Autant que la ville de Kigali peut être déserte - puis je
dis pas autant qu’il va avoir de personnes - mais, quand
je suis parti là, on pouvait compter du monde dans les
rues, on pouvait compter des familles qui cultivaient,
un peu, voir des jardins qui avaient commencé à être
restaurés. On commençait à voir des familles avec des
animaux, ce qu’il n’y avait pas avant. Là on voyait bien
que c’était fini entre... on souhaitait que c’était fini,
mais on voyait bien que ça commençait à prendre le
dessus, tranquillement pas vite. Mais, tranquillement
pas vite, je ne devrais pas dire ça parce que, vraiment
là, quand je suis parti, j’étais sûr que ça allait... J’ai pas
vu qu’est-ce que ça avait l’air avant le conflit, comment
il pouvait avoir de monde dans les rues. Mais si je
compare à ce que j’ai vu quand j’étais... un exemple, en
Ouganda là, dans les villes de l’Ouganda où c’est peuplé
de même, je me dis qu’il y avait peut-être 50% de la
population qui était revenue quand je suis parti, au
moins, 50% de ce qui restait de vivants, mettons. Parce
que moi, si je donne mon avis sur ce conflit-là, c’était
dur pour un Hutu, de dire qui était Hutu et qui était
Tutsi, parce qu’ils étaient quand même... ça faisait
longtemps qu’ils vivaient en communauté ces deux
groupes ethniques. Puis, il y avait quand même des
Hutus qui avaient marié des Tutsis puis des Tutsis qui
avaient marié des Hutus puis qu’ils avaient eu des
enfants. Ça fait que... il n’y avait pas un Hutu ni un
Tutsi qui pouvait dire être en sécurité. Si, par moment,
il y avait un doute, la personne était tuée. Ça prenait
rien qu’un doute, ça prenait rien qu’un doute, rien
d’autre. Si tu n’avais pas de papiers officiels sur toi
prouvant que tu étais soit un Tutsi ou un Hutu, pour
montrer, les chances que l’autre prenait la mauvaise
décision étaient une sur deux.
Interviewer: Quand vous regardez un peu le conflit au
Rwanda en rétrospective, quelles conclusions vous
avez de ce conflit-là ?
J’ai trouvé que... conclusion... je peux dire que... on
pourrait en tirer plusieurs conclusions, mais tirer la
bonne, c’est une autre paire de manches. Moi, je vais
te dire mon idée. (Inaudible) deux groupes ethniques,
ça s’endurera jamais, jamais... à moins que la guerre ait
été assez punitive qu’ils se sont dit : « Ça n’a pas
d’allure là, faut arrêter ça. » Première des choses, les
Tutsis puis les Hutus, il y avait trop de différence entre
les deux. Les hommes d’affaires étaient tous des Tutsis
et les travailleurs étaient tous des Hutus. Les Tutsis
voulaient pas que les Hutus s’instruisent, parce que, les
dirigeants disaient que s’ils faisaient ça, qu’ils allaient
perdre leur place, leur job. Dans un contexte de même,
ça peut pas tougher. Dans un contexte où que les
travailleurs sont exploités puis les travaillants
s’enrichissent... et puis c’est quand même la même
nationalité, c’est tous des Africains. Puis si on regarde
les Hutus comparés aux Tutsis, les Hutus c’est des
guerriers, c’est tous des gars, des personnes de 6 pieds,
6 pieds et plus. Ils sont pas gros et tu vois que c’est des
travaillants; ils sont tous bien bâtis, bien musclés, les
jeunes surtout. Ça fait que, mets-leurs une machette
dans les mains, puis déterminés. J’ai parlé souvent avec
des jeunes Hutus qui... je suis venu que j’ai fait des
contacts là-bas, et puis ils n’avaient pas plus que 12, 13
ans, puis ça faisaient des marques pareilles comme le
Billy the Kid faisait sur son revolver. Je leur ai
demandé... Pour eux autres, tuer un Tutsis c’était
comme un jeu, comme une personne qui va à la
chasse... pas plus de remords de conscience, pas plus...
ils en parlent avec le sourire fendu jusqu’aux oreilles.
Mais ce conflit-là, c’est souhaitable qu’il va se régler
parce qu’il n’y a pas un enfant ni un être humain qui
devrait vivre une situation pareille. Ça ne devrait pas
exister. On est chanceux, au Canada, vraiment
chanceux. Il fait froid, mais on est chanceux.