qu’il ne pouvait pas faire. »
La photo est devenue une partie de notre histoire nationale à un point tel que la ville de New Westminster a commandé une statue de bronze pour honorer le moment. La ville a dévoilé la statue, sculptée par le couple Edwin et Veronica Dam de Nogales, le 4 octobre 2014 au bas de la 8e Rue, à Hyack Square, exactement là où la photo a été prise.
M. Bernard était présent au dévoilement.
« Lorsqu’ils partaient à la guerre à cette époque, on ne savait rien, la famille était vraiment laissée à elle-même. On devait attendre des lettres par la poste. C’était une séparation très sérieuse », soutient-il, en ajoutant qu’il a gardé toutes les lettres de son père.
« J’étais un petit garçon, mais je savais ce qui se passait. Je me rappelle que ma mère était inquiète. C’était un moment très émotif. Mais j’étais aussi fier de lui parce qu’il était un soldat. »