La journée de l'invasion, quand on a mis le pied à terre,
on a été à peu près trois jours qu'on n'avait rien à manger.
Ils nous disaient que tout avait sauté. Pis c'était possible aussi.
Là, on n'avait rien à manger, j'veux dire des rations militaires.
Quecé qu'il y a là… quand on s'adonnait à passer à une maison,
pis il restait du manger, quelque-chose, on se servait.
Après tout… deux, trois jours sans manger, t'avais faim, hein.
Et puis c'est de même que ça se passait tout au long à part de ça.
Oui. Puis nous autres là, dans notre section,
on avait chacun notre tour à faire un p'tit repas.
D'la viande hachée, des patates, des oignons, des affaires de même.
Pour nous tiendre vivants. Tu sais. Qu'on soit capable d'avancer
de temps en temps. C'est pas mal la vie du soldat ça.
Tu fais un village, tu fais une ville pis tu continues.
Il y en a d'autres, puis… T'as pas grand repos.
La pire place qu'on a pris en France, ça a été le fameux Carpiquet.
Ça c'était un champ d'aviation pour les Forces allemandes,
pis y'avait tous les hangars là, tous les avions.
Puis quand ils se sont décidés, que les cartiers généraux se sont décidés,
de nous envoyer pour prendre cet aéroport-là, ça nous a pris trois jours.
Et ça a été dur. Ça a été très, très, très, très dur.
Y'a beaucoup de monde qui sont morts là. Beaucoup.
Pis y'a beaucoup d'Allemands aussi qui sont morts. Parce que l'artillerie là…
M'a t'expliquer quelque-chose. O.K., quand on fait l'attaque là,
on a fait l'attaque d'un champ de blé, plus ou moins,
ou champ d'avoine… en tout les cas. Pis l'artillerie allemande
tirait par là, pis notre artillerie à nous autres, avec les tanks,
tiraient par là. Fait que ça nous passait au-dessus de la tête là,
comme ça. Aye! C'était un méchant carnage. Et puis,
nous autres puis les tanks aussi y'ont été obligé d'utiliser les
lance-flammes. Ça c'est une genre de canon qui est accroché
sur un tank, ou bien donc, nous autres dans l'infanterie, on en
avait avec la tank accrochée dans le dos, avec un…
J'dirais pas que c'est un fusil là, c'est un canon que détient comme une
bonbonne là. Tu tires la clenchette, ça sort. Ben c'est pareil.
Pis ça c'est du feu qui sort de là-dedans. Pis c'est…
c'est pas beau à voir. Quand tu dis que tu brûles des gars là…
C'est pas beau à voir. Pis on a eu de nos gars qui se sont fait
prendre avec ça aussi. C'est pas des farces ça. Quand tu dis
que tu brûles un vivant là. Quand on a commencé à tranquilliser
un petit peu, on pensait que c'était tranquille, mais ça l'était pas.
Là on s'est en allé… On a pris chacun une tranchée.
C'était correct. On attend. Tout d'un coup, l'artillerie allemande,
à l'ouvre le feu. Pis là ça descendait. Et puis on
vient tous nerveux dans ce temps-là, hein. Moi j'embarque dans
la tranchée pis j'attends. Tout d'un coup j'entends quelqu'un
qui s'en vient en courant. Y'arrive au ras de notre tranchée
pis il se garroche par-dessus moi. Pis son nom, j'suis capable
de le nommer à part ça, un nommé Deneault. Et puis… (sanglots)
en tous les cas… Il se garroche par-dessus moi et puis j'attends.
Je lui dit : « Deneault, décolles. Ça commence à
arrêter là, décolles de sur moi. » Il… il décolle pas.
Là j'attends un autre deux, trois minutes. J'ai dit :
« Là, là, c'est le temps! Décolle! » Il bouge pas. Je le pousse.
Y'avait le dos fendu ça de long. S'cusez-moi. (sanglots)
C'est une affaire qu'on n'oublie pas. (sanglots)
En tous les cas, c'est ça.
Y'a des affaires comme ça que t'es pas capable d'oublier.
On voudrait pas que ça arrive à d'autres qu'on connait.