3.1 Approbation non exceptionnelle (3 grammes par jour ou moins)
Les vétérans peuvent facilement accéder au remboursement du CFM par l’entremise du Programme d’avantages médicaux d’ACC, en particulier s’ils détiennent l’autorisation de se procurer moins de 3 grammes par jour de cannabis séché ou son équivalent sous forme de cannabis frais, de cannabis comestible, d’extraits de cannabis (y compris l’huile de cannabis) ou de cannabis pour usage topique.
ACC rembourse actuellement le coût d’achat du CFM pour toutes les affections ouvrant droit à pension, et ce malgré le fait que le cannabis n’ait pas été approuvé en tant que produit thérapeutique au Canada. Dans ce contexte, ACC doit s’assurer que les avantages associés au CFM soient supérieurs aux risques posés pour la santé et le bien-être des vétérans, y compris les risques d’abus de substances, de troubles liés à la consommation de substances et de conséquences connexes sur la santé.
Bien que l’on dispose d’innombrables rapports anecdotiques sur les usages thérapeutiques du cannabis, les essais cliniques à l’appui de l’innocuité et de l’efficacité du recours au cannabis pour le traitement d’affections données demeurent limités. Comme précédemment mentionné, il n’existe actuellement aucune dose de cannabis scientifiquement établie pour le traitement d’affections médicales données. La posologie demeure très individualisée. Les données actuellement disponibles semblent indiquer que la plupart des patients consomment moins de 3 grammes par jour de cannabis séché.
En raison de ces incertitudes, ACC a fixé la limite de remboursement quotidienne maximale à 3 grammes par jour de CFM séché (ou son équivalent sous forme d’autres types de produits) lorsqu’il a élaboré sa Politique de remboursement du cannabis à des fins médicales (la politique) en 2016, et ce afin d’atténuer les risques pour la santé auxquels les vétérans pourraient être exposés.
Pour que ce maximum de 3 grammes par jour puisse être considéré comme efficace, nous nous attendions à constater que la majorité des vétérans recevaient le remboursement de quantités inférieures à 3 grammes par jour. L’équipe de vérification a toutefois constaté que le maximum de 3 grammes par jour ne limitait pas efficacement le risque pour la santé des vétérans, comme le montrent les faibles taux de refus de même que le pourcentage élevé d’autorisations à l’égard de quantités égales ou supérieures à 3 grammes par jour au 31 décembre 2020.
La politique d’ACC ne tient pas compte des affections visées par le traitement ni des affections concomitantes
Une seule exigence est imposée aux vétérans qui présentent une demande d’approbation non exceptionnelle, à savoir que leur document médical dresse la liste de leurs affections ouvrant droit à des prestations d’invalidité. Les taux de refus de demandes présentées à l’égard de quantités de 3 grammes par jour ou moins sont très faibles. La vérification a permis de déterminer que les taux de refus pour ce groupe étaient d’au plus 1,9 % pour la période visée par l’évaluation. Ces faibles taux de refus résultent directement du fait qu’ACC n’a pas restreint ou adapté l’accès au remboursement du CFM en fonction de certaines affections ouvrant droit à des prestations d’invalidité, ce qu’il a pourtant fait pour d’autres avantages médicaux.
La vérification a en outre permis d’établir que les assureurs qui ont commencé à couvrir le CFM ne procèdent qu’en présence d’un nombre très limité d’affections (aucune d’entre-elles n’étant liée à la santé mentale); ils imposent également des exigences relatives aux coûts de même qu’à la production de nombreux documents.
L’Association médicale canadienne et le Collège des médecins de famille du Canada mettent en garde leurs membres quant à l’autorisation du CFM. Dans son guide, le Collège des médecins de famille du Canada souligne en effet que peu de données probantes issues de la recherche étayent l’autorisation du cannabis pour le traitement des affections douloureuses couramment traitées en soins primaires. Il conseille d’envisager l’autorisation du cannabis pour le traitement de la douleur neuropathique chronique ou de la douleur cancéreuse en soins palliatifs réfractaire au traitement standardNote de bas de page 15.
Autorisation de quantités égales ou supérieures à 3 grammes par jour
La Politique de remboursement du cannabis à des fins médicales d’ACC incite à l’adoption de comportements menant la majorité des demandeurs à recevoir le remboursement de quantités égales à la limite quotidienne de 3 grammes par jour.
La page de questions et réponses sur la politique d’ACC publiée sur le site externe du Ministère mentionne que « la politique de remboursement est basée sur la directive publiée par Le Collège des médecins de famille du Canada, qui recommande que “… la limite supérieure de l’utilisation sûre de cannabis séché soit de l’ordre de 3,0 g par jour, et que même à cette posologie, l’utilisation soit envisagée exclusivement dans des conditions strictement définies” ».
Comme l’indique le tableau suivant (Figure 4), au 31 décembre 2020, 81 % des autorisations concernaient des quantités égales ou supérieures à 3 grammes par jour.
Groupe | Nombre de vétérans | % des autorisations | Quantité moyenne autorisée (en grammes) |
---|---|---|---|
moins de 3 g/jour | 2 674 | 19,4 % | 1,7 |
3 g/jour | 8 395 | 60,9 % | 3 |
plus de 3 g/jour | 2 747 | 19,9 % | 7,1 |
Notre analyse de données a mis en évidence une corrélation très élevée entre l’augmentation de la quantité quotidienne de CFM autorisée (en grammes) et le nombre d’autorisations subséquentes. Si cette tendance se poursuit, nous serons à même d’observer une augmentation du nombre de vétérans faisant appel au processus d’approbation exceptionnelle pour accéder au CFM. Or, ce processus regroupe déjà près de 19 % des autorisations, ce qui est élevé. Selon nos experts médicaux internes, le processus d’approbation exceptionnelle devrait plutôt représenter de 1 à 2 % des autorisations.
L’analyse des données a également établi que les vétérans concernés par l’approbation exceptionnelle (de quantités supérieures à 3 grammes par jour) se voyaient rembourser en moyenne 7,1 grammes par jour, ce qui est extrêmement élevé par rapport à la moyenne de 2 grammes par jour signalée par Santé Canada pour les Canadiens ayant accès au CFM.
Santé Canada estime qu’un consommateur de cannabis sur onze (9 %) développera une dépendance à son égard. Cependant, si une personne fume du cannabis chaque jour, le risque de dépendance est de 25 à 50 %Note de bas de page 16.
La politique d’ACC ne tient pas compte de la teneur relative en THC et en CBD
Tel que précédemment mentionné, le THC est associé à certains effets thérapeutiques, mais également à divers effets nocifs. Le CBD fait également partie des cannabinoïdes thérapeutiques. Contrairement au THC, le CBD n’entraîne pas d’intoxication, ou de « high ».
Les experts s’entendent pour affirmer que l’augmentation de la teneur en THC entraîne une augmentation des risques pour la santé. Cependant, les guides de pratique clinique demeurent peu nombreux et en constante évolution. La politique d’ACC n’aborde pas la question de la teneur en THC, et les règles administratives en vigueur n’exigent pas non plus que les médecins indiquent la teneur en THC sur l’autorisation émise. Le Collège des médecins de famille du Canada mentionne toutefois que, « même si la réglementation concernant l’accès au cannabis à des fins médicales ne l’exige pas, les médecins doivent préciser le pourcentage de THC sur le document médical de toutes les autorisations d’accès au cannabis, tout comme ils préciseraient la posologie d’un analgésique sur une ordonnance ».
Le CMFC recommande également l’emploi de la stratégie de réduction des méfaits suivante lors de la détermination de la posologie : « Nous recommandons que la dose totale initiale pour la consommation d’huile de cannabis n’excède pas 2 g/jour. Pour le cannabis inhalé (et fumé), une dose initiale de 0,5 g/jour est suggérée. Nous recommandons d’utiliser la plus petite dose efficace et de maintenir la dose quotidienne maximale totale à 5 g/jour ou moins. » Il apporte aussi la précision suivante : « Alors que 2,5 à 3,0 g par jour est considéré comme une limite maximale appropriée en tant que dose individuelle, de plus grandes quantités pourraient être nécessaires dans le cas des huiles de cannabis. Environ 1,0 g (ou 1 mL ou 1 cc) d’huile de cannabis pourrait nécessiter environ 3,0 à 3,5 g de cannabis séchéNote de bas de page 17. »
Sans avoir au préalable procédé à la collecte et à l’analyse de renseignements clés sur le recours au CFM par les vétérans, le Ministère ne pourra être en mesure de cerner les tendances potentiellement problématiques et d’ajuster sa politique pour protéger la santé et le bien-être des vétérans.
Recommandation 1 :
Partie 1 : Il est recommandé que le sous-ministre adjoint, Politiques et Commémoration, en consultation avec le sous-ministre adjoint, Prestation des services, examine et mette à jour la politique sur le CFM dans l’optique d’assurer la santé et le bien-être des vétérans. Cet examen et cette mise à jour devraient notamment prévoir :
- la consultation d’experts externes pour obtenir leur avis sur la politique sur le CFM;
- l’ajout à la politique de directives sur :
- les affections visées par la couverture;
- les affections concomitantes et les contre-indications qui pourraient nuire au recours au CFM en tant qu’option de traitement;
- les limites quotidiennes (en grammes), accompagnées de directives sur la teneur maximale en THC et en CBD des produits à base de CFM couverts;
- les voies d’administration et les types de produits admissibles à la couverture;
- la poursuite des examens et des mises à jour de la politique, à intervalles réguliers, en fonction de l’évolution de la recherche et de la réglementation sur le CFM.
Partie 2 : Il est également recommandé que le sous-ministre adjoint, Prestation des services mette à jour et adapte les processus de programme et les règles administratives connexes afin de les harmoniser avec les modifications apportées à la politique.
La direction accepte la recommandation.
Depuis 2016, la politique a été mise à jour quatre fois pour tenir compte de l’évolution de l’environnement entourant le cannabis. Comme en 2016, des experts externes et des intervenants internes seront consultés. Leurs conseils éclaireront le processus de mise à jour de la politique.
La politique actualisée comprendra des directives plus détaillées sur les affections pour lesquelles le remboursement du CFM pourra être autorisé, les quantités quotidiennes maximales (en gammes) et la nature des produits couverts.
La Direction générale de la gestion des programmes et de la prestation des services s’engage à travailler avec Administration des contrats, la Direction générale des politiques et de la recherche, la Direction générale des professionnels de la santé et le fournisseur externe de services pour appuyer, mettre en œuvre et opérationnaliser les changements apportés à la Politique de remboursement du cannabis à des fins médicales.
Cette mesure comprendra notamment l’élaboration d’une orientation fonctionnelle, l’élaboration et la prestation de la formation requise ainsi que la communication efficace des changements apportés aux processus et aux exigences du programme aux vétérans, à la communauté médicale, aux vendeurs titulaires d’un permis fédéral et aux intervenants externes.
Recommandation 2 :
Il est recommandé que le sous-ministre adjoint, Prestation des services élabore un formulaire d’autorisation du CFM détaillé qui permettrait aux professionnels de la santé de faire preuve de diligence raisonnable lorsqu’ils recommandent le CFM à un vétéran comme option de traitement. Ce formulaire exigerait que les professionnels de la santé fournissent de l’information détaillée sur le traitement à base de CFM recommandé au vétéran en fonction de ses affections.
Les renseignements exigés comprendraient notamment :
- l’affection principale et les affections secondaires visées par le traitement,
- le type de CFM autorisé
- la voie et la fréquence d’administration,
- la teneur précise en THC et en CBD.
Le formulaire devrait en outre comporter la mention de toute affection concomitante ainsi qu’une liste des traitements antérieurs ayant échoué. Le professionnel de la santé responsable de l’autorisation serait également tenu de préciser qu’il est le médecin de famille du vétéran ou de s’engager à transmettre l’information au médecin de famille du vétéran. Le formulaire devrait finalement comprendre un plan de suivi du vétéran tout au long du traitement.
Seuls les produits mentionnés sur le formulaire d’autorisation détaillé et achetés auprès d’un vendeur titulaire d’un permis fédéral seraient admissibles à un remboursement d’ACC.
La direction accepte la recommandation.
La direction du programme travaille à l’élaboration d’un formulaire d’autorisation détaillé d’ACC que les professionnels de la santé devront remplir pour autoriser le cannabis à des fins médicales.
La Direction générale de la prestation des services et de la gestion des programmes s’est engagée à finaliser l’élaboration de ce formulaire en consultation avec la Direction générale des professionnels de la santé, Accès à l’information et protection des renseignements personnels et les Services juridiques d’ACC. Elle s’est également engagée à communiquer efficacement les nouvelles exigences concernant l’utilisation de ce formulaire aux vétérans, à la communauté médicale, aux vendeurs titulaires d’un permis fédéral et aux intervenants externes.
3.2 Approbation exceptionnelle de quantités supérieures à la limite quotidienne (plus de 3 grammes par jour)
Les règles administratives relatives à l’approbation exceptionnelle de quantités supérieures à 3 grammes par jour sont appliquées. Cependant, la demande envers ce processus d’approbation continue de croître.
Les vétérans qui ont régulièrement recours à de fortes doses de CFM (en particulier s’ils choisissent des produits à forte teneur en THC) peuvent avec le temps :
- développer une dépendance psychologique (accoutumance);
- s’exposer à un risque accru d’apparition ou d’aggravation d’un ou de plusieurs troubles psychiatriques ou de l’humeur (schizophrénie, psychose, anxiété, dépression, trouble bipolaire)Note de bas de page 18
Le terme « approbation exceptionnelle » fait référence au processus qui a été établi conformément à la politique à l’intention des vétérans qui souhaitent recevoir le remboursement de quantités supérieures à la limite de 3 grammes par jour. L’approbation exceptionnelle nécessite le respect d’exigences supplémentaires qui ont été fixées afin d’atténuer les risques accrus associés à l’utilisation de quantités supérieures de CFM. En plus du document médical dressant la liste des affections ouvrant droit à des prestations d’invalidité du vétéran, le processus exceptionnel exige la présentation d’une lettre rédigée par un médecin spécialiste à l’appui de la nécessité de prescrire une quantité supérieure de CFM au vétéran.
Les exigences de la politique d’ACC sont présentées sous la forme de « règles administratives » détaillées qui visent à informer le fournisseur externe de services des étapes précises à suivre pour approuver des demandes d’approbation et pour payer les factures présentées par les vendeurs titulaires d’un permis fédéral. Nous nous attendions à constater que les mesures de contrôle supplémentaires mises en œuvre par ACC pour ce groupe de vétérans atténuaient de manière efficace le risque accru afin de favoriser la santé des vétérans.
La vérification a permis de déterminer que les règles administratives relatives à l’approbation exceptionnelle étaient appliquées par le fournisseur externe de services, mais qu’elles n’atténuaient pas de manière efficace le risque accru auquel les vétérans étaient exposés. Nous avons essentiellement constaté que les règles avaient été simplifiées de manière à accélérer l’accès, ce qui s’était produit au détriment de l’équilibre avec le bien-être des vétérans.
Suivi du patient par le professionnel de la santé
Bien que les lignes directrices des ordres des médecins et chirurgiens provinciaux varient, on s’entend généralement pour dire qu’un professionnel de la santé doit tenir compte de l’ensemble des problèmes de santé antérieurs, des traitements ainsi que des risques éventuels lorsqu’il autorise le CFM. Les ordres provinciaux soulignent également l’importance d’un plan de suivi et d’une évaluation régulière du patient.
Dans son guide sur l’autorisation du CFM, le Collège des médecins de famille du Canada recommande aux médecins d’effectuer un suivi régulier du patient et d’avoir recours à diverses stratégies de réduction des méfaits. Il conseille notamment :
- d’établir des objectifs de traitement précis et réalistes au moment d’amorcer un traitement au CFM;
- de prévoir des visites de suivi aux quatre à huit semaines après le début du traitement et au besoin, et ensuite tous les trois mois quand la dose est stable;
- de prévoir, pour les consommateurs réguliers de cannabis, des réévaluations périodiques de l’efficacité du traitement et de la possibilité de réduire graduellement les dosesFootnote 19.
Les recommandations issues des travaux de recherche de l’Université McMaster donnent également un aperçu de l’importance des rendez-vous de suivi proposés par le professionnel de la santé au patient qui utilise le CFM. Elles soulignent notamment qu’après le début d’un essai de CFM, les utilisateurs de cannabis non expérimentés devraient être vus au moins tous les mois jusqu’à ce qu’une dose stable soit atteinte; les utilisateurs expérimentés pourraient quant à eux être vus après trois mois.
Les recommandations expliquent en outre qu’en présence de bienfaits limités ou d’effets secondaires problématiques, le professionnel de la santé peut choisir de mettre fin au traitement, de modifier la dose (quantité en grammes et teneur relative en THC et en CBD) ou de modifier la voie d’administration. Le cannabis devrait être abandonné si, malgré ces stratégies, le patient continue d’éprouver des effets secondaires problématiques, si la dose maximale est atteinte sans bienfaits importants, ou si le patient détourne du cannabis ou développe un trouble lié à sa consommation. Si le traitement à base de CFM connaît du succès, le patient devrait faire l’objet d’un suivi (par exemple, tous les trois à six mois) après l’atteinte d’une dose stableFootnote 20.
Taux de refus des demandes d’approbation exceptionnelle
En raison des risques éventuels pour la santé des vétérans et des mesures additionnelles prises par ACC relativement au remboursement de quantités supérieures à 3 grammes par jour, nous nous attendions à observer des taux de refus des demandes relativement élevés. Selon le fournisseur externe de services, le taux de refus des demandes d’approbation exceptionnelle s’élevait à environ 22 %. Cependant, ce taux avait été calculé en fonction des cas individuels de refus et n’avait pas été ajusté en fonction des demandes refusées qui avaient par la suite été approuvées. Après avoir procédé à cet ajustement, la Direction générale de la vérification et de l’évaluation a constaté que le taux réel de refus s’élevait tout au plus à 7,8 % pour la période visée par l’évaluation. Ce faible taux de refus illustre le fait que les mesures de contrôle mises en place pour atténuer le risque accru pour la santé des vétérans ayant exceptionnellement accès à plus de 3 grammes de CFM par jour ne sont pas aussi efficaces que prévu.
Professionnels de la santé responsables d’un grand nombre d’autorisations
Les experts conviennent qu’il est important, en raison du manque de données probantes sur l’efficacité et l’innocuité ainsi que du manque de directives sur la posologie, que les patients qui ont accès au CFM fassent l’objet d’un suivi étroit de la part d’un professionnel de la santé.
Le rôle d’ACC est d’aider les vétérans à accéder au soutien et aux services dont ils ont besoin. ACC ne s’immisce pas dans les relations médecin-patient des vétérans. Toutefois, ACC est en mesure d’analyser la population et de cerner les secteurs préoccupants. L’équipe de vérification a notamment constaté qu’un petit nombre de médecins avaient autorisé un très grand nombre de vétérans à avoir recours au CFM, ce qui soulève des questions quant à la rigueur du suivi médical effectué. En effet, pour la période visée par l’évaluation, sur un total de 13 796 vétérans remboursés pour le CFM :
- un professionnel de la santé avait à lui seul remis des autorisations d’accès à 1 294 vétérans;
- trois autres professionnels de la santé avaient remis entre 700 et 830 autorisations;
- six autres professionnels de la santé avaient remis plus de 300 autorisations d’accès au CFM.
Lettres des médecins spécialistes
Les médecins spécialistes connaissent maintenant mieux les critères d’admissibilité d’ACC. Ils sont conscients des exigences au moment de rédiger leurs lettres de manière à assurer l’acceptation des demandes. Nous avons également noté que les lettres des médecins spécialistes ne comportaient que très peu d’éléments à l’appui d’une étroite relation médecin-patient :
- Les recommandations relatives au suivi étaient vagues, les spécialistes utilisant des formulations comme « suivi dans six mois ou selon les besoins cliniques ».
- Un peu plus de la moitié des lettres examinées dans le cadre de la vérification ne comportaient aucune mention relative au suivi.
- Les spécialistes doivent énumérer les contre-indications qui ont été prises en compte lors de l’évaluation du patient. Nous avons noté que la profondeur et le niveau de détail des renseignements fournis sur les contre-indications variaient grandement, certaines lettres ne comportant que la mention « aucune contre-indication ». De plus, nous avons noté des cas où la section des renseignements généraux sur le patient de la lettre d’appui faisait référence à des contre-indications connues (problèmes de santé mentale, principalement) sans que le médecin les considère par la suite comme des contre-indications au traitement à base de CFM et qu’il justifie que les avantages du traitement étaient supérieurs aux risques.
Recommandation 3 :
En ce qui concerne les vétérans ayant accès de manière exceptionnelle à des quantités supérieures de CFM, il est recommandé que le sous-ministre adjoint, Prestation des services intègre au processus d’approbation l’obtention d’une garantie que le professionnel de la santé qui autorise le traitement a mené des évaluations de suivi auprès du vétéran afin de surveiller ses symptômes, ses progrès et son bien-être tout au long du traitement à base de CFM.
Cette garantie devrait être obtenue au moins une fois avant le renouvellement annuel de l’autorisation d’accès au CFM et devrait fournir l’assurance que les objectifs du traitement sont atteints et qu’une évaluation de la santé mentale et des signes de dépendance a été effectuée.
La direction accepte la recommandation.
La Direction générale de la gestion des programmes et de la prestation des services s’engage à adopter un nouvel outil d’évaluation et de suivi qui devra être rempli par le professionnel de la santé ayant autorisé le traitement à intervalle régulier, conformément à des exigences établies en consultation avec la Direction générale des professionnels de la santé.
Cette mesure comprendra notamment l’élaboration d’une orientation fonctionnelle, la prestation de la formation requise, la communication efficace des changements apportés aux processus et aux exigences du programme aux vétérans, à la communauté médicale, aux vendeurs titulaires d’un permis fédéral et aux intervenants externes, la collecte de données pertinentes et la production de rapports.
3.3 Collecte de données et suivi de tendances pour éclairer les décisions stratégiques
ACC pourrait prendre davantage de mesures pour analyser les données et cerner les tendances qui pourraient orienter les travaux relatifs aux politiques.
Au fil de l’évolution du programme de CFM, et devant la croissance continue et exponentielle de la demande envers celui-ci, ACC devra gérer adéquatement les ressources et examiner l’efficacité de ses politiques et programmes.
Il est possible d’améliorer les efforts de collecte de données afin que les renseignements clés soient recueillis, analysés et utilisés pour appuyer la prise de décisions stratégiques.
Nous nous attendions à constater qu’ACC recueille des donnés clés et effectue un suivi des tendances pertinentes pour éclairer sa politique sur le CFM, et ce notamment en ce qui concerne les données relatives aux affections visées par le traitement, au type de cannabis utilisé, à la teneur en CBD et en THC des produits choisis et à la voie d’administration.
La vérification a permis de déterminer que, puisque la Politique de remboursement du cannabis à des fins médicales d’ACC est relativement nouvelle, le secteur de programme s’est concentré sur l’établissement du processus de remboursement et la mise au point des règles administratives avec le fournisseur externe de services. Comme ce fût le cas pour d’autres prestations pour soins de santé fondées sur les droits, la direction a mis l’accent sur l’admissibilité et l’accès. Le secteur de programme a recueilli et surveillé certaines données, mais l’analyse des tendances sur la santé et le bien-être des vétérans n’a pas constitué une priorité. ACC reçoit régulièrement des rapports du fournisseur externe de services, mais ces rapports contiennent surtout des données sur les transactions et les volumes.
ACC exige qu’un certain nombre de renseignements soient consignés dans le système de gestion des demandes au sujet de l’autorisation d’accès (nom du professionnel de la santé, nombre de grammes, vendeur titulaire d’un permis fédéral) ainsi que de la facture (nombre de grammes remboursés, code d’avantage du produit). Cependant, il serait possible d’améliorer les efforts de collecte de données de sorte que les renseignements clés soient saisis, consignés dans le système et utilisés pour éclairer les décisions stratégiques. Nous avons remarqué que, pendant notre travail sur le terrain, ACC travaillait à un projet pilote avec un vendeur titulaire d’un permis fédéral, et ce, afin de mettre en œuvre un processus de facturation électronique qui permettrait une réduction des coûts transactionnels. On nous a signalé qu’ACC a l’intention de profiter de cette occasion pour recueillir des renseignements supplémentaires en ajoutant au système un champ réservé à la teneur en THC du produit acheté par le vétéran. ACC s’assurera également que les renseignements relatifs au médecin responsable de l’autorisation et au médecin spécialiste soient recueillis.
Recommandation 4 :
Il est recommandé que le sous-ministre adjoint, Prestation des services, en consultation avec le sous-ministre adjoint, Politiques et Commémoration et le sous-ministre adjoint, Secteur du dirigeant principal des finances et des services ministériels, élabore une stratégie à l’appui de la collecte et de l’analyse de données pertinentes (y compris, sans s’y limiter, les affections visées par le traitement, le type de produit à base de cannabis, la teneur en CBD et en THC, la voie d’administration, etc.), qui serviront à orienter la politique ainsi qu’un cadre de surveillance.
La direction accepte la recommandation.
La Direction générale de la gestion des programmes et de la prestation des services s’engage à travailler avec la Direction générale des politiques et de la recherche, la Direction générale des professionnels de la santé, la Direction générale de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels et la Direction de la statistique afin d’élaborer une stratégie pour la collecte et l’analyse appropriées de données supplémentaires qui serviront à orienter la politique ainsi qu’un cadre de surveillance dans les limites des pouvoirs du Ministère.
3.4 Suivi des tendances d’utilisation
ACC n’effectue pas le suivi des tendances d’utilisation du CFM.
Sans avoir au préalable procédé à la collecte et à l’analyse de renseignements clés sur le recours au CFM par les vétérans, le Ministère ne pourra être en mesure de cerner les tendances potentiellement problématiques et d’ajuster sa politique pour protéger la santé et le bien-être des vétérans.
Le mandat d’ACC, les indicateurs de rendement des avantages médicaux et la Politique de remboursement du cannabis à des fins médicales (la politique) comportent tous des objectifs axés sur la santé des vétérans. Compte tenu de ces objectifs et de l’insuffisance d’études et de données probantes à l’appui de l’efficacité et de l’innocuité du CFM, nous nous attendions à ce qu’ACC surveille les tendances d’utilisation du CFM et prenne les mesures qui s’imposent. Nous nous attendions notamment à constater qu’ACC effectue un suivi :
- des augmentations importantes de la dose autorisée;
- des liens établis avec des affections que les organisations médicales considèrent comme des contre-indications au traitement;
- de l’association entre le recours élevé au CFM et la prise de médicaments appartenant à des classes problématiques.
Nous avons constaté qu’ACC ne surveille pas ces tendances d’utilisation. La plupart des gens à qui nous avons parlé au Ministère nous ont mentionné qu’ACC devrait en faire plus à cet égard, mais aucune mesure n’a encore été prise. Nous avons également discuté avec une compagnie d’assurance indépendante, qui nous a expliqué qu’elle surveille le recours à certains types de médicaments et qu’elle prend des mesures lorsque les quantités dépassent les taux recommandés. Cet assureur communique régulièrement avec les pharmacies et les médecins lorsque des problèmes sont décelés.
Le guide sur l’autorisation du CFM du Collège des médecins de famille du Canada (CMFC) contient la mention suivante : « D’ici à ce que d’autres recherches fassent la lumière sur son efficacité et les préjudices associés à son utilisation pour le traitement de l’anxiété, de l’ÉSPT ou de l’insomnie, nous estimons que le cannabis n’est pas un traitement approprié pour ces affections. »
Le CMFC recommande cependant que les médecins qui autorisent un traitement par le cannabis chez le patient souffrant d’anxiété et de douleur neuropathique en concomitance :
- maintiennent la dose faible afin d’éviter de déclencher l’anxiété;
- notent sur le document médical les souches à faible teneur en THC ou contenant uniquement du CBD;
- mettent un terme au traitement par le cannabis si l’anxiété ou l’humeur du patient s’aggrave.
Le CMFC souligne également que les médecins devraient envisager de réduire graduellement la dose chez les patients qui prennent de fortes doses d’opioïdes ou de benzodiazépinesNote de bas de page 21.
Santé Canada recommande pour sa part aux médecins de faire preuve d’une vigilance accrue lorsqu’ils envisagent l’autorisation du CFM chez :
- les patients atteints d’une maladie respiratoire comme l’asthme ou la MPOC;
- les patients qui ont des antécédents d’abus de substances;
- les patients qui présentent un trouble de l’humeur ou qui prennent des sédatifs ou d’autres psychotropes.
Étant donné qu’ACC n’avait pas effectué d’analyses sur ces situations à risque élevé, l’équipe de vérification a effectué ses propres analyses sur les contre-indications associées aux affections ouvrant droit à des prestations d’invalidité et à la prise de médicaments. L’équipe de vérification a analysé l’information relative à tous les vétérans dont le CFM avait été remboursé pendant la période visée par l’évaluation et a constaté que :
- la grande majorité des vétérans étaient atteints de troubles de santé mentale (en particulier l’ESPT), qui sont considérés comme une contre-indication au traitement par des organismes de santé comme le Collège des médecins de famille du Canada et Santé Canada;
- 45 vétérans avaient un trouble lié à l’utilisation de substances comme affection ouvrant droit à des prestations d’invalidité;
- 46 vétérans avaient reçu le remboursement de grandes quantités de CFM (7 à 10 grammes par jour) tout en ayant aussi reçu le remboursement de médicaments appartenant à chacune des quatre classes de médicaments à risque élevé : les antidépresseurs, les antipsychotiques, les benzodiazépines et les opioïdes (narcotiques);
- en plus de ces 46 vétérans, 149 vétérans avaient reçu le remboursement de grandes quantités de CFM (7 à 10 grammes par jour) tout en ayant aussi reçu le remboursement de médicaments appartenant à trois des quatre classes de médicaments à risque élevé.
ACC s’est doté d’une politique intitulée Médicaments sur ordonnance (PDC no 10) qui décrit son processus d’examen de l’emploi contre-indiqué des médicaments et énonce que « le Ministère peut imposer des limites de quantité au cas par cas quand il est jugé que l’usage que fait le client des avantages du PDC 10 pourrait être excessif et également quand on est en présence de situations comportant des emplois contre-indiqués ».
Le site Internet d’ACC indique par ailleurs que le processus d’examen peut mener à la prise de plusieurs mesures, y compris la sensibilisation du client aux ramifications des interactions médicamenteuses, la consultation auprès d’un médecin, la consultation auprès d’un pharmacien, et le renvoi d’un présumé manquement à l’éthique ou d’une faute professionnelle par un médecin.
L’équipe de vérification a été informée que le CFM n’était pas concerné par le processus d’examen, car il ne s’agit techniquement pas d’un produit pharmaceutique réglementé. Nous avons également été informés qu’ACC apportait des modifications à son processus d’examen afin d’être en mesure d’effectuer un suivi des tendances générales plutôt que des tendances propres à chaque vétéran.
3.5 Suivi des professionnels de la santé qui émettent des autorisations
ACC n’assure pas le suivi des tendances relatives aux professionnels de la santé qui autorisent le recours au CFM.
Comme les lignes directrices sur l’autorisation du CFM sont limitées, il existe un risque que certains professionnels de la santé prescrivent à outrance des traitements à base de CFM.
Les autorisations d’accès au CFM sont rédigées à l’égard d’un nombre de grammes par jour et diffèrent en ce sens des ordonnances de médicaments dont la posologie a été standardisée. Les professionnels de la santé agissent essentiellement à titre de gardiens de l’accès au CFM au Canada. Les lois fédérales permettent aux médecins et aux infirmiers praticiens d’autoriser le recours au CFM. ACC a établi une exigence supplémentaire pour les vétérans qui demandent un remboursement dans le cadre du processus exceptionnel (c.-à-d. pour une quantité supérieure à 3 grammes par jour). Ceux-ci doivent en effet soumettre une lettre rédigée à l’appui de leur demande par un médecin spécialiste possédant une expertise dans le trouble diagnostiqué (douleur chronique, santé mentale, etc.).
En raison des risques éventuels pour la santé et le bien-être des vétérans, nous nous attendions qu’ACC effectue un suivi des tendances relatives aux professionnels de la santé qui autorisent l’accès au CFM et qu’il prenne les mesures qui s’imposent. Nous avons toutefois constaté qu’ACC n’effectue aucun suivi de ces tendances. La vérification a permis de déterminer que d’autres organisations qui fonctionnent selon un modèle d’assureur payeur n’adoptaient pas la même approche non interventionniste. Ces organisations effectuaient plutôt des analyses des données sur les transactions des médecins afin de cerner les valeurs aberrantes, et elles prenaient ensuite les mesures appropriées.
Comme ACC ne surveillait pas ces tendances, l’équipe de vérification a tenté de procéder à ses propres analyses. Elle a toutefois été confrontée à de graves problèmes d’intégrité des données relatives aux professionnels de la santé. Ces problèmes, décrits ci-dessous, rendaient impossible l’obtention d’un portrait complet de la situation.
- Dans près du tiers des dossiers des vétérans autorisés à avoir accès au CFM pendant la période visée par l’évaluation, le champ de données sur le professionnel de la santé n’avait pas été rempli. Le fournisseur externe de services a expliqué qu’il s’agissait de dossiers pour lesquels l’autorisation d’accès avait été obtenue auprès d’un infirmier praticien; cependant, notre examen des dossiers a révélé que ce n’était pas toujours le cas.
- Lorsque rempli, le champ de données sur le professionnel de la santé présentait des problèmes d’intégrité des données. Certains médecins y étaient inscrits plusieurs fois, avec un numéro d’identification différent et sous un nom comportant des variations orthographiques.
- Les champs de données sur le professionnel de la santé qui avaient été remplis ne l’avaient pas été de manière uniforme. Ils contenaient dans certains cas le nom du médecin qui avait émis l’autorisation, et dans d’autres, le nom du médecin spécialiste.
Malgré le fait que nous n’ayons pas été en mesure de dresser un portrait complet des activités des professionnels de la santé qui autorisent l’accès au CFM, nous avons été à même de constater plusieurs tendances préoccupantes. Après avoir écarté aux fins des calculs les demandes qui n’identifiaient pas le professionnel de la santé, nous avons en effet pu déterminer que :
- 11 professionnels de la santé avaient émis près de 40 % des autorisations d’accès au CFM;
- 5 professionnels de la santé avaient émis un peu plus du quart des autorisations, en recommandant tous des quantités moyennes quotidiennes passablement élevées;
- seule une légère proportion (6,5 %) des professionnels de la santé autorisaient l’accès à des quantités supérieures à 3 grammes par jour.
Recommandation 5 :
Il est recommandé que le sous-ministre adjoint, Prestation des services élabore un cadre de surveillance axé sur les risques pour le CFM, et ce dans l’optique d’assurer la santé et le bien-être des vétérans. Ce cadre de surveillance appuierait la stratégie de collecte et d’analyse de données (décrite à la recommandation 4) et prévoirait :
- le suivi des augmentations de la dose, des affections visées par le traitement, des troubles de santé mentale, des autres médicaments prescrits, des contre-indications au traitement, du type de cannabis, de la voie d’administration et de la teneur en CBD et en THC, notamment;
- des critères permettant d’identifier les vétérans à risque élevé et de s’assurer qu’ils disposent des mesures de soutien appropriées (c.-à-d. prise en charge des cas, avantages médicaux supplémentaires, services de soutien en matière d’abus de substances, cliniques pour blessures liées au stress opérationnel).
- des critères relatifs au suivi des autorisations et au renvoi pour enquête des cas présumés de prescription à outrance du CFM aux ordres des médecins provinciaux appropriés (c.-à-d. collèges de médecins).
La direction accepte la recommandation.
La Direction générale de la gestion des programmes et de la prestation des services s’engage à élaborer un cadre de surveillance axé sur les risques pour le CFM, et ce dans l’optique d’assurer la santé et le bien-être des vétérans.
Des consultations auront lieu avec la Direction générale des professionnels de la santé, la Direction générale de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels, la Technologie de l’information, les Services juridiques et la Direction générale des politiques et de la recherche afin d’élaborer un cadre de surveillance dans les limites de nos pouvoirs qui permettra d’identifier les vétérans à risque et d’élaborer une stratégie d’intervention auprès de ces vétérans.
3.6 Limites de remboursement quotidiennes
Les vétérans ne reçoivent pas le remboursement de quantités de cannabis supérieures à celles qui ont été autorisées.
Le professionnel de la santé qui autorise le recours au CFM inscrit sur le document médical la quantité de cannabis visée par l’autorisation, en grammes par jour. Nous nous attendions à ce qu’ACC ait mis en place des mesures de contrôle afin de limiter les remboursements à la quantité de cannabis autorisée. Notre examen des dossiers a permis de déterminer que ce processus se fait manuellement et qu’il est compliqué par diverses dates; cependant, même en présence de ces facteurs de risque élevés, les vétérans ne recevaient pas le remboursement de quantités de cannabis supérieures à celles qui avaient été autorisées.
3.7 Suivi des dépenses
Dépenses de programme :
Les dépenses associées au CFM augmentent à un rythme important. Bien que le Ministère ait constaté une diminution temporaire des dépenses après la mise en œuvre de la Politique de remboursement du cannabis à des fins médicales en novembre 2016, la demande envers le CFM continue d’augmenter.
Le Programme de médicaments sur ordonnance (aussi appelé PDC 10) fait partie des quatorze programmes d’avantages médicaux, ou programmes de choix (PDC), offerts par ACC à ses clients admissibles. Le PDC 10 permet aux clients d’obtenir des produits pharmaceutiques et d’autres avantages s’ils :
- ont un besoin médical clairement démontré;
- possèdent une ordonnance émise par un professionnel de la santé autorisé à cet égard.
Comme l’indique la Figure 5, ACC consacre maintenant plus de fonds au remboursement du CFM qu’à celui de tous les médicaments sur ordonnance réunis.
Figure 5 : Dépenses associées au CFM et aux autres médicaments sur ordonnance
Figure 5 : Dépenses associées au CFM et aux autres médicaments sur ordonnance
PDC | 2015-2016 | 2016-2017 | 2017-2018 | 2018-2019 | 2019-2020 |
---|---|---|---|---|---|
PDC 10 | 71,1 $ | 70,9 $ | 66,3 $ | 66,2 $ | 66,1 $ |
PDC 10 - CFM | 20,5 $ | 63,7 $ | 50,8 $ | 74,6 $ | 85,2 $ |
Compte tenu de la croissance importante des dépenses associées au CFM, l’équipe de vérification s’attendait à constater qu’ACC en effectue la surveillance. Nous avons effectivement constaté qu’ACC avait soumis les dépenses associées au CFM à un processus de surveillance et de prévision, et ce principalement dans le cadre de son exercice budgétaire annuel, mené par la Direction générale des finances d’ACC.
Ce processus est systématique et robuste, et le personnel des finances consulte le secteur de programme au besoin. Cependant, les prévisions relatives aux dépenses associées au CFM ont été plafonnées dans la plus récente publication Faits et chiffres d’ACC. Cela signifie qu’ACC a fait rapport des dépenses réellement associées au CFM pour 2019-2020, qui s’élevaient à 85,2 millions de dollars, mais qu’il a fixé à 143,6 millions de dollars les dépenses prévues pour chacun des cinq exercices suivants. ACC ne publie habituellement pas de prévisions plafonnées. Le personnel du ministère a indiqué qu’il n’avait pas procédé comme pour les autres programmes parce que le programme de CFM était relativement nouveau et imprévisible.
Après discussion avec l’équipe de vérification, le personnel d’ACC a convenu qu’il s’était maintenant écoulé assez de temps pour pouvoir procéder à la prévision des dépenses associées au CFM. Les prévisions disponibles au moment d’écrire ces lignes sont présentées à la Figure 6.
2020-2021 | 2021-2022 | 2022-2023 | 2023-2024 | 2024-2025 | 2025-2026 |
---|---|---|---|---|---|
119,0 $ | 156,0 $ | 195,2 $ | 233,9 $ | 276,0 $ | 321,5 $ |
Dépenses liées aux transactions :
En plus des dépenses de programme (c.-à-d. le coût du cannabis lui-même), des frais de transaction sont également payés au fournisseur externe de services chargé de procéder au traitement des demandes de remboursement et au paiement des factures. Ces frais sont décrits dans les modalités du contrat, qui est géré par l’Unité de l’administration des contrats d’ACC. Nous avons constaté que l’Unité, en consultation avec le secteur de programme, avait surveillé et prévu les dépenses liées aux frais de transaction encourus pour le traitement des demandes de remboursement du CFM (contrat des SFTDSS). Les dépenses liées aux transactions sont élevées, et l’Unité prévoit qu’elles atteindront 1 million de dollars par mois d’ici 2026.
3.8 Optimisation de la valeur des fonds publics
ACC est au fait de la croissance de la demande envers le CFM, mais il pourrait mettre en œuvre davantage de mesures pour optimiser la valeur des fonds publics.
Dépenses de programme :
Compte tenu de la croissance historique des dépenses associées au cannabis et des prévisions laissant présager une croissance continue des dépenses, nous nous attendions à ce qu’ACC soit au fait de cette croissance et qu’il ait élaboré des stratégies d’atténuation pour produire la plus grande valeur pour le coût (p. ex., partenariats avec l’industrie, options génériques, etc.). Nous avons constaté qu’ACC était au fait de la croissance des dépenses de programme associées au CFM, mais qu’il n’avait pas pris de mesures pour trouver des solutions qui optimiseraient la valeur du financement du programme.
Le remboursement du CFM relève du Programme d’avantages médicaux, qui constitue l’un des vingt-cinq programmes quasi législatifs distincts gérés par ACC. Ce financement quasi législatif non discrétionnaire est modulé selon la demande. Essentiellement, si un vétéran est admissible au recours au cannabis à des fins médicales, ACC doit lui rembourser au taux prévu la quantité de CFM autorisée conformément à la politique.
La Direction générale des finances d’ACC surveille les dépenses chaque mois, comme l’exige la politique du Conseil du Trésor sur la gestion des finances, afin d’assurer l’utilisation saine et prudente des fonds publics et le respect de l’obligation de rendre compte aux Canadiens.
Dépenses liées aux transactions :
L’Unité de l’administration des contrats d’ACC était au fait de la croissance des dépenses liées aux transactions et avait cerné diverses options pour tenter de réduire les coûts. L’Unité avait planifié un projet pilote avec un vendeur titulaire d’un permis fédéral pour opérationnaliser l’une de ces options d’atténuation des coûts.
Recommandation 6 :
Il est recommandé que le sous-ministre adjoint, Prestation des services, en consultation avec le sous-ministre adjoint, Secteur du dirigeant principal des finances et des services ministériels, mette en œuvre des façons rentables de gérer les coûts administratifs et les coûts liés aux produits.
La direction accepte la recommandation.
La Direction générale de la gestion des programmes et de la prestation des services s’engage à consulter la Direction générale des finances afin de trouver des façons rentables de gérer la croissance du programme.
3.9 Taux de remboursement par gramme de cannabis
La Politique de remboursement du cannabis à des fins médicales d’ACC (la politique) énonce qu’elle remboursera le vétéran selon un taux maximum par gramme de cannabis. La politique ne mentionne pas ce taux maximum, mais, au moment de sa mise en œuvre, en 2016, ce taux a été établi à 8,50 $ par gramme de cannabis séché (ou son équivalent sous forme d’autres produits) en fonction d’études de marché récentes.
Nous nous attendions à ce qu’ACC ait activement surveillé le caractère raisonnable et la pertinence de son taux de remboursement de 8,50 $ par gramme. Nous avons constaté qu’ACC n’avait pas été en mesure de mener les études de marché nécessaires pour déterminer si le taux de 8,50 $ par gramme demeurait approprié. Les vendeurs titulaires d’un permis fédéral n’affichaient plus leurs prix publiquement sur leurs sites Web et, par conséquent, ACC n’avait pas été en mesure d’obtenir des données de marché comparables.
Depuis la fin des travaux de vérification sur le terrain, ACC a été en mesure d’évaluer et de valider son taux de remboursement quotidien par l’entremise du fournisseur externe de services chargé de traiter les demandes relatives au CFM.
3.10 Opinion du vérificateur
ACC a pris des mesures pour opérationnaliser sa politique pour fournir aux vétérans un accès au remboursement du traitement par CFM. Toutefois, d’importantes lacunes demeurent sur le plan des contrôles internes relatifs à la santé des vétérans et à la gestion du programme.
Comme Santé Canada n’a pas encore approuvé le CFM en tant que produit thérapeutique, ACC devra prendre des mesures réfléchies et prudentes pour améliorer la surveillance lorsqu’il soutient l’accès des vétérans à ce traitement par le remboursement des coûts. ACC se trouve devant l’occasion de consulter les intervenants et de collaborer avec des experts de la santé pour poursuivre l’élaboration d’une politique et d’un cadre de surveillance plus robustes dans les limites de nos pouvoirs qui répondront aux besoins en matière de santé des vétérans et de leurs familles.