La folie de Hitler
Des héros se racontent
Transcription
Interviewer : Vous avez parlé de Hitler, dans le temps,
qu’est-ce que vous pensez de lui ?
Ben nous autres, on le connaissait pas. On le
connaissait comme le chef de nos ennemis, si tu veux.
Mais on le connaissait pas de visou, si tu veux dire. On
pouvait pas le voir. Je sais pas... On appelait ça la
guerre de Hitler, mais c’était pas plus que ça, je pense.
On pensait à le détrôner. On pensait à le battre, tout
simplement, je pense.
Interviewer : Y a-t-il un temps où vous avez réalisé un
peu que Hitler c’était plus que juste un personnage
normal, c’était un peu un monstre ?
Dans la fin, on en entendait parler de ça, oui. Oh oui,
parce qu’il y a eu... bien on entendait les nouvelles, on
entendait tu sais... pas plus qu’il faut mais ce qu’on
entendait, oui. Il y a eu quelques attentats, il y a
quelques de ses généraux qui ont tenté... qui ont
attenté à sa vie quelques fois, puis des choses comme
ça là. Mais on était pas plus au courant des nouvelles
qu’il faut non plus. Quand t’es au front, t’es au front.
Tu sais, t’as pas tout. Tu as ce que tu as. Puis on n’a pas
des petits radios comme aujourd’hui, puis tout ce que
tu veux. Les nouvelles qu’on a c’est presque du bouche
à l’oreille, tu sais. Parce que... ce qu’on appelait...
comment est-ce qu’on appelait ça, un radio man, un de
nos gars qui portait un radio... ? C’était une affaire qui
pesait peut-être 100 livres qu’il avait sur le dos, tu sais.
C’était pas des farces, tu sais. C’était comme une
caméra. Il n’y avait pas beaucoup de photos de... de
pris dans la guerre comme telle, de près, parce que, hé,
une caméra c’était gros comme ça. Pauvre
photographe qui allait se planter là, il se faisait
descendre. Testament. C’était pas comme aujourd’hui,
pas en tout ! Aujourd’hui les petites patentes comme
on a aujourd’hui. On en aurait su bien plus, hein.
Interviewer : Est-ce qu’il y a quelque temps que vous
avez... réalisé ou que vous êtes venu... quelque chose
que vous avez réalisé que les Nazis c’était...C’était fini ?
...que c’était assez cruel ?
Oh bien oui ! Oh bien oui ! Bien d’abord un SS ça se
donnait pas ça, hein ? Quand on se battait contre des
SS, si on frappait des SS en avant de nous autres, il
n’était pas question de faire des prisonniers. On en
faisait pas de prisonnier. On ne pouvais pas en faire. Il
se donnait pas prisonniers. Leur loi c’était de mourir
pour Hitler. Ils désiraient mourir pour Hitler. Qu’est-ce
que tu fais avec ça ? Faut dire qu’à la fin, il y en avait
plus beaucoup de ça non plus. En Allemagne, à la fin là,
on ne se battait plus contre grand chose. On se battait
contre des petites filles et puis des petits gars, puis des
vieux avec des fourches puis des... toutes sortes de... Tu
sais ? Des soldats, pour moi, Hitler en avait plus. Parce
qu’on s’est battu pour vrai contre des petits gars puis
des petites filles avec des fourches. C’est pas des farces !
Ils étaient tellement battus. C’est là où j’ai réalisé qu’ils
étaient fous de pas se donner. Ça n’avait plus de bon
sens. Il n’y avait plus de guerre. Il y avait rien que des
ambush. T’étais là, t’arrivais à un petit bois, par
exemple, t’avais comme un petit régiment, ou un
groupe de soldats armés qui était là, puis qui se
défendait puis qui faisait la vie dure un peu. Après ça,
t’arrivais à une ferme pas bien loin de là et t’avais trois
ou quatre petits gars, trois ou quatre petites filles et
deux ou trois vieux avec des fourches. Qu’est-ce que tu
veux faire avec ça ? Tu tires même pas. Tu sais. Tu
oses pas tirer là-dessus. Ça n’a pas de bon sens. C’est
plus de la guerre. Ça n’a plus de bon sens. Faut bien
que tu te dises qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Tu
le réalises. Ça devient impossible.
Interviewer : Qu’est-ce que vous avez fait avec ces
paysans là qui essayaient de vous attaquer ?
Rien. Pas grande chose. Bien moi j’ai pas fait grande
chose, toujours. Il a du s’en faire tuer c’est certain
parce que... Écoute, si il s’en vient t’attaquer avec une
fourche... Moi ça ne m’a pas arrivé là, mais si il s’en
vient t’attaquer avec une fourche, t’es toujours pas
pour te laisser faire. S’il te plante la fourche dans le
corps, tu vas l’avoir la patente. Mais moi ça m’a pas
arrivé, à ce point là, là, tu sais. Au point de... d’en tirer
un là, non. Ça m’a pas arrivé. Je dis pas que ça peut pas
avoir arrivé quand j’avançais là en tirant... comme j'expliquais
plus tôt pour leur faire baisser la tête, si tu veux. Je
n’en ai peut-être frappé un, là. Mais de façon direct là,
être attaqué par un puis d’être obligé de le descendre,
non. Ça ne m’a pas arrivé. Je sais qu’il y en a que c’est
arrivé. J’en ai vu même. Mais moi ça ne m’a pas arrivé.
Heureusement. J’en ai un de moins sur la conscience, tu sais ?
Interviewer : Ça doit être plus difficile à voir... des gens
de même...
Faut que tu fasses attention aussi parce que ça peut
être des vrais soldats bien armés, camouflés autrement.
Tu le sais pas. C’est embêtant. Tu es toujours embêté.
Tu n’as jamais de vrai réalité devant toi, si tu veux. Faut
que tu devines. Faut que tu te forces pour pas faire de
folies d’abord... Tirer une petite fille ça aurait été une
folie, me semble. Tirer une toute petite fille que sa
mère lui a peut-être sacré une volée pour lui dire « Vas-
y », tu sais. J’aurais eu ça sur la conscience, hein ? Puis,
il y a des fois que tu n’as pas le choix parce que la petite
fille c’est devenu bon un soldat aussi. Tu le sais pas.
C’est peut-être bien pas une petite fille. Attends un
peu... Tu le sais pas. Ça te mets dans... c’est des sortes
d’embarras, tu sais. C’est bien embêtant. Bien... C’est cruel.
Description
Voulant gagner à tout prix, Hitler envoyait même des enfants et des civils au front, M. Lafrance raconte que leur faire la guerre occasionnait certains problèmes de conscience.
Benoît Lafrance
M. Benoît Lafrance est natif de Hull, Québec. À l’âge de 18 ans, il s’enrôle avec l’armée canadienne; une décision qui changera sa vie à jamais. Il débute son instruction militaire à Ottawa, puis se rend en Écosse à bord du Queen Elizabeth. Encore de l’instruction militaire jusqu’au 6 juin 1944 lorsqu’il participe enfin au débarquement de Normandie. M. Lafrance sera au front un peu partout en Europe avant son retour au pays. Ses rêves le hantent toujours.
Catégories
- Médium :
- Vidéo
- Propriétaire :
- Anciens Combattants Canada
- Date d’enregistrement :
- 14 avril 2011
- Durée :
- 2:00
- Personne interviewée :
- Benoît Lafrance
- Guerre ou mission :
- Seconde Guerre mondiale
- Branche :
- Armée
- Grade militaire :
- Soldat
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- Date de modification :