GGI a examiné trois cas traités par le BOV ces dernières années pour évaluer l’efficacité et l’efficience du Bureau. Deux études de cas (cas nos 1 et 2) sont fondées sur des plaintes individuelles. Elles donnent un aperçu des enjeux qui sont nés des changements législatifs apportés ces dernières années ainsi que de la complexité de l’interprétation qui en a résulté. Le cas no 3 porte sur un examen systémique du temps qu’il faut pour obtenir une décision d’ACC à l’égard d’une demande de prestations d’invalidité (les délais d’exécution sont en fait la plus grande source de plaintes des vétérans auprès du BOV).
Cas no 1 : Pension de survivant
Contexte
La plaignante était la veuve de 85 ans d’un vétéran décédé en 2013. En 2008, le vétéran a reçu une indemnité d’invalidité aux termes de la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes (la Nouvelle Charte des anciens combattants) pour son TSPT lié au service. Peu après le décès du vétéran, sa veuve a fait une demande d’indemnité de décès et de prestations de survivant.
Au cours du traitement des demandes d’indemnité de décès et de prestations de survivant, ACC a découvert une erreur liée à la décision de 2008 à l’égard du TSPT. Il a découvert que la décision aurait dû être rendue conformément à la Loi sur les pensions et que le vétéran aurait dû être admissible à une pension d’invalidité mensuelle. Par conséquent, la survivante aurait été admissible à une pleine pension de survivant. ACC a informé la survivante par écrit que si elle souhaitait faire corriger cette erreur, elle devrait appeler de la décision initiale auprès du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) [TACRA], ce qu’elle a fait.
Dans sa décision de février 2015, le TACRA a ordonné à ACC de faire un nouveau calcul et de convertir l’indemnité d’invalidité du vétéran en pension mensuelle et a accordé cinq années de prestations rétroactives. En interprétant la décision, ACC a déterminé qu’il ne pouvait pas accorder une indemnité d’invalidité et une pension d’invalidité pour la même affection. En conséquence, ACC a inscrit un trop payé de plus de 136 000 $ au compte de son défunt mari afin de pouvoir se faire rembourser l’indemnité d’invalidité originalement versée au vétéran.
En avril 2016, ACC a informé la veuve qu’elle devra rembourser le trop payé. Pour ce faire, le Ministère appliquerait des déductions à sa pension de survivant et retiendrait le paiement rétroactif découlant de la décision du TACRA. Elle a communiqué avec le BOV en février 2017 après plusieurs communications infructueuses avec ACC.
Évaluation et constatations du BOV
Le BOV a examiné le dossier. Il a noté qu’ACC n’avait pas répondu à l’avis émis par l’avocat du Bureau de services juridiques des pensions (BSJP) de la plaignante. Selon cet avis, envoyé à ACC en juin 2016, ACC ne pouvait pas demander à la veuve de rembourser le montant exigé après le décès du vétéran, d’autant plus que la succession avait été réglée plusieurs années auparavant. Dans son examen du dossier, le BOV a conclu que la veuve avait été traitée injustement. Compte tenu de l’âge de la veuve, de la complexité du dossier et du ton employé dans les communications d’ACC avec une veuve de 85 ans, le BOV a décidé de traiter le cas en priorité.
Le BOV a informé ACC qu’il n’avait pas le pouvoir légal de créer un trop payé puis d’en demander le remboursement aux termes de la Loi sur les pensions puisqu’il avait été créé avant le décès du vétéran. ACC était d’accord avec cette interprétation. Le Ministère a remboursé à la veuve le montant d’argent retenu du paiement rétroactif et celui correspondant aux déductions faites sur la pension de survivant mensuelle.
Efficience
Le BOV a fait remarquer qu’il a fallu deux ans pour régler le problème entre le moment où il a reçu la plainte et le moment où ACC a communiqué sa décision à la plaignante (février 2017 – février 2019). Selon le BOV, cela était dû à la complexité du dossier. Voici la séquence des activités :
- Mars 2017-mars 2018 : Échanges avec ACC afin d’obtenir tous les renseignements nécessaires au dossier et de comprendre entièrement la situation.
- Mars 2018 : Le BOV demande l’interprétation et la position du Ministère. Une réponse a été fournie en mai 2018. Le BOV a remis en question l’interprétation d’ACC, ce qui a amené ACC à demander une interprétation juridique de sa position.
- Octobre 2018 : En l’absence d’une réponse d’ACC, le BOV a acheminé la demande à un échelon supérieur, soit celui du sous-ministre adjoint (SMA). Une réponse favorable a été fournie au BOV le 26 novembre 2018.
- Le BOV a fait une demande supplémentaire concernant la réponse du Ministère et a reçu la réponse définitive en janvier 2019; la plainte était complètement réglée.
Cas no 2 : Allocation pour incidence sur la carrière/supplément à l’allocation pour incidence sur la carrière
Contexte
À l’origine, le vétéran avait fait une demande de participation au Programme de services de réadaptation et d’assistance professionnelle en juin 2017 pour ses deux chevilles, sa hanche gauche, son genou gauche et sa douleur chronique.
En juillet 2017, le vétéran a fait une demande d’allocation pour incidence sur la carrière (AIC). En février 2018, ACC l’a informée que sa demande d’AIC avait été refusée, car les affections prises en considération (cheville droite et cheville gauche) ne répondaient pas aux critères d’admissibilité de l’AIC. ACC n’a pas tenu compte du « trouble douloureux associé à une affection », puisque cette affection n’était pas approuvée aux fins de services de réadaptation; par conséquent, ce trouble n’a été pris en compte aux fins d’admissibilité à l’AIC.
Après avoir consulté le chef d’équipe, Décisions relatives aux pensions, et le spécialiste des services et programmes nationaux, ACC a maintenu qu’il y avait une distinction entre la « douleur chronique », qui représente un symptôme d’un problème de santé physique, et le diagnostic précis de « trouble douloureux associé à une affection médicale », qui représente un problème de santé mentale séparé et distinct au chapitre 21 de la Table des invalidités de 2006.
Plus tard, le vétéran a fait une nouvelle demande d’AIC, laquelle a été approuvée en septembre 2019 puisqu’on lui avait accordé une indemnité d’invalidité pour son TSPT en avril 2019 et parce qu’elle avait été ajoutée à son plan de réadaptation. Le vétéran estimait que l’AIC aurait dû lui être accordée la première fois qu’elle en avait fait la demande.
Évaluation et constatations du BOV
Le BOV a examiné le dossier et a jugé que le vétéran avait été traité de façon injuste. Il a noté que l’AIC est payable quand un vétéran répond aux critères suivants :
- Le vétéran présente au moins un problème de santé physique ou mentale qui crée une déficience permanente et grave;
- Une demande de services de réadaptation doit avoir été approuvée;
- Le vétéran a touché une indemnité d’invalidité ou une pension d’invalidité.
Dans le cadre de son examen du dossier, le BOV a déterminé que la demande initiale du vétéran aurait dû satisfaire à tous les critères susmentionnés et qu’on aurait dû lui accorder une AIC. Les deux affections, c’est-à-dire l’affection ouvrant droit à une indemnité d’invalidité (douleur associée à une affection) et l’affection ouvrant droit à des services de réadaptation (douleur chronique) sont reliées en ce sens que la douleur chronique est un symptôme établi du « trouble douloureux associé à une affection médicale ».
Bien que le droit à des prestations d’invalidité ait été initialement refusé au vétéran, on le lui a accordé après que le symptôme (douleur chronique) a été identifié comme étant un « trouble douloureux associé à une affection médicale générale ». Le spécialiste de la douleur a fait référence à l’affection comme étant de la douleur chronique dans son plan de traitement. Par ailleurs, le « trouble douloureux associé à une affection médicale générale » est décrit comme suit dans le DSM-IV : « une affection médicale générale joue un rôle important dans la manifestation, la gravité, l’exacerbation ou le maintien de la douleur. (Si des facteurs psychologiques sont présents, ils ne sont pas considérés comme jouant un rôle important dans la manifestation, la gravité, l’exacerbation ou le maintien de la douleur.) » [traduction] Le spécialiste de la douleur a conclu que les symptômes du vétéran correspondaient aux critères du DSM-IV.
Le passage susmentionné établit que la douleur chronique est un symptôme de l’affection indemnisée, ce qui est appuyé par le spécialiste de la douleur.
Les éléments de preuve indiquent également que l’affection ouvrant à une indemnité d’invalidité faisait partie du programme de réadaptation du vétéran et que le gestionnaire de cas (GC) a tout probablement considéré cette affection comme de la douleur chronique. Le GC coordonnait les services psychologiques et de physiothérapie dans le but d’atteindre la gestion des niveaux de douleur. Bien qu’elle soit considérée comme un problème de santé mentale, n’empêche que l’affection ouvrant droit à des prestations d’invalidité correspond à la douleur chronique éprouvée par le vétéran et que c’est la douleur chronique qui a été approuvée aux fins de services de réadaptation.
Bref, le fondement de la décision originale semble tourner autour d’une question de terminologie. Le dénominateur commun est le fait que le vétéran éprouvait une douleur débilitante à sa cheville gauche pour laquelle elle recevait des prestations d’invalidité et des services de réadaptation.
Le BOV a recommandé la révision de la date d’admissibilité à l’AIC rétroactivement à la date de la demande initiale en juillet 2017.
Efficience
Le BOV a reçu la plainte en septembre 2018 et a fait sa recommandation à ACC en octobre 2019. Au moment d’écrire le présent rapport, ACC n’avait pas encore rendu sa décision. Voici la séquence des activités approximatives depuis la réception de la plainte :
- Novembre 2018 : ACC refuse une deuxième fois la demande du vétéran (UNADP).
- Le BOV et le vétéran ont recueilli d’autre information pour le dossier. Il y a eu de la correspondance entre le BOV et le vétéran en juin, juillet et août 2019 relativement à l’état de son dossier et des demandes présentées à ACC;
- Juin 2019 : Le vétéran a appris que sa demande subséquente d’AIC était encore à l’étape de décision.
- Le BOV a communiqué avec la Prestation des services en juillet 2019 et de nouveau en octobre 2019, mais la situation demeure non réglée.
Cas no 3 : Répondre aux attentes : Décisions opportunes et transparentes pour les vétérans malades ou blessés du Canada
Contexte
Selon l’examenFootnote 22, publié en 2018, le temps qu’il faut à ACC pour rendre une décision relativement à une demande de prestations d’invalidité est la source des plaintes que le BOV entend le plus souvent de la part des vétérans. Pour étudier la question, le BOV a analysé 1 000 premières demandes de prestations d’invalidité et effectué des visites sur place avec le personnel d’ACC. En outre, il a examiné tous les documents internes et externes existants qui fournissent au personnel des directives sur le traitement et l’évaluation des demandes, que ce soit des textes législatifs ou des processus opérationnels.
Évaluation et constatations du BOV
Selon l’analyse effectuée par le BOV, bien qu’ACC respecte la norme de service de 16 semaines pour le traitement des demandes présentées par les vétérans ayant servi pendant la Seconde Guerre mondiale ou la guerre de Corée, la majorité des autres premières décisions concernant les prestations d’invalidité ont pris plus de temps à traiter – et parfois beaucoup plus longtemps.
Lorsque les demandes ont été examinées pour observer les tendances, trois s’en sont dégagées et ont révélé des incohérences dans la façon dont certains groupes de vétérans ont été traités :
- En moyenne, les demandeurs francophones ont attendu plus longtemps que les demandeurs anglophones.
- Les délais étaient plus longs pour les femmes que pour les hommes.
- En raison de divergences dans la façon dont la date de début de la norme de service est déterminée – c’est-à-dire le moment où le décompte commence – il arrive que les vétérans dont les besoins sont moindres voient leur demande avancer dans la file d’attente avant les autres.
- Les décisions relatives aux prestations d’invalidité prises en vertu de la Loi sur les pensions facilitent l’accès aux avantages médicaux.
- Les vétérans et leur famille sont traités injustement lorsque le vétéran décède pendant le traitement d’une demande et qu’il n’a pas de conjoint survivant ou d’enfant à charge.
L’examen a également permis de constater ce qui suit :
- Un manque de priorisation pour ceux qui risquent d’avoir des besoins non satisfaits en matière de santé.
- Un manque de transparence et de communication tout au long du processus, tant sur le plan de la présentation des délais d’exécution que sur le plan de l’état d’avancement de la demande du vétéran et des retards.
Sur la base de ses constatations, le BOV a fait les sept recommandations suivantes (selon le bulletin du BOV, les recommandations en surbrillance ont été mises en œuvre) :
- Prendre des décisions en temps opportun pour tous les vétérans – sans égard au sexe, à la langue ou à d’autres facteurs.
- Normaliser les dates de début de la norme de service afin d’améliorer la transparence et l’équité et de faciliter l’établissement de rapports précis sur le rendement.
- Trier les demandes en fonction des besoins en santé et financiers.
- Rembourser tous les frais de soins de santé engagés par les vétérans pour une affection ayant fait l’objet d’une demande de prestations approuvée, et ce, à compter de 90 jours avant la date de leur demande.
- Lorsqu’un vétéran décède et qu’une demande de prestations d’invalidité est en cours de traitement, continuer à traiter la demande et permettre le paiement à la succession si la décision est favorable.
- Donner à chaque demandeur un délai d’exécution prévu et individualisé pour sa demande et l’informer si la décision sera retardée et en donner la raison.
- Fournir aux clients une liste de contrôle de tous les documents requis sur le formulaire de demande et, à la réception, retourner immédiatement les demandes s’il manque des documents requis.
Efficience
Le BOV a noté que le temps et les ressources humaines (ETPFootnote 23) requis pour réaliser l’examen systémique étaient semblables aux autres enquêtes systémiques, comme suit :
- Approbation du plan de projet par la haute direction en mars 2017;
- Collecte, examen et analyse de documents à compter de mai 2017 (1 ETP supérieur);
- Demande d’un premier échantillon de données envoyée à ACC à l’été 2017; échantillon reçu en septembre 2017;
- Demande d’un deuxième échantillon de données à l’automne 2017; échantillon reçu en décembre 2017;
- Analyse des données (examen de plus de 1 000 demandes de prestations d’invalidité), examen et analyse de la documentation (processus opérationnels, etc.) et visites sur place (deux ETP supérieurs – coresponsables);
- Rédaction du rapport (une fois l’analyse terminée) en janvier 2018 et achèvement de la première ébauche en avril 2018 – 2 ETP supérieurs;
- Rapport soumis au ministre en juillet 2018;
- Publication en septembre 2018.