Rita (Gallant) St. Onge
Ce récit est présenté par Debbie Thomas. Mme St-Onge fut la première femme à construire des navires au Canada.
Mon nom est Rita (Gallant) St-Onge. Je suis née à Woodstock, Île-du-Prince-Édouard. Je quittai la maison en 1940 pour trouver du travail. J'avais 15 dollars en poche et je pris la direction d'Halifax. Il en coûtait 7 dollars pour le voyage en train et avec le reste de mon argent, je m'achetai un cadeau, soit une montre-bracelet. Je travaillai durant deux ans comme femme de ménage. Je vis dans une annonce placée dans un journal que le Service sélectif national recherchait du monde pour combler des postes au chantier naval. L'idée me sembla intéressante; aussi, je décidai de poser ma candidature. Je dus passer une épreuve écrite et, à ma grande surprise, je fus embauchée. Des centaines de personnes furent engagées et seules sept d'entre elles étaient des femmes. Nous étions embauchés pour construire le NCSM Nootka. Je fus la première des femmes à être embauchée. C'était le meilleur emploi que j'ai jamais eu. Je travaillais comme maquettiste dans la salle à tracer. C'est là que tous les plans du navire étaient dessinés à l'échelle puis disposés sur le plancher. Ma fonction consistait à prendre les mesures de chaque élément, puis à le fabriquer au moyen de contreplaqué d'un pouce d'épaisseur. Je perçais les trous et j'installais les rivets dans le bois. Une fois ces maquettes en bois terminées, elles étaient transférées dans une autre pièce et reproduites en acier. Il fallut trois ans pour construire le NCSM Nootka.
Il s'avéra que j'étais la première femme à construire des bateaux au Canada. Je n'avais jamais imaginé être une célébrité, mais d'autres pensaient que je l'étais. Je reçus des cartes et des lettres de politiciens, ma photo fut publiée dans le journal et je fis l'objet d'une entrevue à la radio à Halifax. Je reçus même 35 dollars en contrepartie d'une entrevue avec Lorne Greene, qui était présentateur de nouvelles canadien à l'époque. Le moment le plus passionnant de ma carrière de constructrice de navire survint quand je fus choisie pour baptiser le nouveau destroyer à la construction duquel j'avais participé. Le Nootka était le second destroyer à être lancé en temps de guerre et le premier avait été baptisé par la femme du lieutenant gouverneur. Aussi, pour moi, il s'agissait de tout un événement.
Le 24 avril 1944, le NCSM Nootka fut lancé. Je coupai le ruban et fracassai la bouteille de champagne sur la coque du navire. J'étais en compagnie de nombre de dignitaires. De nombreuses photos furent publiées dans les journaux et je les gardai toutes. Je reçus une plaque d'argent pour commémorer ma participation au baptême.
Je rencontrai mon mari, qui était un marin de retour au pays, nous nous mariâmes puis revînmes à Cornwall, Île-du-Prince-Édouard. Je n'ai jamais pu travailler le bois depuis lors, mais je regrette de ne pas avoir gardé mes outils. Je les avais donnés à la personne qui me remplaça lorsque je quittai.
Ce fut une période excitante et agréable. Nous n'arrêtions pas de jouer des tours et de faire des plaisanteries pour apaiser la tension. J'étais ravie lorsque la guerre prit fin. La guerre ne règle jamais rien et j'espère qu'elle n'aura plus jamais lieu.
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