Intervieweuse : En y pensant bien, si vous deviez recommencer,
est-ce que vous referiez exactement la même chose?
Non, j’y penserais deux fois, certain, parce que...
on a, comme... à 19 ans, 20 ans, c’est une aventure!
C’est une aventure, c’est vrai,
mais c’est une aventure qu’on pouvait pas prévoir.
On pouvait pas savoir. Quand on est 4 ans à la guerre,
on a certaines... d’ailleurs, j’ai eu des missions...
Tu sais, j’ai toutes mes missions, je les vois toutes.
Intervieweuse : Vous les revoyez claires comme le jour...
Bien facile, bien facile. Je sais exactement les places là,
tu sais, comme Leipzig, comme Bergen,
comme Berlin – oh boy – ça c’était pas un cadeau.
Alors, on revient avec un traumatisme, ça c’est bien sûr.
D’ailleurs quand j’ai été examiné là, pour ma pension,
ils ont dit que j’avais 40 pour cent d’incapacité, traumatisme.
Puis le restant de l’incapacité, c’est les oreilles.
Ça c’est bien sûr parce que entendre mes gunners là,
à tous les jours, c’est bruyant.
Intervieweuse : Ça affecte l’ouïe?
Ça affecte l’ouïe, c’est ça.
Intervieweuse : Les gens savent pas ces choses-là.
Non, puis surtout que moi je suis à côté.
Ça me résonne dans les oreilles, c’est pas...
Intervieweuse : Le jour du Souvenir,
qu’est-ce que ça représente pour vous?
Ah ça ça représente beaucoup de choses...
c’est la journée que les vétérans sont tristes.
Tu sais, ils sont proches de pleurer, tu sais,
parce que ça revient, tout revient.
Je peux vous dire une chose moi.
Je me rappelle quand j’ai rentré à la Légion, à Beloeil,
dans une de nos fêtes du 11 novembre,
je – on fait ça à l’extérieur, devant notre cénotaphe – je vois
un bonhomme qui est de l’autre côté de la rue,
puis il fait son salut à 11 h – je reconnais celui qui s’est
occupé de notre avion – parce que c’est pas seulement des gens
d’avion là qui ont fait la guerre – lui,
c’était le Air Frame Mechanic.
C’était le chef qui s’occupait de l’avion.
Dévoué là, ça ne se peut pas être plus dévoué que ça.
Il attendait que les avions reviennent, si on revenait...
comme moi, tard, il attendait lui aussi, tard.
Il attendait au lendemain. Ça c’est extraordinaire.
Je l’ai vu là. Eh, tout de suite, il est arrivé et,
« Skipper, enfin, je peux te payer un drink. ».
Parce qu’il y a toujours cette différence qu’on a dans l’armée,
au civil aussi. Si tu es officier,
il faut que tu sois dans le mess des officiers,
si tu es non-comm, t’es non-comm, t’es là.
Alors, les deux ne peuvent pas se rencontrer,
ça fait qu’ils ne viennent pas me dire que je ne peux pas
rencontrer mon... ça c’est une autre affaire, tu sais.
Ah j’avais, lui, tout de suite,
il est venu puis il est rentré comme membre.
Il vit encore, j’espère, parce que là...
J’ai cherché, après la guerre, à trouver un bon ami qui était mon
défenseur pendant la guerre. C’est mon mitrailleur,
Jerry McAllister, et on me donne une adresse où je me rends.
J’arrive là et je m’informe chez le curé pour savoir si ce
bonhomme-là reste là – ils ont dit :
« Oui, il reste à telle place. ».
Je me rends là, je renconte les parents ou, je pense.
J’ai dit : « Je voudrais rencontrer... ».
Y’ont dit : « He’s at the tavern » (Il est à la taverne.)
Je me rends là, il est là. Mais, il n’est pas en bonne condition.
Évidemment, il y a beaucoup de pleurs entre les deux parce qu’on
se renconte après la guerre. Il pleure et moi je pleure.
Puis là, je vois qu’il n’est pas dans la meilleure condition
physique. Apparemment, il est à la taverne quasiment sept jours
par semaine. Je l’ai rencontré trois fois,
mais il était toujours dans la même condition.
Ça me faisait beaucoup de peine et lui ça devait lui faire
beaucoup de peine. Mais, la journée qu’on s’est rencontrés là,
c’était un déluge, parce que lui y’a pleuré mais moi aussi j’ai
pleuré. C’est dur, c’est dur.
Aujourd’hui bien, il est décédé.
Je suis content qu’il soit décédé parce que j’aurais pas aimé ça
le voir encore parce qu’il n’était pas en condition.
Il était en mauvaise condition. Ça c’est triste, tu sais.