Moi, j'ai continué mes études. J'avais des crédits quand je suis
revenu de l'autre bord; j'avais 2 300 $ en crédits accumulés.
Puis, j'ai pris cet argent-là et j'ai fini mes études. J'ai
gradué en génie civil en 1954, moi... en génie civil, à
l'Université McGill. J'ai travaillé et j'ai fait partie d'une
compagnie de transport de camions. J'ai travaillé là-dedans
pendant 30 ans. Je suis devenu surintendant général d'une
compagnie de transport et j'ai gagné ma vie avec ça. Après
l'université et les études, je voulais me construire une maison.
J'ai remis les 2 300 $ aux vétérans puis j'ai été « requalifié »;
je me suis servi de cet argent-là pour construire ma maison, ici,
à Chambly. Ça a fait un développement de vétérans, qu'on avait,
et puis...
Interviewer : Vous habitez encore dans la même maison?
Je suis encore dans la même maison. C'était un avantage
parce que j'avais trois acres quand j'ai... puis j'ai vendu ça
pour un bon montant. J'ai fait un gros profit avec ça. J'ai
justement vendu un terrain l'été passé à un nouveau voisin...
j'avais emprunté 12 000 $, moi, des vétérans pour construire ma
maison puis acheter mon terrain; j'ai fait dix fois ça depuis ce
temps-là. C'était très payant.
Interviewer : Donc, est-ce que vous trouvez que les mesures
qui ont aidé les vétérans à se réinsérer après la guerre, soit
étudier, soit se bâtir des maisons, est-ce-que vous trouvez que
ces mesures-là étaient appropriées?
Absolument, absolument, mais il fallait être au courant de ces
mesures-là, de ces choses-là. Il y a beaucoup de vétérans qui ne
se sont pas mis au courant. Je rencontre des vétérans, moi,
aujourd'hui qui ont 80 ans, qui ont jamais eu 5 cents de l'armée,
des vétérans, des gars même qui ont été blessés, et tout ça.
Ils disent : « Je ne veux pas rien savoir de ça moi, je n'ai pas
besoin de ça.»
Interviewer : Ah oui, orgueilleux. Ils sont révoltés contre...
C'est ça, c'est ça. Ils ne veulent rien savoir; c'est triste
parce qu'ils pourraient avoir des avantages. Moi, ma pension de
« déshabilité » que j'ai depuis la guerre, ça m'a aidé ça
financièrement. Quand j'ai construit ma maison, c'est les
vétérans qui m'ont aidé avec ça. Comme ça... même les
vétérans qui restent là, les gars âgés là, il y a des avantages
pour eux autres; ils devraient prendre ces avantages-là.
Interviewer : C'est pour ça que vous êtes actif dans la Légion
depuis 30 ans que vous m'avez dit? Et même depuis la guerre?
Depuis la guerre, moi, je suis dans la Légion. Et puis j'ai
été président de deux filiales de la Légion. Celle-ci, puis une
autre aussi à laquelle j'appartenais. Ça, cette médaille-là, ça
veut dire que j'ai été président pendant plusieurs termes, et
tout ça. Ça, ce sont toutes des médailles de la Légion.
Puis, pour aider mes confrères, parce que, moi, j'ai été bien
chanceux. J'ai été très à l'aise dans ma vie, moi. J'ai toujours
été... eu des bons salaires, j'ai bien élevé mes enfants,
comme ça...
Interviewer : Autrement dit, autant vous étiez révolté et
bagarreur quand vous étiez dans l'armée, autant vous avez su vous
adapter quand vous êtes revenu à la vie civile, puis...
Absolument. Puis ça m'a aidé. Le temps que j'ai été dans l'armée,
ça m'a donné une discipline que j'ai encore, même aujourd'hui.
Cette discipline-là, je ne l'ai jamais perdue. Moi, je nettoie
mes souliers à tous les jours puis je porte des pantalons qui
sont bien pressés. Je me fais la barbe tous les jours et je me
tiens en ordre, moi. C'est grâce à la discipline que j'ai eue
dans l'armée, ça. Aujourd'hui, les jeunes n'ont pas ça.
Puis, j'ai transmis cette discipline-là à mes deux enfants.
Mon fils, c'est une personne très, très disciplinée; ma fille,
la même chose.
Interviewer : Ça les aide dans la vie?
Absolument. Avoir de la discipline, ça aide dans la vie.
Dans la vie, on ne peut pas faire tout ce qu'on veut. C'est
important. Cette discipline-là, ça été dur pour mes enfants;
quand j'ai élevé mes enfants, j'insistais sur la discipline.
Parce que la discipline que j'ai eue dans l'armée et les
expériences que j'ai eues en Europe, ça a marqué toute ma vie.
Quand je vois des gens qui souffrent, je suis prêt à les aider et
je pense que c'est grâce à mes expériences de la guerre.
Interviewer : Ce que vous avez vu à la guerre, ça vous a
appris la compassion?
Absolument, absolument.
Interviewer : Est-ce que vous pensez que, comme avec vos
camarades, les autres soldats, les autres anciens combattants,
est-ce que pour la plupart ça a eu le même effet?
Absolument, absolument.
Interviewer : Est-ce que vous pensez que votre génération a su
développer de la compassion?
Absolument. On est des gens très, très sympathiques après ce
qu'on a vu durant la guerre; surtout envers les gens pauvres puis
les gens démunis. C'est très important, c'est important ça.
Moi, j'ai toujours été prêt à aider, dans la communauté, les gens
qui sont démunis. Et puis, je suis président de la Légion, ici,
et je vous garantis que, la Légion, il y a de la discipline ici.
C'est bien organisé, ça va bien, c'est important.