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La retraite des Allemands et des moments de plaisir

La force francophone

La retraite des Allemands et des moments de plaisir

Transcription
La retraite des Allemands et des moments de plaisir Là, c’est la débâcle de la septième armée allemande. Là, c’est le bordel. Là, ils courent partout, ils essaient de se rassembler. Les Américains ont attaqué par le sud, puis s’en viennent en direction de Falaise. Et puis on va refermer la poche. Et là il y a, il va y avoir des faits d’armes extraordinaires, dont un des commandants des blindés qui a une croix de Victoria à Saint-Pierre-sur-Dives et, et là j’ai vu des choses absolument terribles. La guerre dans, dans toutes ses horreurs. Des réfugiés qui ont été, des réfugiés français qui se replient à travers les troupes. L’aviateur en haut, lui, c’est go, go, go, go, go, go. Les routes sont couvertes de cadavres, de chevaux morts, de, de… on marche littéralement sur les cadavres… des chars sautés. Eux autres, en haut, l’aviation, les chasseurs bombardiers, c’était un pique-nique! Et on voit s’écrouler, on voit s’écrouler Falaise. Eh, pour nous, quand on a réalisé tout à coup qu’il y avait plus de résistance en avant, la guerre va soudainement changer, ça va être une nouvelle dimension. Ça a plus l’intensité que ça avait entre Caen et Falaise, mais là, c’est ce qu’on appelle la poursuite. La poursuite, c’est une autre opération de guerre. L’attaque, c’en est une, la défense c’en est une, la retraite, c’en est une, la poursuite, c’en est une autre. Là, c’est un ennemi en déroute qui va utiliser tous les subterfuges possibles et imaginables pour créer des embuscades, puis retarder. Retarder l’avance pour leur permettre de se consolider, se replier derrière la Seine peut-être. La Seine est surveillée… au bout. Les cadavres montent avec les marées dans la Seine. Toujours avec les chasseurs bombardiers, plus les autres bombardements stratégiques qui s’ajoutent toujours à ça : les centres de chemins de fer, les jonctions de chemins, les villages, tout ce qui est important au point de vue opérations. Bloquer l’arrière de la retraite pour que les Allemands sauvent le moins de troupes possible. Alors on va avoir quand même un moment de répit. Les petits plaisirs de guerre dans des moments comme ceux-là. J’ai réussi, dans un hameau quelque part, en direction de Rouen, à avoir un moment de répit. On apprend du commandant que on a une journée pour se reposer. On rentre dans une ferme, on ramasse de l’eau, on fait un feu, on se fait une bouillotte terrible pour se baigner, on est couverts d’éclairs, on est galleux, hein, on n’a pas changé de linge, il y a du fiente dans les culottes, il y a tout ce qu’il faut, hein, et puis il y a plus d’eau, on n’a pas bu, on n’a pas mangé de ration fraîche, on est fatigués, on est brûlés. Je fais baigner mes hommes, on prend tous un bain, puis on va dormir, dormir au p.c. Puis les gars, là, il y a toujours dans le groupe, chez nous, les gars ont pris une mitraillette, ils ont tué un cochon. Ils ont tué des poules, on a préparé un stew avec des patates, des navets, fait que c’est, c’est, c’est le party! Puis on mange comme des cochons, on mange du chaud! Il y a des gars, des cuisiniers québécois. C’est bon, puis il y a du pain blanc! Nos cuisines font du pain blanc. Les Allemands regarde notre pain puis ils comprennent pas ça. Comment ce que vous faites pour manger ça? Moi j’appelle ça, il mange leur pain allemand, leur pigsnokel, je me souviens plus du nom (rire). On dort. Naturellement, les gars on pas choisi la plus belle chambre de la maison du patelin. C’est le quartier général du peloton dix-huit. Alors Forbes dit à son sergent : « on va passer la nuit dans un lit, côte à côte. » On se déshabille, flambants nus, on se cale une shot de Rhum, une super. Du quatre-vingt-dix proof le rhum de l’armée. Quatre pour, faut mettre quatre fois de l’eau comme le rhum. On en a pris une couple de bonnes shot, puis on est tombés. Le lendemain matin, on est sortis du lit, on était couverts de plaques rouges, on se grattait. Le lit était plein de punaises. Dieu merci, le rhum avait fait effet, on en a pas eu connaissance. Mais le lendemain matin, les gars nous ont regardés défiler, puis les gars se roulaient. Les gars disaient : « un beau lit confortable, ça vaut pas une bonne couverte canadienne (rire). Il était arrivé un incident pas loin de là. Le nom du village m’échappe. Avant, passé Falaise, en direction de Rouen, dans ce coin-là, je suis bon, là, je suis bon, là, je l’ai, dans ce coin-là… Versainville! Le village de Versainville. On marche derrière un barrage, l’artillerie, on prend pas de chance. On avance, puis on avance. Je trouve que les bombes tombent un peu près, je rentre mes gars dans une maison bombardée. Dans la maison, une belle résidence, il y a un piano à queue, il a une patte de cassée, il est tombé à terre. Je trouve un violon. Je prends le violon, j’ouvre la boîte, les cordes, tout, rien dérangé. Sors l’archet, les gars ont dit : « sacrament, lieutenant, vous jouez du violon? » J’ai commencé à sérénader mes gars (rire). Rêve des anges de… Les gars, c’est beau… mais pendant ce temps-là, l’avance s’est arrêtée… . Georges Degrandpré, commandant de compagnie, rebondit, puis il dit : « eh! Le commandant crie en arrière, qui c’est qui arrête l’avance? » On était en avant. Les gars on dit : « major, le violon » mais il dit : « on va apporter le violon ». Ils ont pris le violon, puis ils l’ont roulé dans des couvertes, puis ils l’ont mis sur le carrier, en arrière du commandant de compagnie. Nous v’là partis. Ça continue. Le violon, il va revenir plus tard. Le violon, on le traîne, puis temps en temps je sérénade mes hommes. Ben oui, c’est l’fun! Puis, un bon violon! Je l’ai encore.
Description

M. Forbes nous raconte comment il a vécu la chute de Falaise, l’encerclement de la 7e armée allemande qui essaie de retarder les alliés qui avancent. Aussi, quelques moments de plaisirs et de repos, entre autres la découverte d’un violon.

Jean Charles Bertrand Forbes

Né d'une famille d'industrialiste à Matane en mars 1921, Charles Forbes fait ses études chez les frères du Sacré-Cœur à Victoriaville. Il se découvre une vocation de soldat grâce au prêtre du village. Après un an au Collège Militaire Royal de Kingston en Ontario, il s'engage pour service actif en novembre 1941 et complète sa formation d'officier. Après divers stages comme instructeur, il s'embarque pour l'Angleterre en décembre 1942. Il est assignéé au Régiment de Maisonneuve qui débarque en Normandie le 6 juillet 1944. Il participe à plusieurs campagnes à la tête de son peloton jusqu'à son rapatriement vers l'Angleterre en décembre 1944 à la suite d’une blessure subie à Groesbeek, en Hollande près de la frontière allemande. À la suite d'un acte de bravoure exceptionnel lors de la capture du barrage reliant le Beveland du Sud à l'île de Walcheren en Hollande il est sacré Chevalier Militaire de l'Ordre de Guillaume par la reine Wilhelmine de la Hollande. C'est la plus haute décoration de bravoure accordée par les Pays-Bas. De retour au Canada au printemps de 1945, il est démobilisé en novembre 1945, mais se réengage pour participer à la guerre de Corée avec le 2e bataillon du Royal 22e Régiment. Il quittera définitivement l’armée en 1965.

Catégories
Médium :
Vidéo
Propriétaire :
Anciens Combattants Canada et Témoignages d'honneur
Durée :
6:36
Personne interviewée :
Jean Charles Bertrand Forbes
Guerre ou mission :
Seconde Guerre mondiale
Emplacement géographique :
France
Campagne :
Normandie
Branche :
Armée
Unité ou navire :
Régiment de Maisonneuve
Grade militaire :
Lieutenant
Occupation :
Commandant de peloton

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Date de modification :